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Médiathèque de l'Alb'Oru : Viva le Club Manga!

S’il est un art populaire en BD c’est bien le manga. Il séduit toutes les classes d’âge et incite à la lecture les plus rétifs au livre. La médiathèque de l’Alb’Oru abrite en ses murs – de verre – un club spécifique dédié au manga, fréquenté par de jeunes

Médiathèque de l’Alb’Oru
Viva le Club Manga !


S’il est un art populaire en BD c’est bien le manga. Il séduit toutes les classes d’âge et incite à la lecture les plus rétifs au livre. La médiathèque de l’Alb’Oru abrite en ses murs – de verre – un club spécifique dédié au manga, fréquenté par de jeunes aficionados de ce genre littéraire et graphique.



Un splendide mercredi de vacances de printemps, ils ne jouent pas dehors ni ne se prélassent en bronzette mais sont réunis dans la bibliothèque des quartiers sud de Bastia. Ils ont de dix à vingt ans et forment la brigade otaku – fans de culture japonaise – de l’unique Club Manga de Corse. Titto Limongi anime l’atelier bilingue de leur magazine, « Salta ». Petits ou grands il les conseille, les aide à peaufiner ou finaliser leurs dessins. Dans une autre salle, André Perfetti veille à l’atelier, « Créé Ton Anime », qui s’attèle au court-métrage d’animation que les apprentis animateurs vont présenter lors de « Mangamania Bastia » en juillet. Un peu plus loin une pièce a été transformée en studio de shooting où les ados viennent se faire photographier dans leurs beaux atours de cosplayers – costumes – qui va servir de base à l’exposition photos de leur grande fête juilletiste.

Le Club Manga est né de l’initiative de François-Xavier Leoncini et de Jessica Pinna, bibliothécaires. En février 2021 le confinement interdisait le contact direct avec les jeunes. Comment garder le lien ? Ils ont l’idée d’une visio conférence. Six passionnés de manga répondent à l’appel. Modeste les débuts. En mai 2023 ils sont une cinquantaine à participer au club, assidus à « Créé Ton Amine » et au magazine, « Salta » dans lequel comités de rédaction et de dessin s’attachent au contenu de leur publication.

Les propositions du Club Manga c’est aussi un « Anime club » qui, à l’‘instar d’un ciné-club classique offre des projections d’animation japonaise. C’est des rencontres autour de thématiques telle l’histoire du manga avec le spécialiste, Matthieu Pinon. C’est des maters classes avec des artistes comme Fabien Dalmasso, Camille Moulin-Dupré, tous deux édités chez Glénat. C’est des prises de vue de cosplayers qui déclinent les silhouettes de leurs personnages préférés de manga ou mieux inspirés de leur imaginaire personnel.

Pendant « Mangamania Bastia », le 22 juillet, à l’Alb’Oru les amateurs auront à disposition un atelier de dessin et de goodies, des stands avec la boutique bastiaise, « Le Shop » axée sur les produits dérivés, avec la librairie, « Alma », qui présentera les nouveautés et les œuvres des auteurs participant à la fête dont Matthieu Pinon, Camille Moulin-Dupré, Fabrice Dalmasso, qui soutiennent la manifestation et ont une renommée en matière de manga.

François-Xavier Leoncini a été attiré par le manga à la suite de « Récrée à 2 » et du « Club Dorothée » sur TF1. Jessica Pinna a été convertie au cours de la médiation culturelle qu’elle exerce à la médiathèque. Fascinée en particulier par le cinéma de Miyazaki dont elle goûte l’univers si poétique, si inspirant, sublimé par des musiques subtiles et envoûtantes.

Le Club Manga constitue une communauté, en font partie ceux qui le désirent !

Michèle Acquaviva-Pache



Contacts
Jessica Pinna et François-Xavier Leoncini au 04 95 47 47 17.
Mail : mediateca-alboru@bastia.corsica.
WhatsApp : 06 14 22 59 26
Facebook : MEDIATECA/Cità di Bastia.

ENTRETIEN AVEC JESSICA PINNA ET FRANÇOIS-XAVIER LEONCINI



Comment expliquer l’engouement des jeunes pour le manga en Corse et en France ?
La France est, en effet, le deuxième consommateur de manga après le Japon, parce qu’on y est fasciné par ce type de dessin qu’on découvre de plus en plus par le streaming qui renvoie au livre. Parce que le rythme de publication des manga est effréné, qu’ils se lisent rapidement d’où une addiction et une excitation dans l’attente des volumes suivant à l’instar des feuilletons européens édités par la presse au 19 è siècle. Signalons que la série, « One piece » a plus de cent tomes. Le lectorat, ici, est aussi attiré par un certain exotisme. Au Club Manga de l’Alb’Oro nous avons formé un group WhatsApp, que nous modérons, et qui permet à nos adhérents de communiquer entre eux, d’échanger des dessins, de partager des coups de cœur et des cosplays (costumes).


