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Processus Beauvau : la droite torpille le consensus siméonien

La fragilisation du président du Conseil exécutif, le fait que des leaders de droite aient repris du poil de la bête et un Gérald Darmanin n’étant pas neutre ont créé les conditions du torpillage du consensus politique à partir duquel Gilles Simeoni

Processus Beauvau : la droite torpille le consensus siméonien



La fragilisation du président du Conseil exécutif, le fait que des leaders de droite aient repris du poil de la bête et un Gérald Darmanin n’étant pas neutre ont créé les conditions du torpillage du consensus politique à partir duquel Gilles Simeoni escomptait obtenir des concessions majeures de l’État.

Il y a quelques jours, les conseillers de Corse du groupe de droite Un Soffiu Novu ont fait savoir que dans le cadre du processus Beauvau, ils soumettront leurs propres propositions.
Jean-Martin Mondoloni qui copréside le groupe avec Valérie Bozzi, a fourni plusieurs éléments d’explication. Il a reproché à la majorité siméoniste de ne pas condamner clairement les incendies volontaires qui ont dévasté la villa de la conseillère de Corse et adjointe au maire d’Aiacciu Simone Guerrini et endommagé les mairies d’Afa et Appiettu : « Nous avons condamnés les actes, ce que la majorité s’est montrée incapable de faire.
Quand on monte ensemble à Paris, il y a quand même une césure qui s’opère entre ceux qui condamnent ces violences, et ceux qui ne les condamnent pas. » ll a déploré que le processus Beauvau « ne soit pas pris par les deux bouts », à savoir « une évolution institutionnelle souhaitée par la majorité » et « les sujets qui préoccupent les Corses ». Il a dénoncé le cavalier seul de Gilles Simeoni et ses partisans : « Cela fait des mois et des mois que nous disons au président de l’Exécutif qu’il est nécessaire de nous réunir pour parler de ce qui pourrait être le projet de la Corse à long terme […]
La majorité n’a pas envie de travailler avec d’autres. Elle travaille en circuit fermé. » Enfin, il a regretté que les discussions aient trop longtemps été l’apanage de l’Assemblée de Corse. Gilles Simeoni a pris acte : « Si la droite ne veut pas faire ce bout de chemin avec nous, c’est son choix politique », tout en sortant les griffes. Il a en effet affirmé concernant les évolutions institutionnelles, que la droite refusait tout ou presque.
A savoir notamment : l’inscription dans la Constitution d’un titre spécifique consacré à la Corse, le statut d’autonomie, la reconnaissance juridique du peuple corse, la coofficialité de la langue corse, des dispositions contre la spéculation foncière et immobilière. Cette réaction énergique ne peut cependant masquer une triple réalité : la fragilisation du président du Conseil exécutif, le fait que des leaders de droite aient repris du poil de la bête et un Gérald Darmanin n’étant pas neutre ont créé les conditions du torpillage du consensus politique à partir duquel Gilles Simeoni escomptait obtenir des concessions majeures de l’État.

