Femu a Corsica entre le marteau et l'enclume
Alors que débute une campagne présidentielle qui sera marquée par la présence d'une droite populiste de plus en plus influente,....
Femu a Corsica entre le marteau et l'enclume
Alors que débute une campagne présidentielle qui sera marquée par la présence d’une droite populiste de plus en plus influente, d’une droite républicaine sécuritaire et intransigeante, alors qu’il est confronté à des crises aux Antilles et le sera probablement en Nouvelle Calédonie, alors aussi qu’il doit prendre en compte la crise sanitaire et la dégradation du climat social, Emmanuel Macron qui espère être réélu, peut difficilement prendre le risque d’apparaître laxiste ou faible.
Acte 1 : mercredi 1er décembre, à Aiacciu, des élus Femu a Corsica dont le député de Haute-Corse et secrétaire national du parti Jean-Félix Acquaviva, la présidente de l'Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis, le député européen, François Alfonsi, et le président du groupe Fà populu inseme à l'Assemblée de Corse, Jean Biancucci, ainsi que quelques militants se sont rassemblés devant les grilles de la préfecture. Après avoir accroché sur les grilles une banderole sur laquelle figurait la revendication « Autunumia», ils ont appelé à un « cycle de mobilisations » visant à arracher à l’État un processus de « règlement négocié du problème corse ». Un premier rendez-vous a été fixé : samedi 4 décembre à 15 heures, présence massive des Corses devant ces mêmes grilles. Pour expliquer cet appel au peuple, Jean-Félix Acquaviva a d’abord dénoncé une déclaration, selon lui injurieuse, du préfet de Corse Pascal Lelarge dans les colonnes de Corse Matin : « C'est inutile de palabrer, de gesticuler sur ce dossier, puisque de toute façon, il faut payer » ; déclaration ayant conclu l’évocation de la condamnation de la Collectivité de Corse à verser une indemnité de plus de 94 millions d'euros à la Corsica Ferries, du refus de payer exprimé par le Président du Conseil exécutif et de la non inscription de la somme au budget supplémentaire 2021 de la Collectivité de Corse. Jean-Félix Acquaviva a aussi affirmé qu’une nouvelle condamnation était à redouter du fait de la délégation de service public maritime ayant été attribuée en 2013 et émis des craintes concernant le contenu et même la pérennité du service public aérien. Des propos concernant l’aérien que Pascal Lelarge a jugé « sans fondement ». Enfin, Jean-Félix Acquaviva a fustigé la non-réponse de l'État à la résolution de l'Assemblée de Corse votée à l'unanimité le 22 octobre dernier demandant le rapprochement de Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna : « On biaise, on gagne du temps, on change de sujet. » Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de l'Assemblée de Corse a de son côté déploré une absence de dialogue avec l’État.
Le PNC et Corsica Libera ont dit non
Acte 2 : l’appel de Femu a Corsica a été rejeté par les deux partis qui ont été à ses côtés aux commandes de la Collectivité Territoriale puis de la Collectivité de Corse de 2015 à 2021. Le Partitu di a Nazione Corsa et Corsica Libera ont dit non. Ils ont en effet annoncé leur refus de participer au rassemblement du 4 décembre. Le Partitu di a Nazione Corsa a expliqué que tout en ayant pris acte de l'appel lancé par le parti siméoniste et que partageant « certains aspects du raisonnement», il ne pouvait adhérer « ni en termes de méthode, ni sur le fond, à l'initiative proposée ». Le parti de Jean-Christophe Angelini a précisé qu’ayant été non concertée, l’initiative s’inscrivait dans une continuité : la rupture unilatérale par Femu a Corsica de la coalition Pè a Corsica ayant provoqué la fracture de la famille nationaliste après des années d'union et de partage des responsabilités. Le Partitu di a Nazione Corsa a par ailleurs déploré voir dans le « cycle de mobilisations populaires » lancé par Femu a Corsica non pas un appel à la mobilisation générale, mais « une convocation, qu'aucun espace d'échange ou de concertation, à l’exception d’une réunion hâtivement organisée, n'est venu précéder ou même accompagner ». Enfin, le Partitu di a Nazione Corsaa conclu en appelant à recréer un dialogue entre mouvements nationalistes « seul à même d'initier une mobilisation populaire à la hauteur de l'enjeu, parce qu'unitaire, plurielle et inscrite dans une stratégie globale ». Corsica Libera a de son côté dénoncé un constat d’échec de Femu a Corsica et fustigé une initiative visant sauver les apparences. Corsica Libera a ensuite préconisé une démarche unitaire à partir d’une « concertation en amont » et selon « une mobilisation dont la méthode et les moyens devront être définis et élaborés en commun, sans souci de caporalisation ». On peut noter que ces propos ont fait écho à un récent propos très critique de Jean-Guy Talamoni à l’encontre de la majorité siméoniste publié dans le numéro venant de paraître d’U Ribombu Internaziunale: « Si l’on peut regretter que ce soit une affaire d’argent qui fasse prendre conscience d’une situation politique dont le caractère inacceptable est ancien, on ne peut qu’espérer un changement de stratégie des élus majoritaires. »
