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"Ritrattu" ,spectacle Studidanza & A Filetta

<< Ritrattu >> allie danse contemporaine et polyphonie

« Ritrattu », spectacle Studidanza & A Filetta


« Ritrattu » allie danse contemporaine et polyphonie. Le spectacle est inspiré du roman de Jérôme Ferrari, « À son image », paru en 2018. « Ritrattu », une réussite. Vibrante. Attachante. Pleine de finesse.


Distribution

Chorégraphie : Céline Giovannoni Danse : Manon Baldi, Estelle Garcia-Massiani, Cynthia Guerbaa, Thomas Esnoult, Pierre Dominique Garibaldi, Marion Giudicelli, Anne Orizoli, Lea Maria D’Amore, Elisa Bousquet, Marine Brottes.


« À son image » est le récit douloureux du parcours d’une jeune femme d’ici impliquée dans la lutte nationaliste, saisie ensuite – pour s’échapper ou se trouver ? – par le virus de la photographie. Une passion la conduisant au photojournalisme exercé pendant la guerre en Yougoslavie. « À son image » est l’histoire d’un itinéraire voué à l’échec. C’est aussi une réflexion sur l’image, cet instant de vie fixé à jamais qui ignore le passé et le futur. Image aux lectures ambivalentes, parfois trompeuses, parfois reflet d’une vérité… souvent éphémère ou parcellaire.

Céline Giovannoni a imaginé la chorégraphie de « Ritrattu » et dirigé le travail des danseurs de Studidanza, qui compose le volet professionnel de la compagnie de danse de l’Université de Corse. Le pari de la chorégraphe était aussi audacieux que risqué tant la photographie par son côté instantané et définitif peut être à l’opposé du mouvement, du geste, du souffle de l’art chorégraphique et dansé. Pari gagné.

Le spectacle se présente comme un storyboard qui orchestre les temporalités d’"À son image" restituées par les dix danseurs de la troupe dont les interventions en duo, en trio, ou collectives s’organisent en douze tableaux. Des séquences accompagnées par les chants de A Filetta dont les membres du groupe savent bouger, circuler, se mouvoir, qualité exceptionnelle chez les chanteurs de polyphonies insulaires !

Sur scène des accélérés, des ralentis, des stances immobiles s’enrouent et se déroulent, s’enchainent sur une belle ponctuation. L’œil du spectateur voyage à son gré ou choisit de s’attarder sur tel ou tel point à moins qu’il ne reparte en balade en suivant les fils tissés par les danseurs. « A son image », version dansée, revisite le texte de Ferrari sans redondances, sans lourdeurs démonstratives en dégageant des perspectives neuves d’interprétation pour le public. De la tragédie moderne qu’est le roman, la chorégraphie n’escamote rien. Elle précise. Elle éclaire. Elle rend Antonia, la protagoniste du livre, encore plus proche de nous. Plus incarnée dans la réalité. Plus émouvante…

A Filetta, dans ce spectacle joue une partition qui va au-delà de celle d’un chœur antique. Elle apporte du beau au beau… Elle amplifie la désespérance tout parvenant à l’adoucir en même temps. Paradoxe à méditer.

« Ritrattu » doit être programmé à Propriano, Ajaccio, Calvi, Porto Vecchio après Bastia et Cargèse. Des dates sont également annoncées sur le continent.




Le spectacle a pu être monté et finalisé grâce à une résidence au théâtre de Bastia et avec l’aide de la CDC.



Dans votre chorégraphie avez-vous pris des libertés ou suivi étroitement le fil du récit de Ferrari


Certains passages du spectacle peuvent être plus développés que dans le texte écrit et inversement. Pour ma chorégraphie je me suis axée sur des verbes qui revenaient souvent dans l’écriture et qu’on utilise également en danse, comme détachée, découragée, abandonnée…J’ai procédé de même avec quelques adjectifs, tels lucide, indifférente…Avec ces mots j’ai tiré du roman une « substantifique moelle » pour trouver un langage personnel reposant sur des codes de la danse contemporaine et sur les codes de notre oralité.


Qu’avez-vous attendu du metteur en scène François Orsoni ?

Il m’a aidé à épurer ce qui était trop littéral, à enlever certains chants et surtout il m’a conseillé sur la circulation sur scène des chanteurs de A Filetta car marcher en danse n’est pas simple !... Heureusement que le groupe avait déjà participé à des spectacles avec le chorégraphe, Sidi Larbi Cherkaoui, en particulier pour « Puz/zle ».