Gilles Simeoni fragilisé

En mars dernier, le vote de la motion de censure transpartisane par les députés Michel Castellani, Jean-Félix Acquaviva et Paul-André Colombani a très probablement fragilisé Gilles Simeoni auprès de ses interlocuteurs parisiens. Cela est d’ailleurs apparu avec le report de la réunion du quatrième comité stratégique consacré à l'avenir institutionnel de la Corse qui aurait dû avoir lieu autour du 20 avril. En effet, ce report n’était manifestement pas uniquement explicable par des urgences étant venues bousculer l’agenda de Gérald Darmanin.
Plusieurs acteurs politiques avaient d’ailleurs évoqué un risque de fragilisation en cas de vote de la censure. Parmi ceux-ci, Laurent Marcangeli : « Un gouvernement est en train de discuter avec les élus de la Corse pour définir un processus, si ce gouvernement tombe, il n'y aura plus de discussion, et encore plus fortement si les députés proches de la majorité territoriale votent la censure. » ; Jean-Guy Talamoni : « Est-ce le rôle de députés nationalistes corses que de seconder M. de Courson pour changer les dirigeants de la France, dynamitant ce faisant un processus de discussion qu'ils qualifient eux-mêmes, hâtivement, d'historique ? » ; Jean-Charles Orsucci : « Le chef de l'État s'est personnellement impliqué dans les discussions sur l'avenir institutionnel de l'île. […] Un vote en faveur de la motion de censure serait à mon sens particulièrement dommageable » ; Paul Quastana : « Le vote sur la réforme des retraites va entraîner une réaction qui pourrait nous être très néfaste » ; Jean-Martin Mondoloni : « La position de Charles de Courson et du groupe solidaire risque de crisper le chef de l'État. » Les lacunes de son camp pour ce qui est de la production de propositions claires, l’absence d’unité des nationalistes autour de sa politique et dans la formulation de revendications ainsi que la reprise de la violence clandestine ayant écorné on image de garant de la paix, ont aussi contribué à fragiliser le Président du Conseil exécutif.

Santini, Natali, Bozzi

Depuis le début de l’année, la droite reprend du poil de la bête. En février, lors de la venue de Gérald Darmanin dans sa commune, Ange Santini a fait part de ses réserves concernant l’autonomie : « Aujourd'hui sur place à Calvi, personne ne me parle d'autonomie, on me parle de problèmes concrets […] Je considère que l'autonomie n'est pas une fin en soi ». Le maire de Calvi et ancien président du Conseil exécutif a aussi affirmé que l’Assemblée de Corse ne pouvait être l’unique force de proposition et le seul centre de décision : « La cellule démocratique de base, et la proximité, ce sont les communes qui les portent […] L'objectif ce n'est pas que les maires viennent parler du mur de soutènement ou de l'extension de l’assainissement ou de l'eau. Je crois que ce qui est important aujourd'hui, c'est de montrer que concrètement, nous sommes les relais, nous avons le retour de nos concitoyens. » En mars, dans un entretien accordé à Corse-Matin, Anne Marie Natali, maire de U Borgu, n’a pas fait mystère de son enthousiasme modéré concernant une autonomie poussée et exprimé la nécessité de consulter le peuple : « Il faut rester très prudent […] Je reste favorable à la tenue d'un référendum. » Ces derniers jours, dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse, évoquant la reprise de la violence politique, Valérie Bozzi a durement attaqué Gilles Simeoni : « On a stigmatisé les élus du littoral, ceux qui développent leur territoire, les élus qui travaillent sont aujourd'hui tous suspect, on a également stigmatisé les chefs d’entreprise. Vous avez alimenté cela ou cela a fait votre lit. Mais aujourd'hui je crois que ça se retourne contre vous. »

Gérald Darmanin n’est pas resté neutre

En février dernier, à l’occasion de sa venue à Calvi, Gerald Darmanin a sans doute contribué à redonner du tonus à la droite insulaire. Il a précisé que le Président du Conseil exécutif n’était pas son seul interlocuteur et cerné les limites de la représentativité de ce dernier : « Le président de l'exécutif Gilles Simeoni n'est pas le seul à avoir une vision pour la Corse de demain […] Nous devons écouter tout le monde […] Je suis ministre de l'Intérieur et partout, dans tous les territoires de la République, ce que j'aime, c'est la rencontre avec les élus locaux, les maires, leurs conseillers municipaux, les habitants, les commerçants, toutes les forces vives, et d'échanger. » Il a aussi relativisé la force de la revendication autonomiste : « On va aussi attendre, je vous l'ai dit, les propositions de la part de ceux qui souhaitent l'autonomie, c'est à dire pas tous les élus de Corse […] Il n'y a pas dans nos réunions que des gens qui souhaitent l'autonomie Nous avons des élus de forces d'opposition de droite, le sénateur Jean-Jacques Panunzi, ou encore certains maires qui n'y sont pas forcément favorable […] Il n'y a pas une seule opinion en Corse. »

Pierre Corsi
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