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Palmarès du festival " nuits Med "

Les Nuits Med, du réel au fantastique
Du réel au fantastique
Bousculé par la pandémie le festival de courts-métrages, « Les Nuits Med », avec son point fort qu’est la compétition méditerranéenne, néanmoins il a eu lieu !... Surmontés tous les obstacles ! Maîtrisées toutes les péripéties l
Du cœur à l’ouvrage Alix Ferraris, le responsable de la manifestation, n’en manque jamais : il l’a encore prouvé.



Au palmarès 2020
des réalisations de Palestine, d’Italie, de France, de Tunisie, de Syrie. Au rendez-vous la variété des origines et la diversité des thèmes abordés. Résultat : des œuvres qui se regardent avec plaisir et qui sont souvent des surprises autant à découvrir pour leur forme et leur fond qu’à apprécier pour leur originalité.
Grand vainqueur du Prix de la Collectivité de Corse, « Le chant d’Ahmed » de Foued Mansour (France).


« Le chant d’Ahmed »
Ce chant-là est tout en émotion. Reflet d’une réalité abrupte. Le film c’est un peu du Zola des temps présents pétri d’espoir. De tendresse surtout. En résumé d’un humanisme bouleversant… Le héros, Ahmed, est capable de cet héroïsme de chaque jour, vertu cardinale pour assumer la banalité de l’existence la plus banale dans sa dureté. Un héroïsme qui exige endurance au long cours et ténacité de tous les instants.

Ahmed est, ce qu’on appelle en termes voilés, technicien de surface. En l’occurrence il nettoie les douches, les vestiaires auxquels ont accès les SDF dans certaines villes. La besogne n’a rien d’exaltant mais elle est hautement nécessaire. Au passage on apprend qu’il faut se laver en vingt minutes maximum et qu’il est interdit de profiter de cette opportunité pour faire sa lessive !


SDF, Sonacotra et récalcitrant
Ahmed c’est vingt-neuf ans de labeur en cet endroit. C’est le foyer Sonacotra à rejoindre chaque soir pour cuisiner et dormir… Sans les siens. Sans sa famille. Autour de lui des compagnons vieux travailleurs comme lui. Usés. Laminés. Distractions ? Un peu de musique du pays écoutée sur une radio. Une cigarette. Un thé. Quelques conversations pour échanger sur la routine ou sur une cotisation à verser afin d’enterrer un camarade au village. Au-delà de la Méditerranée.
Un jour on charge Ahmed de coacher un jeune stagiaire. Il a fait des bêtises. Il faut le remettre dans le droit chemin et lui inculquer la discipline. Son nom est Mike. Il ne vibre que pour le rap. Eloquente la confrontation de l’ancien et du cadet : des goûts radicalement différents. Des tempéraments à l’opposé. Des manières d’être qui n’ont rien de commun. Rude, l’apprentissage réciproque de l’Autre !
La caméra du réalisateur, Foued Mansour, happe avec subtilité les visages des personnages en éclairant les paysages intérieurs de chacun et les interrogations qui les traversent. La vérité d’Ahmed n’est pas la vérité de Mike mais doucement elles vont s’apprivoiser et une compréhension mutuelle s’esquisse.

Maradona et la Palestine
Prix décerné par le cinéma parisien, « Grand Action », partenaire du festival de courts-métrages : « Les jambes de Maradona » du Palestinien, Firas Khoury.
Une histoire de gosses en Cisjordanie, des gosses fous de foot et supporters absolus de l’équipe du Brésil. C’est l’époque d’une coupe du monde où la star argentine du ballon rond était encore au zénith. Les gamins vivent avec intensité chaque retransmission de match, comme tout leur entourage, comme tout leur pays. Simultanément ils ont un impératif : dénicher la dernière vignette qui manque à leur album « Panini », vignette qui montre les jambes de l’idole… qu’eux, les gamins, idolâtrent moins qu’un joueur palestinien co-équipier de la vedette au maillot bleu et blanc. Or, il y a des jeux et plein de choses intéressantes à gagner s’ils parviennent à terminer leur album.
Le court-métrage nous fait voir une Palestine dont on n’a pas l’habitude, qui pavoise aux couleurs vert et jaune du Brésil et qui oublie pour un moment ses difficultés. Derrières de savoureuses tribulations para-footballistiques de mômes, « Les jambes de Maradona », c’est également la quête d’un graal qui est plénitude de soi. De son identité. De son essence. Un graal impliquant le refus de céder la proie pour l’ombre et de se contenter des apparences. Un graal que l’on va quérir et obtenir à force de lutte.


