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Climat social sous tension

Dans l'hexagone, des grèves pour lutter contre l'inflation

Climat social sous tension


Alors qu’en Iran la grève générale donne du souffle à la contestation, dans l’Hexagone, les grèves pour lutter contre l’inflation, la réforme des retraites… agacent plus qu’elles n’enflamment les foules. Très hétérogènes, les relations sociales doivent faire face aux nouvelles organisations du travail et de la société. Le syndicalisme a-t-il encore un avenir ?



Naissance des syndicats

Le syndicalisme est le mouvement qui vise à unifier au sein de groupes sociaux, les syndicats, des professionnels pour défendre des intérêts collectifs, au niveau national et à l'échelle de l'entreprise. La loi du 21 mars 1884, à l'initiative du ministre de l'Intérieur de Jules Ferry, le Républicain modéré Waldeck-Rousseau, est la première loi à autoriser les syndicats en France. La loi légalise un état de fait, puisqu'en 1881, on dénombrait déjà 500 chambres syndicales. Avant le temps fort de la période du Front populaire (1936), le syndicalisme et les mouvements de contestation sociale ont peu progressé en Corse. Seule une vingtaine de syndicats avaient été créés durant les dernières années du XIXe siècle.
La contestation syndicale a suivi les mêmes variables que sur le continent, avec des fluctuations contextuelles. Les années 1982-1983 connaissent de nombreux conflits sociaux (Altura, Certi, Mutuelle des motards, Femenia, Chambre des métiers…) qui montrent les limites des syndicats traditionnels et favorisent la création des « Associi Naziunalisti ». D’abord les salariés des hôpitaux, puis ceux de la SEITA, suivis de ceux de la société des autobus ajacciens… jusqu’à créer un regroupement « A Cuncolta di l’Associi Naziunalisti », qui deviendra le « Sindicatu di i Travagliadori Corsi » (STC) en 1984. Il est devenu le premier syndicat de salariés en Corse.


Quarante après les lois Auroux

Les lois Auroux ont entraîné une refonte assez étendue du Code du travail, élargissant le droit syndical dans les entreprises. Elles ont redessiné l’ensemble des relations individuelles et collectives de travail : citoyenneté et libertés dans l’entreprise, droit d’expression, droit syndical, négociation annuelle obligatoire, CHSCT, etc. Aujourd’hui, les relations sociales sont régies par les ordonnances Macron du 22 septembre 2017 (regroupement des instances en une entité, le CSE). Ces réformes visent à permettre aux employeurs et salariés de discuter sans intermédiaires, une décentralisation du droit du travail, pour améliorer la compétitivité. Le Forum économique mondial (WEF) identifie 12 piliers comme des indicateurs de compétitivité, parmi lesquels la mauvaise qualité des relations sociales (« cooperation in labour-employer relations »). La France est au 109e rang sur 137. Cet indicateur démontre des relations extrêmement conflictuelles, au même niveau que des pays en pleine industrialisation, ce qui est assez alarmant. Il est pourtant prouvé que dans une société où le taux de syndicalisation est élevé, les inégalités sont moindres.


Renouvellement syndical attendu

Traditionnellement, les syndicats sont des chiens de garde des conditions sociales et de travail. À l'échelle de l'entreprise, ils contribuent à la justice économique. Pourtant, les syndicats n’attirent plus. La désyndicalisation française est amorcée depuis 1978. En France, le taux de syndicalisation est aujourd’hui le plus faible de son histoire, de l’ordre de 7 % des salariés. Le noyau central du syndicalisme français contemporain est fourni par les salariés à statut des grandes entreprises nationales (SNCF, Engie…), auxquels s’ajoutent les postiers, les employés d’Orange, les policiers, les fonctionnaires, les agents de la fonction publique territoriale et les employés des sociétés d’économie mixte. Soit 7 millions de salariés, protégés par de solides garanties légales ou contractuelles. Ils représentent les deux tiers des syndiqués, et l’essentiel des permanents et des dirigeants syndicaux. Tout naturellement, leurs préoccupations et leur vision du monde imprègnent l’ensemble du mouvement syndical, laissant peu de place aux revendications des autres 18 millions de salariés. Les acteurs syndicaux sont confrontés à un véritable remodelage de leurs champs d’action respectifs, et ont du mal à retrouver des repères et des marques, qui fassent consensus avec les nouveaux salariés et les nouvelles modalités de travail.
Cela pose la question de la légitimité des syndicats à conduire la grogne sociale, et leur capacité à fédérer.
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