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Lutte contre la mafia : efficacité ou libertés ?

L'Etat français s'attaque aux libertés tous azimuts

Lutte contre la mafia : efficacité ou libertés ?


Il y a onze ans, la Ligue des droits de l’Homme de Corse menait un combat frontal contre les JIRS qualifiés de juridiction d’exception. Aujourd’hui, à l’occasion de pistes évoquées par le garde des Sceaux pour lutter contre la dérive mafieuse, les JIRS sont citées comme des exemples d’efficacité et les deux collectifs antimafia de Corse, salue les mesures envisagées par l’État, des mesures qui s’alignent sur l’exemple italien.
Or l’Italie est régulièrement mis à l’index par les organisations de défense des libertés pour la façon dont elle lutte contre la mafia, mais aussi contre la contestation sociale. Ce qui pose en Corse la question des libertés à l’heure où l’État français s’attaque aux libertés tous azimuts.

Les trois piliers de la lutte contre la criminalité organisée


Le 27 avril dernier, un séminaire international de lutte contre la criminalité était organisé à Paris. Devant des magistrats, des enquêteurs et des représentants d’institutions européennes et internationales d’une trentaine de pays Éric Dupond-Moretti prenaient acte de la gravité de la situation et du retard de la France dans le domaine de la répression des groupes criminels : Le garde des Sceaux a donc annoncé une stratégie « d’entraves et d’enquête internationales » qui reposerait sur « trois piliers » : spécialisation des acteurs avec comme modèle les JIRS et la création de la juridiction nationale de lutte contre le crime organisé ». Il a ensuite parlé d’anticipation et parvenir à interrompre les flux financiers dont se sert le crime organisé. Il faut donc rapidement aboutir mettre en place le gel et la confiscation des produits du crime tout en renforçant le dispositif d’aide aux repentis. Le ministre a enfin parlé de mieux coopérer au niveau international.

Le soutien des deux collectifs


Les deux collectifs se sont félicités de ces annonces. Le collectif Massimu Susini a rappelé ses exigences qu’il voudrait voir passer dans la loi : délit d’association mafieuse ; confiscation obligatoire des avoirs en cas de condamnation pénale ; confiscation de prévention ; ouverture du statut de repenti aux auteurs ou complices de crimes de sang ; cours d’assises avec magistrats spécialisés pour les assassinats commis par la mafia. Toutefois, il attend de voir quelle suite sera donnée à ces promesses.

L’autre collectif antimafia A maffia no, a vita iè, insiste sur le délit mafieux et la nécessité de s’inspirer de l’exemple italien. Les deux collectifs ont pour éminents responsables des anciens militants du FLNC. Il faut avouer que leur évolution est remarquable. D’autant qu’aucun des collectifs ne pose la question des libertés fondamentales dans un contexte où les sociétés démocratiques en crise ont tendance à user de tous les moyens pour corseter leurs citoyens. Les états ont un devoir de protection vis-à-vis de ces derniers. C’est indéniable. Mais la question de la lutte contre les mafias doit être posée dans toutes ses dimensions : sociale, économique, jurdique mais également démocratique. Par ailleurs, il faut rappeler que la période durant laquelle la lutte contre la mafia sicilienne fut la plus efficace fut celle du fascisme. Toutes les libertés individuelles étaient alors supprimées au nom de l’efficacité et le préfet Mori recourut à la torture avec un résultat tout à fait remarquable. Enfin, si aujourd'huiu les lois italiennes ont permis de remporter des victoires ponctuelles contre les mafias, il est nécessaire de souligner que leur pouvoir n’a jamais été aussi étendu et aussi conquérant notamment à cause de l’extension de la misère sociale.

Une nécessité, mais des dangers


Les collectifs corses ont raison de mettre l’accent sur l’efficacité. L’impunité est la meilleure arme mafieuse. Leur création a été le signe d’une prise de conscience même s’il est dommage qu’ils s’en tiennent à des déclarations d’intention sans jamais par exemple se porter partie civile comme le font systématiquement les collectifs antimafia italiens. Leur existence témoigne d’une prise de conscience et d’un courage citoyen qui brise le consensus d’une peur qui justifiait souvent l’inaction. Par ailleurs, les collectifs ont mis en exergue l’inefficacité quand ça n’est pas la complicité passive des pouvoirs publics. Il n’en reste pas moins que le ministre Dupont Moretti est un hâbleur en sursis. Lui-même mis en examen, membre d’un gouvernement sans assise réelle, il risque fort de n’avoir parlé que pour occuper l’espace. D'ailleurs les mesures annoncées lors du séminaire n'apparaissent pas dans la loi d'orientation qu'il va présenter au parlement. Néanmoins les collectifs ont eu raison d’approuver ses annonces qui vont prendre de plus en plus d’acuité tant il est vrai que l’avenir est porteur pour les mafias et cartels en tous genres dans un monde dérégulé en proie à une mondialisation sans autre boussole que la recherche effrénée du profit à n’importe quel prix.

GXC
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