Quelques centaines seulement
Acte 3 : le samedi 4 décembre, l’initiative de Femu a Corsica n’a pas été couronné de succès. Quelques centaines personnes seulement se sont rassemblées devant les préfectures. Jean-Félix Acquaviva a cependant y voir un signe encourageant : « Ce sont des premiers rassemblements, ce ne sont pas des manifestations. On essaie, de manière symbolique de manifester notre détermination et notre refus d'une politique de l'État et du gouvernement.» Trois présences l’ont peut-être conforté dans son analyse. Celle de quelques représentants du Sindicatu di i Travagliadori Corsi après que cette organisation ait annoncé vouloir contribuer à « construire un rapport de force indispensable » et demandé à l'État « d'assumer sa grande part de responsabilité quant à la situation actuelle d'une dette sans précédent.» Celles de deux personnalités indépendantistes : Pierre Poggioli et Paul-Félix Benedetti, le leader de Core in Fronte. La présence de ce dernier a sans doute été d’autant plus appréciée par le secrétaire national de Femu a Corsica que, tout en ayant en critiqué « la méthode qui a amené l'exécutif actuel de Corse à mal négocier et à mal entamer ce rapport de force», Paul-Félix Benedetti a qualifié d’erreurs les absence du Partitu di a Nazione Corsa et de Corsica Libera et implicitement promis qu’il reviendrait : « Aujourd'hui, s'il n'y a pas de sursaut collectif, cela va nous amener à l'impasse et peut-être à des lendemains difficiles. » Par ailleurs, optant de dépasser l’échec, Femu a Corsica a annoncé qu’en en cas de réponses insatisfaisantes de la part du gouvernement : « Il y aura une volonté d'aller beaucoup plus loin dans les mobilisations, de manière crescendo. » En ce sens, lors du rassemblement à Aiacciu, le président du groupe Fà populu inseme à l'Assemblée de Corse, Jean Biancucci, a lancé un appel à la société corse dans son ensemble, à toutes les mouvances nationaliste, aux responsables politiques, syndicalistes et associatifs, à se mobiliser pour les prisonniers, au combat contre la spéculation immobilière, à aller vers l’autonomie selon « une graduation nécessaire dans tous les domaines». Mais soutenir un bras de fer avec l’État est-il possible?
L'espoir en Gourault
Epilogue provisoire : les rassemblements rachitiques du 4 décembre ne sont d’évidence pas de nature à faire plier Emmanuel Macron et son gouvernement. A ce jour, l’espoir pour le président du Conseil exécutif d’obtenir une sortie de crise honorable réside plutôt dans une issue favorable des discussions entamées à Paris avec Jacqueline Gourault, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriale. Peut-être Gilles Simeoni obtiendra-t-il, ce qui représenterait déjà beaucoup au vu de l’état actuel de ses forces sur le terrain, le règlement par l’Etat de la moitié de la somme due à la Corsica Ferries et la possibilité de procéder à un paiement étalé. Peut-être aussi lui sera-t-il consenti un geste de bonne volonté concernant la question des prisonniers. En revanche, il serait surprenant que s’ouvre grand la porte donnant sur une autonomie de plein droit et de plein exercice. Alors que débute une campagne présidentielle qui sera marquée par la présence d’une droite populiste de plus en plus influente, d’une droite républicaine sécuritaire et intransigeante (comme viennent de le confirmer la désignation comme candidate de Valérie Pécresse et la montée en puissance d’Eric Ciotti, deux personnalités peu enclines à la clémence envers « les terroristes » et à raboter les pouvoirs régaliens), alors qu’il est confronté à des crises aux Antilles et le sera probablement dans quelques jours en Nouvelle Calédonie, alors aussi qu’il doit prendre en compte la crise sanitaire et la dégradation du climat social, Emmanuel Macron qui espère être réélu, peut difficilement prendre le risque d’apparaître laxiste ou faible. Gilles Simeoni et ses amis sont donc pris entre le marteau que représentent la passivité de leur électorat et la rancœur de nombreux sympathisants et militants nationalistes qui n’ont pas pardonné la cassure de Pè a Corsica, et l’enclume que représente un État peu disposé à faire des concessions et qui ne tendra la main que pour donner à l’opinion le sentiment qu’on lui a dit merci.
