Sénatoriales : un nationaliste au Palais du Luxembourg ?
Paulu Santu Parigi premier élu nationaliste à occuper un siège de sénateur ?
Seule une improbable alliance droite-gauche et des défections parmi les compagnons de route progressistes de la majorité territoriale pourraient empêcher Paulu Santu Parigi d’être le premier élu nationaliste à occuper un siège de sénateur.
Si cela survenait, cela serait plus que préoccupant pour Gilles Simeoni.
Les 348 sénateurs sont élus au suffrage universel indirect par des collège départementaux de « grands électeurs » : parlementaires, conseillersrégionaux ou départementaux (chez nous, conseillers de l'Assemblée de Corse), délégués des conseils municipaux. Leur mandat est d’une durée desix ans. La moitié des sièges est soumise à renouvellement tous les trois ans. Le 21 de ce mois, 178 sénateurs, dont deux en Corse, seront élus ou réélus. Le Sénat est souvent décrié. Mais il a la peau dure ! Depuis son rétablissement par Napoléon III en 1851, il a survécu à l’instauration de trois Républiques. Durant les années 1960, il est sorti vainqueur d’un long bras de fer avec le général De Gaulle ; le fondateur de la Cinquième République a tenté sans succès de le soumettre et n’a pu convaincre les électeurs d’accepter qu’il devienne une assemblée consultative.
Enfin, depuis toujours,les sénateurs s’accommodent d’être taxés de conservatisme et aussi d’être assimilés à des satrapes. Le Sénat reste un roc institutionnel. Ce qui, si l’on porte un regard objectif, est plus que justifié. En effet, alors que le monde politique et la vie de la cité sont dominés par l’hyper présidence et latechnocratie « hors sol » ainsi qu’influencés par la pensée et le vote de la « classe moyenne éduquée » des métropoles, et qu’en réaction le populisme gagne du terrain, le Sénat reste une institution influente et fortement ancrée dans la France des petites et moyennes villes de province, de la ruralité et de la modération. Cet influence et cet ancrage sont déterminés par un triptyque.
Premièrement, le Sénat a un réel pouvoir. Les sénateurs examinent les projets et propositions de loi, les traités et les conventions internationales et, même s’ils n’ont pas le dernier mot en cas de désaccord avec les députés, ils influent sur la production, le contenu ou la portée des lois par le biais de propositions de textes, d’amendements ou de nouvelles rédactions.
Deuxièmement, du fait que la plupart des sénateurs et des grands électeurs qui les élisent sont des maires, des conseillers municipaux et des conseillers départementaux de villes ou de villages de la France profonde, le Sénat représente fortement la France de la province et de la ruralité.
Troisièmement, le Sénat est souvent une institution de la modération car ses travaux sont souvent transpartisans ou porteursd’aspirations consensuelles ou largement partagées. Élire un sénateur est donc chose à prendre au sérieux.
Même si deux sénateurs corses ne pourront guère peser pour faire les majorités ou influer sur les débats, il importe que la Corse soit représentée au Sénat par des élus politiquement représentatifs et capables, tout en défendant les intérêts des Corses, de participer à l’ensemble des débats.
Défaite interdite pour Paulu Santu Parigi
A quelques jours du scrutin, en Haute Corse, le sortant Joseph Castelli, classé à gauche, ne sollicitera pas le renouvellement de son mandat. C’est acquis.
En revanche, deux questions restent posées : en Corse du Sud, le sortant Jean-Jacques Panunzi, classé à droite, sera-t-il réélu et, pour la première fois, un nationaliste siégera-t-il au Palais du Luxembourg ?
En Corse du Sud, la victoire semble promise à Jean-Jacques Panunzi qui est assuré du soutien de la droite et de certains élus revendiquant une sensibilité de gauche. Il se pourrait même que, faute d’opposant de poids, ce dernier soit en définitive le seul candidat en lice.
