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Interpellations ! Dissolution ?

Plusieurs faits donnent à penser que l'on souhjaite établir un lien organique entre Corsica Libera et le FLNC

Interpellations ! Dissolution ?

Plusieurs faits donnent à penser que l’on souhaite établir un lien organique entre Corsica Libera et le FLNC et qu’en conséquence l'hypothèse d'une dissolution du parti indépendantiste ne relève pas du farfelu.

Après avoir interpellé des militants Corsica Libera à Aiacciu la semaine précédente, les policiers de la SDAT (Sous-Direction Anti-Terroriste) ont fait de même ces derniers jours dans la région bastiaise. Les militants interpellés en Haute-Corse ont été transférés à Paris pour y être entendus. Parmi les militants ayant été interpellés lors des deux rafles, figuraient des membres des instances exécutives de Corsica Libera, qui ont été placés sous contrôle judiciaire, ainsi que deux figures emblématiques du parti indépendantiste, Pierre Paoli, qui a été libéré, et Charles Pieri, qui a été incarcéré.
Par ailleurs, un local du parti situé dans un quartier du sud de Bastia a été perquisitionné. Dans un premier temps, Corsica Libera a réagi en dénonçant une reprise à grande échelle de la répression. Tout en stigmatisant « un retour des opérations de police politique, dignes du temps des dragonnades, avec son lot d’exactions et de méthodes indignes », le parti indépendantiste a en effet souligné : « L’appareil d’État passe à l’offensive et révèle clairement ses intentions quant au traitement de la question nationale corse en réactivant une logique de conflit et de répression politique » et a refusé de considérer, contredisant ainsi au passage Femu a Corsica, que les interpellations pouvaient être le fait de « faucons » de l’appareil d’État hostiles au processus Darmanin ou plus globalement au dialogue : « La Cour européenne des droits de l’Homme avait clairement signifié, il y a quelques années, qu’en France le parquet n’était pas une autorité judiciaire du fait de l’absence de garanties d’indépendance à l’égard du pouvoir politique. Cette affirmation est d’autant plus vraie pour le Parquet national dit antiterroriste qui est une autorité sous influence politique. »



Entreprise de criminalisation ?

Corsica Libera a cependant très vite étoffé son discours en évoquant une tentative de criminalisation à son encontre. Cette évolution a fait suite à une déclaration de Gérald Darmanin pouvant conduire à penser que les interpellations relevaient du combat contre la grande criminalité : Je sais, puisque le fil n’a jamais été rompu ni avec le président Gilles Simeoni, ni avec les maires de Corse que j’ai reçus la semaine dernière, ni avec les Corses eux-mêmes, que nous devons construire ensemble ce chemin pour la Corse. Nous le ferons débarrassés de la grande criminalité. »
En effet, après avoir eu connaissance de ce commentaire, le parti indépendantiste a immédiatement pointé du doigt « les manœuvres de l’Etat français visant à criminaliser une lutte politique légitime, celle du droit du peuple corse à la souveraineté » et mis en garde contre une manipulation : « Ces amalgames, dans le climat délétère que connaît notre pays, relèvent de la manipulation et d’une tentative de déstabilisation de la société corse. Elles ouvrent la porte à tous les coups tordus. » Corsica Libera a probablement aussi estimé être visé par d’autres paroles du ministre de l’Intérieur :
« Les Corses en ont marre, je crois, d’avoir le débat confisqué par quelques-uns. » Ce qui a sans doute incité les responsables indépendantistes à considérer et dénoncer que l’action répressive de l’État était motivée par une volonté de frapper le seul parti refusant de cautionner le processus Darmanin ainsi qu’à insinuer que cela était favorisé par la politique de la majorité siméoniste. Corsica Libera a en effet souligné être visé à cause de son rejet d’un processus mené par un État dont la « vocation historique  >> est « la dissolution d’une communauté multiséculaire singulière, le peuple corse, au sein d’une population totalement assimilée à l’ensemble politique et culturel français » , et ce, après que cet État ait « exigé et obtenu que le courant indépendantiste soit écarté des responsabilités institutionnelles ».


Soupçon de dissolution

Considérant être jugé comme étant un empêcheur de tourner en rond par Gérald Darmanin et comme un mouton noir par la majorité siméoniste, Corsica Libera en est logiquement arrivé à soupçonner une volonté de dissolution : « Nous nous opposerons aux manœuvres réactivées par Paris qui visent à criminaliser et réprimer notre mouvement et semble-t-il à le dissoudre, afin de réduire au silence ceux qui ont constitué durant des décennies la colonne vertébrale de la revendication nationale corse. »
Le parti indépendantiste Corsica fait-il dans l’exagération ou la paranoïa ? Suggérer une complicité entre l’Etat et la majorité siméoniste relève a priori du bouchon poussé un peu loin. En revanche, prendre en compte des faits de ces derniers jours permet de considérer que l'hypothèse d'une dissolution ne relève pas du farfelu. Il convient en effet de relever que plusieurs faits donnent à penser que l’on souhaite établir un lien organique et physique entre Corsica Libera et le FLNC et faire apparaître celui-ci comme étant une organisation criminelle : les interpellations, dans le cadre d’une enquête portant sur une conférence de presse du FLNC, de Pierre Paoli et Charles Pieri, deux figures emblématiques de Corsica Libera étant souvent présentées comme deux « chefs » du FLNC, et de plusieurs responsables de Corsica Libera ; la mise en examen « pour association de malfaiteurs terroristes » de Charles Pieri et desdits responsables ; la perquisition opérée dans un des locaux de Corsica Libera ; l’affirmation par les interpellés que les questions qui leur étaient posées portaient essentiellement sur le fonctionnement de Corsica Libera , le rappel par Corsica libera de sa solidarité politique avec le FLNC ; les déclarations de Gérald Darmanin pouvant faire penser que le ministre a voulu instiller l’idée que la FLNC a une nature une criminelle ; la reprise des actions violentes clandestines.



Hier la CCN et le MCA

Convoquer des événements passés permet d’ailleurs aussi d’estimer que l'hypothèse d'une dissolution ne relève pas du farfelu. Flash-back. Le 27 septembre 1983, le Conseil des ministres, sur proposition du ministre de l'Intérieur, décide la dissolution de la CCN (Consulta di Cumitati Naziunalisti) qui, ayant toujours affiché sa solidarité politique avec les clandestins, est présentée comme étant la « vitrine légale » du FLNC. Cette dissolution fait suite à une longue et intense campagne de « criminalisation » de l’action clandestine menée par le préfet de Police Robert Broussard sous la houlette de Joseph Franceschi, secrétaire d'État à la Sécurité publique. Le 21 janvier 1987, le Conseil des ministres, sur proposition du ministre de l'Intérieur, décide la dissolution du MCA (Muvimentu Corsu l'Autodeterminazione).
Cette dissolution intervient dans un contexte de recrudescence de l’action clandestine, alors que le MCA est considéré comme la « vitrine légale » du FLNC, et à la suite de l’inculpation et l'incarcération d'Alain Orsoni, alors élu MCA à l’Assemblée de Corse, pour « reconstitution de ligue dissoute » et « association de malfaiteurs ».Alors, dissolution ou non ? Rien n'est fait. Rien n’est certain. Qui vivra verra. Mais forte est la probabilité…



Pierre Corsi
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