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Algérie : un << système >> en sursis

Le << système >> militaro -économico-politique >> qui dirige l'Algérie repose sur une base fragile.

Algérie : un « système » en sursis

Le « système » militaro-économico-politique » qui dirige l’Algérie repose sur une base fragile. Il ne pourra pas éternellement compter sur les recettes du pétrole et du gaz, sur l’assistanat et sur la peur ainsi que sur des circonstances favorables.


Représentation politique fantoche aux ordres de plus de 5000 généraux, répression des oppositions, oppression des minorités et plus particulièrement des Amazighs (Kabyles), clientélisme, corruption, contrôle de l’économie et captation de l’argent public par les militaires et des affairistes leur étant affidés… Ayant des effets désastreux aussi bien pour le pays que pour une grande partie de la population (45 millions d’habitants), le « système » militaro-économico-politique » qui dirige l’Algérie perdure depuis des décennies. Il a maté la vague islamistes des années 1990. Il a canalisé puis étouffé le mouvement populaire de contestation (Hirak) qui, entre 2019 et 2021, a donné lieu à des manifestations hebdomadaires pour d’abord s’opposer à la candidature à un cinquième mandat présidentiel d’Abdelaziz Bouteflika (ce qui a été concédé), puis exiger une démocratisation (ce qui n’a pas eu lieu). Comment le « système » parvient-il à rester en place ? Il maintient son emprise sur le pays en usant de trois atouts maîtres et en ayant bénéficié de circonstances favorables.

Trois atouts maîtres

Le premier atout découle des ressources pétrolière et gazière car leur abondance permet à la fois de fournir à bon marché de l’essence, du gaz et de l’électricité aux habitants, et leur exportation procure 90 % des recettes en devises qui financent les appareils militaire et policier, l’affairisme, la corruption et le clientélisme.
Ces ressources rendent par ailleurs possible l’existence du deuxième atout : l’assistanat. En effet, une partie des recettes des exportations est utilisée pour, avec le versement d’importantes subventions, maintenir à des prix raisonnables les produits alimentaires de base. Le troisième levier est la peur. Il y a bien sûr celle qu’inspirent la police et l’armée. Cependant, le Hirak l’a montré, les populations algériennes sont capables de braver les militaires et les policiers et même de leur imposer de reculer, comme l’a par exemple prouvé le fait que le « système » ait fini par accepter de renoncer à une cinquième candidature d’Abdelaziz Bouteflika.
La peur qui dissuade les populations algériennes de chercher à abattre le « système » est celle qui, depuis les années 1990, résulte du souvenir de la guerre civile au cours de laquelle plus de 150 000 personnes ont péri de façon le plus souvent atroce. Plutôt que de prendre le risque d’un retour des tueries, les algériennes et les algériens préfèrent supporter un « système » qui les oppresse mais dont ils considèrent qu’il les protège, et ce, même s’ils ont conscience que ce « système » pratique un chantage à la terreur en claironnant être la seule alternative au chaos et au massacre.
Le « système » doit aussi sa survie à des circonstances favorables. Ainsi, début 2020, la pandémie de Covid19 a provoqué la suspension des rassemblements lors du Hirak et ainsi stoppé la dynamique contestataire. Ainsi, depuis le début de cette année, le conflit qui oppose l’Ukraine et la Russie ayant entraîné une forte réduction des approvisionnements de nombreux pays en gaz russe, le gaz algérien est très demandé et peut être vendu cher. Ce qui procure un flots de devises au « système ».

Une base fragile

Il apparaît cependant que le « système » repose sur une base fragile. Il ne pourra pas éternellement compter sur ses trois atouts et sur des circonstances favorables. Le risque majeur est que le premier atout, les recettes tirées des exportations de pétrole et de gaz, vienne à faire en partie défaut à cause d’une chute de la demande et des prix. En effet, de cet atout, dépendent : le financement des subventions à la consommation nécessaires à la satisfaction des besoins de base d’une grande partie de la population ; les opportunités de s’enrichir pour les affairistes et les corrompus ; les avantages des bénéficiaires du clientélisme et le maintien du caractère performant des appareils militaire et policier.
Concernant l’appareil militaire, un niveau élevé de recettes tirées du pétrole et du gaz est vital. En effet, en 2022, la ministère algérien de la Défense aura disposé d’un budget d’environ 9,8 milliards d’euros, soit l’équivalent de 6,5% du PIB (2 % pour la France !). Il convient aussi de retenir que l’Algérie est le pays africain qui dépense le plus pour ses forces armées, loin devant le Nigéria (5,9 milliard), le Maroc (5,4 milliards) et l’Égypte (4,3 milliards).


Alexandra Sereni
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