Jean Biancucci n’a pas confirmé l’intention qu‘on lui prêtait d’aller au combat. Les piètres résultats de Femu à Corsica, en Corse du Sud, lors des dernières élections municipales, ainsi que les dissensions entre ce parti et le Partitu di à Nazione Corsa et Corsica Libera, ont probablement incité le maire de Cuttoli, encore hier vice-président de la Communauté d'Agglomération du Pays Ajaccien, conseiller exécutif de Corse et président de l'Agence d'urbanisme, d'aménagement et de l'énergie, à ne pas s’engager.
Jean-Charles Orsucci a fait de même. Le maire de Bonifacio qui porte les couleurs d’Emmanuel Macron, préfère se consacrer à la gestion de sa ville, à l’exercice de son mandat de conseiller de l’Assemblée de Corse et à la préparation des élections territoriales de mars 2021.
Jean-Christophe Angelini, très investi dans la gestion de Porto-Vecchio et de la Communauté de Communes du Sud-Corse et qui s’emploie à renforcer l’influence et les alliances du Partitu di à Nazione Corsa, n’a aucun intérêt à ouvrir les hostilités. Quant à la Gauche…
En Haute-Corse, Paulu Santu Parigi fait figure de favori. Il bénéficie de l’investiture Femu a Corsica et du soutien actif de Gilles Simeoni. Il a le profil d’un candidat idéal : issu de la ruralité, maire de Santa Lucìa di Mercuriu, vice-président d’une communauté de communes, conseiller de l’Assemblée de Corse, attaché parlementaire du député Jean-Félix Acquaviva. Il est confronté à une droite divisée et à une gauche émiettée. Seule une improbable alliance droite-gauche qui ferait le plein des suffrages et des défections parmi les compagnons de route progressistes de la majorité territoriale pourraient empêcher Paulu Santu Parigi d’être le premier élu nationaliste à occuper un siège de sénateur. Si cela survenait, cela serait plus que préoccupant pour Gilles Simeoni. En effet, venant après l’échec de Femu a Corsica à l’occasion de l’élection du président du Syvadec, une défaite de Paulu Santu Parigi vaudrait confirmation que les opposants au nationalisme sont disposés à faire front commun, que des alliés de fraîche date s’interrogent ou tournent à nouveau casaque, et que le charisme du Président du Conseil exécutif et la dynamique nationaliste ne jouent plus.
Pierre Corsi
Si cela survenait, cela serait plus que préoccupant pour Gilles Simeoni.
Les 348 sénateurs sont élus au suffrage universel indirect par des collège départementaux de « grands électeurs » : parlementaires, conseillersrégionaux ou départementaux (chez nous, conseillers de l'Assemblée de Corse), délégués des conseils municipaux. Leur mandat est d’une durée desix ans. La moitié des sièges est soumise à renouvellement tous les trois ans. Le 21 de ce mois, 178 sénateurs, dont deux en Corse, seront élus ou réélus. Le Sénat est souvent décrié. Mais il a la peau dure ! Depuis son rétablissement par Napoléon III en 1851, il a survécu à l’instauration de trois Républiques. Durant les années 1960, il est sorti vainqueur d’un long bras de fer avec le général De Gaulle ; le fondateur de la Cinquième République a tenté sans succès de le soumettre et n’a pu convaincre les électeurs d’accepter qu’il devienne une assemblée consultative.
Enfin, depuis toujours,les sénateurs s’accommodent d’être taxés de conservatisme et aussi d’être assimilés à des satrapes. Le Sénat reste un roc institutionnel. Ce qui, si l’on porte un regard objectif, est plus que justifié. En effet, alors que le monde politique et la vie de la cité sont dominés par l’hyper présidence et latechnocratie « hors sol » ainsi qu’influencés par la pensée et le vote de la « classe moyenne éduquée » des métropoles, et qu’en réaction le populisme gagne du terrain, le Sénat reste une institution influente et fortement ancrée dans la France des petites et moyennes villes de province, de la ruralité et de la modération. Cet influence et cet ancrage sont déterminés par un triptyque.