« Pizza boy » et bébé

Lauréat du cinéma « Max Linder Panorama » de Paris, membre du jury de la compétition : « Pizza boy » de l’Italien, Gianluca Zonta. Un film très attachant qui a le mérite de nous faire entrer dans le monde d’un livreur de pizzas d’origine géorgienne, immigré-exilé (les deux sont souvent inextricablement liés) à Rome. L’intrigue se situe un soir très particulier, dans des conditions tout aussi particulières : la naissance d’un premier né dont le papa n’est autre que l’homme venu de Géorgie et qui bien-sûr, a autre chose en tête que ses livraisons à des tordus, des bobos ou des lambdas. Le ciel ou le hasard ont parfois des bienfaits inattendus puisque Pizza Boy rencontre sur sa route un vieux monsieur solitaire et chaleureux qui va illuminer son chemin. Un récit tout simple. Sans emphase. Réconfortant… Zonta, un réalisateur qui a le sens de l’image ce qui évidemment ne gâche rien !


Religion et rites magiques

Avec « True story », d’Amine Lakhnech (Tunisie), qui a reçu le Prix Technique KVA, on est entrainé dans un univers de l’étrange. Un univers tenant du fantastique, de la légende, des rites magico-religieux. A l’évidence la palette graphique du cinéaste est riche et ses effets spéciaux sont à remarquer. Un noir et blanc superbe. Un rouge profond jusqu’à l’abîme. Il y a du chaos dans cette histoire qu’il faut déchiffrer, décrypter sous le flot expressionniste d’images. Du chaos à dompter ?... Peut-être. Avec pour jalons, pour clés de multiples symboles. « True story » beaucoup de savoir-faire, mais trop d’hermétisme entre cauchemars et hallucinations.


Des femmes qui se libèrent
Appelés à rendre leur avis sur la sélection de courts-métrages en compétition des détenus de Borgo, réunis en jury par le photographe-plasticien, Jean André Bertozzi. Choix de ces jurés « Dans les murs » ? « Jadael, tresses » d’Ismael Dakri (Syrie). Ce film dénonce la maltraitance, la cruauté de Daech à l’encontre des femmes qui refusent d’être asservies au nom de Dieu. Magnifiques portraits d’une mère et de sa petite fille qui ne plient pas. Qui résistent. Qui finalement marchent tête haute et sans entraves une fois franchies les frontières de la folie meurtrière et de la crétinerie des djihadistes.


Sahara et bombes A française
Primé ex aequo avec « Jadael, tresses », « L’aventure atomique » de Loïc Barche (France). Une fiction très proche d’un documentaire. Des faits historiques se déroulant en 1961, soit un an avant l’indépendance de l’Algérie, quand l’armée française et le CEA (Le Commissariat à l’énergie atomique) réalisaient des essais nucléaires à Reggane, au Sahara algérien. Des essais aériens bricolés à l’aveuglette sans véritables précautions pour les soldats au sol et pour les Touaregs.
Alors que depuis Hiroshima et Nagasaki on savait les ravages causés par les explosions nucléaires sur les gens et l’environnement. Mais à Reggane commandement militaire et responsables du CEA ont fait mine de tout oublier ! Effarant !
Bravo à Loïc Barche pour cette piqûre de rappel indispensable et pour son aisance dans la mise en scène… Un palmarès séduisant. Dommage cette absence de réalisatrices…

Michèle Acquaviva-Pache
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