On pense généralement que le manga est une expression artistique qui date de l’après-guerre. N’est-elle pas plus ancienne ?
On trouve une esquisse du manga à l’époque Naga (VIII è siècle) avec des rouleaux narratifs sur lesquels sont racontées des histoires aux personnages récurrents. On peut voir également se profiler le manga dans des dessins grotesques et caricaturaux du grand artiste qu’est Hokuzai (XVIII è – XIX è siècle). Mais le manga s’épanouit vraiment après 1945 avec Osama Tezuka, qui lui donne sa forme moderne. Tezuka est l’auteur de séries célébrissimes comme, « Asro, le petit robot » pour les enfants, les « Trois Adolfs » pour les adultes. Aujourd’hui les studios qui créent des manga fonctionnent jour et nuit. Les publications restent en noir et blanc pour des raisons d’économie.


Qu’est-ce qui fait l’originalité des manga par rapports à la BD européenne et aux comics américains ?
Le format du manga est à couverture souple. Il doit pouvoir se glisser dans une poche ou un petit sac afin de pouvoir être lu partout : dans la rue, dans les transports publics… Il repose sur une dynamique du mouvement avec des expressions exagérées des visages : yeux immenses, bouches ouvertes. Le découpage du récit est rapide. Le scénario l’emporte sur le dessin. Les manga sont l’œuvre d’équipes et ciblent des publics très variés. En Europe la BD ne répond pas à une logique de studio. Elle est le fait d’artistes dont la démarche est très différente.


Vos adhérents sont-ils issus de la génération « Pokémon » ?
« Pokémon », c’était il y a vingt ans ! Nos adhérents se recrutent plutôt du côté de « Naruto », de « One piece », de « My hero academia », de « Dragon Ball », qui s’adresse plus spécifiquement aux garçons. D’une façon générale le lectorat des manga est intergénérationnel, il va de huit ans à quatre-vingt ans ou plus !


En quoi le manga est-il représentatif de la culture japonaise ?
Le manga est l’étendard de la culture japonaise comme Hollywood peut l’être du cinéma, comme la gastronomie l’est de la France. Plus nos adhérents grandissent plus ils s’intéressent à d’autres pans de la culture japonaise : groupes de musique, « anime » (cinéma d’animation), estampes, désir d’aller au Japon.


Au Club Manga que racontent les histoires inventées par les otaku (passionnés) ?
Tout commence souvent par un jeune qui se sent isolé car il ne trouve pas sa place dans la société. Puis il se découvre un super pouvoir ce qui l’amène à trouver une communauté dans laquelle il se sent bien. En somme il s’agit de parcours initiatiques…


Vos otaku se projettent-ils en mangaka (dessinateur de manga) ?
Ils rêvent tous de devenir mangaka. Le concours du meilleur mangaka que nous avons lancé en octobre le prouve. Cette complétition repose sur trois thèmes : les robots, la métamorphose, les géants. Quatre planches sont requises. La technique graphique est libre. L’accent doit être mis sur le scénario et les dialogues… Le lauréat ou la lauréate recevra son prix lors de la fête, « Magamania », le 22 juillet. Le jury est présidé par Matthieu Pinon, historien du manga.


Deux mots sur les cosplayers (costumés) et les shootings ? Les jeunes montrent-ils beaucoup d’inventivité ?
Ils adorent inventer des costumes inspirés de manga ou issus de leurs imaginations. Lors du dernier shooting certains sont venus plusieurs fois avec des costumes différents. Auparavant ils avaient étudié leurs poses devant l’objectif. Sur place ils ont indiqué les décors qu’ils désiraient ainsi que les lumières qu’ils souhaitaient. Des jeunes ont même créé leurs cosplays (costumes) de A à Z. A nous maintenant de sublimer leurs créations qui vont être à l’origine de l’exposition prévus pour « Mangamania ».


Certains de vos otaku sont-ils prêts à se lancer dans une carrière de mangaka ?
C’est un univers où il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Ils peuvent faire acte de candidature dans une école de BD qui a une section manga sur le continent. Une de nos adhérente, Jade, veut postuler dans une école spécialisée de Toulouse. Avoir fait partie d’un club de manga est un atout dans leur lettre de motivation.


« Mangamania », une journée rare ?
C’est une fête où les otaku de toute la Corse se retrouvent. Un jour à eux, sur leur île ! Un jour où ils peuvent s’exprimer !

Propos recueillis par M. A-P
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