Pierre Corsi
Alors que débute une campagne présidentielle qui sera marquée par la présence d’une droite populiste de plus en plus influente, d’une droite républicaine sécuritaire et intransigeante, alors qu’il est confronté à des crises aux Antilles et le sera probablement en Nouvelle Calédonie, alors aussi qu’il doit prendre en compte la crise sanitaire et la dégradation du climat social, Emmanuel Macron qui espère être réélu, peut difficilement prendre le risque d’apparaître laxiste ou faible.
Acte 1 : mercredi 1er décembre, à Aiacciu, des élus Femu a Corsica dont le député de Haute-Corse et secrétaire national du parti Jean-Félix Acquaviva, la présidente de l'Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis, le député européen, François Alfonsi, et le président du groupe Fà populu inseme à l'Assemblée de Corse, Jean Biancucci, ainsi que quelques militants se sont rassemblés devant les grilles de la préfecture. Après avoir accroché sur les grilles une banderole sur laquelle figurait la revendication « Autunumia», ils ont appelé à un « cycle de mobilisations » visant à arracher à l’État un processus de « règlement négocié du problème corse ». Un premier rendez-vous a été fixé : samedi 4 décembre à 15 heures, présence massive des Corses devant ces mêmes grilles. Pour expliquer cet appel au peuple, Jean-Félix Acquaviva a d’abord dénoncé une déclaration, selon lui injurieuse, du préfet de Corse Pascal Lelarge dans les colonnes de Corse Matin : « C'est inutile de palabrer, de gesticuler sur ce dossier, puisque de toute façon, il faut payer » ; déclaration ayant conclu l’évocation de la condamnation de la Collectivité de Corse à verser une indemnité de plus de 94 millions d'euros à la Corsica Ferries, du refus de payer exprimé par le Président du Conseil exécutif et de la non inscription de la somme au budget supplémentaire 2021 de la Collectivité de Corse. Jean-Félix Acquaviva a aussi affirmé qu’une nouvelle condamnation était à redouter du fait de la délégation de service public maritime ayant été attribuée en 2013 et émis des craintes concernant le contenu et même la pérennité du service public aérien. Des propos concernant l’aérien que Pascal Lelarge a jugé « sans fondement ». Enfin, Jean-Félix Acquaviva a fustigé la non-réponse de l'État à la résolution de l'Assemblée de Corse votée à l'unanimité le 22 octobre dernier demandant le rapprochement de Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna : « On biaise, on gagne du temps, on change de sujet. » Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de l'Assemblée de Corse a de son côté déploré une absence de dialogue avec l’État.
Le PNC et Corsica Libera ont dit non
Acte 2 : l’appel de Femu a Corsica a été rejeté par les deux partis qui ont été à ses côtés aux commandes de la Collectivité Territoriale puis de la Collectivité de Corse de 2015 à 2021. Le Partitu di a Nazione Corsa et Corsica Libera ont dit non. Ils ont en effet annoncé leur refus de participer au rassemblement du 4 décembre. Le Partitu di a Nazione Corsa a expliqué que tout en ayant pris acte de l'appel lancé par le parti siméoniste et que partageant « certains aspects du raisonnement», il ne pouvait adhérer « ni en termes de méthode, ni sur le fond, à l'initiative proposée ». Le parti de Jean-Christophe Angelini a précisé qu’ayant été non concertée, l’initiative s’inscrivait dans une continuité : la rupture unilatérale par Femu a Corsica de la coalition Pè a Corsica ayant provoqué la fracture de la famille nationaliste après des années d'union et de partage des responsabilités. Le Partitu di a Nazione Corsa a par ailleurs déploré voir dans le « cycle de mobilisations populaires » lancé par Femu a Corsica non pas un appel à la mobilisation générale, mais « une convocation, qu'aucun espace d'échange ou de concertation, à l’exception d’une réunion hâtivement organisée, n'est venu précéder ou même accompagner ». Enfin, le Partitu di a Nazione Corsaa conclu en appelant à recréer un dialogue entre mouvements nationalistes « seul à même d'initier une mobilisation populaire à la hauteur de l'enjeu, parce qu'unitaire, plurielle et inscrite dans une stratégie globale ». Corsica Libera a de son côté dénoncé un constat d’échec de Femu a Corsica et fustigé une initiative visant sauver les apparences. Corsica Libera a ensuite préconisé une démarche unitaire à partir d’une « concertation en amont » et selon « une mobilisation dont la méthode et les moyens devront être définis et élaborés en commun, sans souci de caporalisation ». On peut noter que ces propos ont fait écho à un récent propos très critique de Jean-Guy Talamoni à l’encontre de la majorité siméoniste publié dans le numéro venant de paraître d’U Ribombu Internaziunale: « Si l’on peut regretter que ce soit une affaire d’argent qui fasse prendre conscience d’une situation politique dont le caractère inacceptable est ancien, on ne peut qu’espérer un changement de stratégie des élus majoritaires. »