Premièrement, le Sénat a un réel pouvoir. Les sénateurs examinent les projets et propositions de loi, les traités et les conventions internationales et, même s’ils n’ont pas le dernier mot en cas de désaccord avec les députés, ils influent sur la production, le contenu ou la portée des lois par le biais de propositions de textes, d’amendements ou de nouvelles rédactions.
Deuxièmement, du fait que la plupart des sénateurs et des grands électeurs qui les élisent sont des maires, des conseillers municipaux et des conseillers départementaux de villes ou de villages de la France profonde, le Sénat représente fortement la France de la province et de la ruralité.
Troisièmement, le Sénat est souvent une institution de la modération car ses travaux sont souvent transpartisans ou porteursd’aspirations consensuelles ou largement partagées. Élire un sénateur est donc chose à prendre au sérieux.
Même si deux sénateurs corses ne pourront guère peser pour faire les majorités ou influer sur les débats, il importe que la Corse soit représentée au Sénat par des élus politiquement représentatifs et capables, tout en défendant les intérêts des Corses, de participer à l’ensemble des débats.
Défaite interdite pour Paulu Santu Parigi
A quelques jours du scrutin, en Haute Corse, le sortant Joseph Castelli, classé à gauche, ne sollicitera pas le renouvellement de son mandat. C’est acquis.
En revanche, deux questions restent posées : en Corse du Sud, le sortant Jean-Jacques Panunzi, classé à droite, sera-t-il réélu et, pour la première fois, un nationaliste siégera-t-il au Palais du Luxembourg ?
En Corse du Sud, la victoire semble promise à Jean-Jacques Panunzi qui est assuré du soutien de la droite et de certains élus revendiquant une sensibilité de gauche. Il se pourrait même que, faute d’opposant de poids, ce dernier soit en définitive le seul candidat en lice.
Jean Biancucci n’a pas confirmé l’intention qu‘on lui prêtait d’aller au combat. Les piètres résultats de Femu à Corsica, en Corse du Sud, lors des dernières élections municipales, ainsi que les dissensions entre ce parti et le Partitu di à Nazione Corsa et Corsica Libera, ont probablement incité le maire de Cuttoli, encore hier vice-président de la Communauté d'Agglomération du Pays Ajaccien, conseiller exécutif de Corse et président de l'Agence d'urbanisme, d'aménagement et de l'énergie, à ne pas s’engager.
Jean-Charles Orsucci a fait de même. Le maire de Bonifacio qui porte les couleurs d’Emmanuel Macron, préfère se consacrer à la gestion de sa ville, à l’exercice de son mandat de conseiller de l’Assemblée de Corse et à la préparation des élections territoriales de mars 2021.
Jean-Christophe Angelini, très investi dans la gestion de Porto-Vecchio et de la Communauté de Communes du Sud-Corse et qui s’emploie à renforcer l’influence et les alliances du Partitu di à Nazione Corsa, n’a aucun intérêt à ouvrir les hostilités. Quant à la Gauche…
En Haute-Corse, Paulu Santu Parigi fait figure de favori. Il bénéficie de l’investiture Femu a Corsica et du soutien actif de Gilles Simeoni. Il a le profil d’un candidat idéal : issu de la ruralité, maire de Santa Lucìa di Mercuriu, vice-président d’une communauté de communes, conseiller de l’Assemblée de Corse, attaché parlementaire du député Jean-Félix Acquaviva. Il est confronté à une droite divisée et à une gauche émiettée. Seule une improbable alliance droite-gauche qui ferait le plein des suffrages et des défections parmi les compagnons de route progressistes de la majorité territoriale pourraient empêcher Paulu Santu Parigi d’être le premier élu nationaliste à occuper un siège de sénateur. Si cela survenait, cela serait plus que préoccupant pour Gilles Simeoni. En effet, venant après l’échec de Femu a Corsica à l’occasion de l’élection du président du Syvadec, une défaite de Paulu Santu Parigi vaudrait confirmation que les opposants au nationalisme sont disposés à faire front commun, que des alliés de fraîche date s’interrogent ou tournent à nouveau casaque, et que le charisme du Président du Conseil exécutif et la dynamique nationaliste ne jouent plus.
Pierre Corsi