« On est à un tournant. Nous devons unir physicalité et identité pour exprimer notre singularité. »

Céline Giovannoni, chorégraphe et directrice de la Compagnie Studidanza de l’Université de Corse.


Comment avez-vous travaillé avec A Filetta ?

J’ai d’abord réécouté tout leur répertoire que j’aime beaucoup. Ensuite avec Jean Claude Acquaviva nous avons choisi les chants qui pourraient correspondre le mieux aux tableaux. Enfin on a travaillé sur les déplacements des chanteurs, sur les moments où ils étaient en scène et sur ceux où ils étaient en coulisses. On a eu à cœur qu’ils ne soient pas statiques et que l’alternance de leur présence-absence à la vue cultive du mystère.


L’Université de Corse a 40 ans. Depuis quand la danse est-elle intégrée à cette institution ?

En 1998 – tout juste agrégée – j’obtiens un poste au département STAPS où il y avait un cycle danse, qui était la seule activité artistique de la licence des Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives. J’ai alors voulu mettre en place une formation professionnalisante à l’instar de celle de Marseille-Luminy. De là j’ai monté la compagnie de danse de l’Université (Studidanza) en 2005, en organisant des stages, en faisant venir des professionnels de l’extérieur et j’ai sélectionné des danseurs en travaillant sur la chorégraphie. En 2010, une UV du Diplôme d’Etat a été mise au programme.


Comment sont recrutés les danseurs de la compagnie ?

Il faut être étudiant et posséder un niveau technique et artistique satisfaisant. L’option danse à l’Université comprend 17 heures de cours par semaine. Le cursus de trois ans conduit au Diplôme d’Etat, indispensable pour enseigner la danse aujourd’hui. Les diplômés peuvent ensuite se diriger sur des masters spécifiques.


Combien d’enseignants ? Quelles matières dispensées ?

Une quinzaine de vacataires sont chargés de cours ainsi que moi. Danse classique, jazz, contemporaine sont au programme. Les étudiants ont des cours d’histoire de la danse, d’analyses d’œuvres chorégraphiques, d’anatomie- physiologie, de musique, d’improvisation dansée, de pédagogie. Il y a également des ateliers chorégraphiques d’improvisation contemporaine et des ateliers pour restituer des variations sur des chorégraphies du répertoire… Voici, pour s’en tenir à l’essentiel.


Diplômes obtenus ?

La licence, le Diplôme d’Etat. Nouveauté 2018 : un diplôme universitaire pour ceux qui désirent préparer uniquement le Diplôme d’Etat.


Selon vous pourquoi la danse est-elle absente de la tradition culturelle insulaire ?

Notre tradition est orale (la voix), elle n’est pas corporelle. Dans mes recherches j’en suis venue à la conclusion que cette absence est due à notre société hyper machiste. Or, la danse est une forme de liberté ! Ici, les garçons qui se mettent à la danse contemporaine passent très souvent par le hip hop, qui est un genre très masculin. Quant à la danse classique elle est encore considérée comme efféminée pour les hommes.


Pourquoi tant de fillettes dans les écoles de danse ?

6000 jeunes sont répertoriés dans les écoles de danse – les filles étant ultra majoritaires. 6000… c’est plus que le foot ! C’est là encore un marqueur culturel. La danse se décline au féminin et le football au masculin. Cela s’inscrit aussi dans notre société du paraitre : ça fait bien…


Comment voyez-vous l’avenir de la danse en Corse ?

Je crois à la danse. Je crois aux jeunes. A leur intention il y a peu de propositions. Il serait donc judicieux de créer des compagnies de danse junior car on ne manque pas de talents. La licence devrait être pluridisciplinaire en s’adaptant aux métiers de la danse : professeurs, danseurs, chorégraphes. Une dizaine de professionnels vont être diplômés. Il faut qu’ils puissent rester ici et travailler ici. Au niveau des écoles de danse la formation doit être renforcée parce que les élèves doivent recevoir un meilleur niveau culturel.


Personnellement dans quelle mouvance artistique vous projetez-vous ?

Je suis pour un sens du mouvement, pour un ressenti qui se situent dans une gestuelle plus physique tout en gardant les codes de la danse. On est à un tournant. Nous devons unir physicalité et identité pour exprimer notre singularité.



Propos recueillis par M.A-P
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