Quelques centaines seulement
Acte 3 : le samedi 4 décembre, l’initiative de Femu a Corsica n’a pas été couronné de succès. Quelques centaines personnes seulement se sont rassemblées devant les préfectures. Jean-Félix Acquaviva a cependant y voir un signe encourageant : « Ce sont des premiers rassemblements, ce ne sont pas des manifestations. On essaie, de manière symbolique de manifester notre détermination et notre refus d'une politique de l'État et du gouvernement.» Trois présences l’ont peut-être conforté dans son analyse. Celle de quelques représentants du Sindicatu di i Travagliadori Corsi après que cette organisation ait annoncé vouloir contribuer à « construire un rapport de force indispensable » et demandé à l'État « d'assumer sa grande part de responsabilité quant à la situation actuelle d'une dette sans précédent.» Celles de deux personnalités indépendantistes : Pierre Poggioli et Paul-Félix Benedetti, le leader de Core in Fronte. La présence de ce dernier a sans doute été d’autant plus appréciée par le secrétaire national de Femu a Corsica que, tout en ayant en critiqué « la méthode qui a amené l'exécutif actuel de Corse à mal négocier et à mal entamer ce rapport de force», Paul-Félix Benedetti a qualifié d’erreurs les absence du Partitu di a Nazione Corsa et de Corsica Libera et implicitement promis qu’il reviendrait : « Aujourd'hui, s'il n'y a pas de sursaut collectif, cela va nous amener à l'impasse et peut-être à des lendemains difficiles. » Par ailleurs, optant de dépasser l’échec, Femu a Corsica a annoncé qu’en en cas de réponses insatisfaisantes de la part du gouvernement : « Il y aura une volonté d'aller beaucoup plus loin dans les mobilisations, de manière crescendo. » En ce sens, lors du rassemblement à Aiacciu, le président du groupe Fà populu inseme à l'Assemblée de Corse, Jean Biancucci, a lancé un appel à la société corse dans son ensemble, à toutes les mouvances nationaliste, aux responsables politiques, syndicalistes et associatifs, à se mobiliser pour les prisonniers, au combat contre la spéculation immobilière, à aller vers l’autonomie selon « une graduation nécessaire dans tous les domaines». Mais soutenir un bras de fer avec l’État est-il possible?
L'espoir en Gourault
Epilogue provisoire : les rassemblements rachitiques du 4 décembre ne sont d’évidence pas de nature à faire plier Emmanuel Macron et son gouvernement. A ce jour, l’espoir pour le président du Conseil exécutif d’obtenir une sortie de crise honorable réside plutôt dans une issue favorable des discussions entamées à Paris avec Jacqueline Gourault, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriale. Peut-être Gilles Simeoni obtiendra-t-il, ce qui représenterait déjà beaucoup au vu de l’état actuel de ses forces sur le terrain, le règlement par l’Etat de la moitié de la somme due à la Corsica Ferries et la possibilité de procéder à un paiement étalé. Peut-être aussi lui sera-t-il consenti un geste de bonne volonté concernant la question des prisonniers. En revanche, il serait surprenant que s’ouvre grand la porte donnant sur une autonomie de plein droit et de plein exercice. Alors que débute une campagne présidentielle qui sera marquée par la présence d’une droite populiste de plus en plus influente, d’une droite républicaine sécuritaire et intransigeante (comme viennent de le confirmer la désignation comme candidate de Valérie Pécresse et la montée en puissance d’Eric Ciotti, deux personnalités peu enclines à la clémence envers « les terroristes » et à raboter les pouvoirs régaliens), alors qu’il est confronté à des crises aux Antilles et le sera probablement dans quelques jours en Nouvelle Calédonie, alors aussi qu’il doit prendre en compte la crise sanitaire et la dégradation du climat social, Emmanuel Macron qui espère être réélu, peut difficilement prendre le risque d’apparaître laxiste ou faible. Gilles Simeoni et ses amis sont donc pris entre le marteau que représentent la passivité de leur électorat et la rancœur de nombreux sympathisants et militants nationalistes qui n’ont pas pardonné la cassure de Pè a Corsica, et l’enclume que représente un État peu disposé à faire des concessions et qui ne tendra la main que pour donner à l’opinion le sentiment qu’on lui a dit merci.
Pierre Corsi