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L'amnistie est nécessaire mais va être difficile à obtenir

Il serait pour le moins incroyable que l'amnistie ne se retrouve pas sur la table des négociations...

L’amnistie est nécessaire mais va être difficile à obtenir



Il serait pour le moins incroyable que l’amnistie ne se retrouve pas sur la table des négociations entamées entre les élus de Corse et le ministre de l’Intérieur. Ça serait même la condition minimale pour les rendre crédibles. Néanmoins, la disparition de la notion d’infraction politique au profit d’une criminalisation pour terrorisme rend la démarche difficile.

Un processus nécessaire pour "passer à autre chose"


L’amnistie n’est pas l’amnésie. C’est en quelque sorte le palier nécessaire, avec le pardon, pour tourner une page douloureuse d'une histoire commune. Sans remonter au Second empire, force est de constater que la France républicaine n’a pas été avare de telles mesures et, qu’en règle générale, elles ont été prononcées moins d’une décennie après les faits incriminés.

Le 4 septembre 1870, le jour même de la proclamation de la République, le Gouvernement de la Défense nationale décrète l’amnistie des condamnés pour crimes et délits politiques. L’amnistie des Communards est votée le 11 juillet 1880 soit neuf ans après la terrible Semaine sanglante. Après la Seconde Guerre mondiale, une première loi d’amnistie, concernant les faits de collaboration ayant entraîné une peine de prison inférieure à quinze ans, est votée le 5 janvier 1951 soit six ans après la Libération. Une seconde loi, très large, est votée le 6 août 1953. À la suite de cette amnistie, moins de cent personnes restent emprisonnées. La fin de la guerre d’Algérie de 1962 est suivie d’une large loi d’amnistie pour les actes commis en relation avec cette dernière, qu’ils soient du fait du FLN, de l’OAS ou des militaires français. Cette loi est complétée en 1966. Une troisième loi d’amnistie est votée en juillet 1968. Un amendement présenté par le député socialiste Gaston Defferre prévoit la réintégration dans les cadres et leur grade des officiers ayant participé à l’OAS. Six ans après les faits donc il ne reste plus de traces des condamnations.

En 1982, François Mitterrand fait voter une quatrième loi, qui permet notamment aux généraux ayant organisé le putsch d’avril 1961 de toucher leur retraite d’officiers généraux et d’être réintégrés dans leurs décorations.

Deux lois d’amnistie vont être votées portant sur la Nouvelle Calédonie, la première en décembre 1985, la deuxième le 10 janvier 1990 dans le cadre des accords de Matignon.

Les lois d’amnistie concernant la Corse


La Corse a connu depuis l’élection du président Mitterrand en 1981 trois lois d’amnistie. Dans le cadre de la traditionnelle loi d’amnistie postérieure aux élections présidentielles avaient été intégrées (art. 2-4) « les infractions commises en relation avec des élections de toutes sortes, ou avec des incidents d’ordre politique ou social survenus en France, à condition que ces infractions n’aient pas entraîné la mort, ou des blessures ou infirmités ». On se rappelle qu’Alain Orsoni avait dû entamer une longue grève de la faim pour en bénéficier. La seconde loi votée l’année suivante dans le cadre du statut Defferre prévoyait de « toute action en relation avec des événements d’ordre politique et social », et rejetait un amendement de l’opposition qui en exclut les crimes de sang afin que les clandestins corses puissent en bénéficier.
La loi de 1989 ne prévoyait pas d’inclure les nationalistes corses dans son champ d'application étant donné le peu de résultats obtenus par la précédente loi. Ce sont les députés Émile Zuccarelli et José Rossi qui parviennent à étendre la loi d’amnistie afin de faciliter les discussions en vue d’un nouveau statut pour la Corse. Les sénateurs relèveront avec amertume que l’année suivante Charles-Antoine Grossetti, maire de Grossetto-Prugna, Lucien Tirrolini, président de la chambre régionale d’agriculture, et Paul Mariani, maire de Soveria ont été assassinés et parleront d’une « sorte de droit à l’impunité » octroyée par la loi d’amnistie.

Le politique remplacé par le terrorisme


La difficulté majeure qui s’oppose à une loi d’amnistie est qu’entre-temps, la notion de crime politique a disparu au profit de l'appellation de crime terroriste. Ce concept est même devenu universel tandis que les politiques sécuritaires font flores au sein même de l’Union européenne renforçant le camp de ceux qui refusent le pardon.
En Espagne, des centaines d’etarras restent emprisonnés. En Italie, la traque aux anciens militants d’extrême gauche qui avaient versé dans la violence clandestine se poursuit. On notera d’ailleurs sur la question de l’amnistie, une frontière entre les pays du nord européen et ceux du sud. La Grande-Bretagne et l’Allemagne ont privilégié cette voie tandis que les pays à tradition catholique restent inflexibles. Pour ce qui concerne la Corse, il serait évidemment incompréhensible qu’au bout des discussions, quelle qu’en soit l’issue, il ne se profile pas à l’horizon une proposition d’amnistie sans que pour autant celle-ci apparaisse aisée à obtenir.

GXC
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