• Le doyen de la presse Européenne

Emmanuel Macron : le président qui n’aime pas la décentralisation

Ces temps derniers, il s’est dessiné qu’outre la Collectivité de Corse, Régions et Départements ne sont pas en odeur de sainteté à Paris.
Lors d’une session qui a eu lieu en visio-conférence, l’Assemblée de Corse a adopté le « Plan d'urgence et de sauvegarde économique et sociale pour la Corse » qui était proposé par le Conseil exécutif et qui vise à faire face à la crise ouverte par la pandémie COVID 19. Le Plan dessine ce que sera l’action de la CDC (Collectivité de Corse) dans le cadre de la phase de déconfinement et a pour objectif d’accompagner voire de booster le redémarrage de la vie économique, sociale et culturelle. Il met en avant quatre objectifs : sauver des vies et protéger la santé publique ; solidarité pour les plus vulnérables, les territoires, les communes, les associations ; plan d’urgence économique et sociale de plus de 30 M€ ; réussir l’allègement progressif du confinement, vaincre l’épidémie et préparer l’avenir. Gilles Simeoni a souligné les difficultés de la tâche et prévenu que le pire était peut-être à venir : « Comment faire les meilleurs choix quand beaucoup de données de l’équation restent, au moment des choix, largement inconnues ? Il nous faut y répondre avec nos moyens, c’est ce que la CDC a essayé de faire : comprendre les mécanismes épidémiques, anticiper leurs conséquences dans tous les domaines de notre vie collective et faire les choix les plus conformes à l’intérêt de notre île et de ses habitants (…) Ce qui va se passer dans les mois à venir risque d’être cataclysmique pour l’ensemble des Corses. On est face à un défi sans précédent. Il faut construire la stratégie du rebond économique et social en intégrant le risque de rebond de l’épidémie. » Gilles Simeoni a aussi évoqué la difficulté d’agir à partir de ressources budgétaires limitées. En effet, alors que l’Etat peut « faire tourner la planche à billets » et créer des déficits, la CDC est contrainte de voter un budget à l’équilibre et devra compter avec une diminution de ses recettes du fait de la suspension de l’activité économique (probablement plusieurs dizaines de millions d’euros).


Diviser et entraver

Il était raisonnable de penser que connaissant la gravité de la crise, l’ensemble de l’opposition opterait pour le consensus. Il n’en a rien été. Seuls les conseillers La Corse dans la République ont voté pour. Pierre Ghionga l’avait d’ailleurs annoncé d’emblée : « Comment ne pas être d’accord avec ce rapport qui présente la réponse de la CDC à une crise exceptionnelle dans la mobilisation maximale de tous ses moyens ? » En revanche, les groupe Per l’Avenne et Andà Per Dumane ont joué la carte de la critique. Jean-Martin Mondoloni, président du groupe Per L’Avvene, a déclaré n’avoir pas trouvé dans le plan qui était proposé de mesures efficientes concernant le soutien à l’activité touristique et la commande publique, a demandé que soient vérifiées les marges de manœuvre financières et conclu en ces termes : « Le compte n’y étant pas, nous ne participerons pas au vote. » François Orlandi, s’exprimant pour le groupe macronien Andà per Dumane, a pris le parti de mettre en exergue l’action des maires : « Chacun dans nos communes, nous avons pris, dans la mesure du possible, les mesures nécessaires pour aider la population à traverser cette situation particulière » et de louer l’action gouvernementale : « La solidarité nationale s’est exprimée malgré ce que certains peuvent soutenir. » Puis, affirmant que le rapport de présentation du plan ignorait la solidarité nationale, l’intéressé a indiqué que son groupe ne prendrait pas part au vote. La position partisane adoptée par le groupe macronien a de quoi surprendre au vu de ce qu’a été l’action de l’Etat depuis des mois. En effet, à l’absence d’anticipation et de réactivité, se sont ajoutées la prise de décision malheureuse (par exemple le maintien du premier tour des élections municipales) ainsi qu’une communication ayant relégué au second plan l’information et privilégié la dissimulation des carences et des dysfonctionnements. De plus, ces derniers jours, il est clairement apparu qu’au lieu d’accompagner les efforts des grandes collectivités territoriales telles que la CDC, Emmanuel Macron et son gouvernement tentaient plutôt de les entraver.


Hostilité aux pouvoirs locaux

Gilles Simeoni et les autres élus insulaires qui attendaient des réponses claires de la part du Premier ministre, ont pu constater que si Matignon avait pris note des attentes de la CDC, rien de concret n’a émergé de la visio-conférence avec ce dernier qui a pourtant duré deux heures. Pire, le lendemain, le Premier ministre a signifié par lettre au Président du Conseil exécutif le refus opposé à la demande que la Corse soit « territoire pilote » dans le cadre d’un essai clinique sur l’utilisation de l’Hydroxy-chloroquine associée à l’Azithromycine ; demande qui était pourtant appuyée par une vingtaine de sommités du monde médical. Ces temps derniers, il s’est d’ailleurs dessiné qu’outre la CDC, Régions et Départements ne sont pas en odeur de sainteté à Paris. Emmanuel Macron l’a depuis confirmé. Il a pris le parti d’échanger, en visio-conférence durant quatre heures, avec une vingtaine de maires et, à cette occasion, il a annoncé qu’il n’y aurait pas de déconfinement « par région » et que celui-ci se ferait selon un « cadre national » que préfets et maires devraient adapter aux contextes locaux. L’hostilité présidentielle aux pouvoirs locaux a d’ailleurs été relevée par certains acteurs politiques hexagonaux. Le média libéral L'Opinion a récemment fait part d’une lettre du président du Conseil départemental de la Mayenne adressée à l’occupant de l’Elysée qui était intitulée: « Monsieur le Président, laissez faire les départements » et qui mentionnait ce regret : « La loi m’empêche d’aider, d’intervenir, de faire du sur-mesure pour les entreprises face au plus gros choc économique de l’histoire. Est-ce concevable que les millions d’euros soient présents mais que je ne sois pas en mesure de les donner à ceux qui le demandent ? » Ce même média a relayé la déclaration suivante de Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France : « Le problème, c’est qu’il (Emmanuelle Macron) n’a jamais été décentralisateur dans l’âme et cette crise n’y change rien. »
Partager :