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Nouvelle Calédonie : Les chiens de faïence

Indépendantistes et loyalistes risquent à nouveau de s'affronter

Nouvelle-Calédonie : les chiens de faïence


Indépendantistes et loyalistes risquent à nouveau de s’affronter. L’État penche plutôt en faveur des loyalistes. Tout le monde attend Macron.



Le gouvernement Castex a imposé, le 12 décembre 2021, la tenue du troisième et dernier référendum sur « l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté » prévu par les Accords de Matignon et Nouméa conclus en 1988. Il a organisé cette consultation alors que la population kanake étant particulièrement touchée et endeuillée par la pandémie Covid, le FLNKS (indépendantistes) avait demandé un report puis appelé au boycott. Par rapport au précédent référendum, la participation a été inférieure de moitié (43,9% au lieu de 85,69%) à l’échelle de l’archipel et quasiment nulle dans les deux provinces à forte population kanake (95,5% de non-participation dans celle des Îles Loyauté, 83,4% dans celle du Nord).
Néanmoins les loyalistes (non-indépendantistes) invoquent le résultat (96,5% en faveur du Non) pour avancer deux exigences : que soit définitivement close la perspective d’une accession à l’indépendance ; que soit modifiée la règle électorale qui interdit aux électrices et électeurs nouvellement installés ou de passage de participer aux élections des membres du Congrès de Nouvelle-Calédonie et des assemblées des trois provinces (Province Sud,Province Nord, Province des îles Loyauté).


L’État plutôt en faveur des loyalistes



Dans le cadre des discussions ayant pour objet de remplacer le cadre institutionnel en place depuis les accords de Matignon et Nouméa, et ce, tout en affichant être favorable au dialogue, l’État penche plutôt en faveur des loyalistes. Il refuse la remise en cause de la tenue et du résultat du référendum du 12 décembre 2021. Il demande au FLNKS de participer à une discussion trilatérale (État, loyalistes, indépendantistes) devant avoir pour objet de dessiner l’avenir de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République. Il est favorable à une évolution de la règle électorale. Ces derniers jours, au Sénat, à l’occasion de la séance hebdomadaire consacrée aux Questions d'actualité au gouvernement, la Première ministre a confirmé cette position de l’État.
Elizabeth Borne a en effet déclaré que le gouvernement était « mobilisé pour accompagner les discussions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République », que « le prochain accord respectera la volonté exprimée par la majorité des Calédoniens » et qu’elle était « prête à inviter l’ensemble des partenaires à la fin du mois d’août pour un cycle de discussions trilatérales », cycle qui devrait « permettre de conclure l’accord que les Calédoniens attendent ».
Cette prise de position est allée dans le même sens que celle du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer. Le 4 juin dernier, à l’issue de sa troisième visite officielle en Nouvelle-Calédonie en six mois, Gérald Darmanin a affirmé : « Les Calédoniens ont choisi de rester Français {…] La Nouvelle-Calédonie est dans la France. Il faut désormais donner un projet à la Nouvelle-Calédonie […] Nous prendrons nos responsabilités pour changer le corps électoral {…] Il faut sans doute travailler ensemble, beaucoup plus que ne l'ont fait aujourd'hui les partis politiques de Nouvelle-Calédonie, et le travail de l’État, c'est d'organiser cela. »


Le FLNKS veut toujours l’indépendance



Pour l’heure, le FLNKS est loin d’adhérer à la position de l’État. Début juin, à New York, dans le cadre du Comité spécial de la décolonisation de l’ONU, sa représentante a d’une part, réaffirmé qu’en tenant le référendum du 12 décembre 2021 malgré la demande de report puis le boycott des indépendantistes, la France avait bafoué le droit à l’autodétermination ; d’autre part, demandé qu’une instance internationale impartiale soit chargée d’achever le processus de décolonisation. A l’occasion de son 41ème Congrès qui a eu lieu en février dernier, le FLNKS a affirmé que le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans le titre XIII de la Constitution continue à inscrire le territoire « dans une phase transitoire attachée à un processus de décolonisation » et qu’un accord politique global doit « garantir l’obtention d’une indépendance négociée en bilatérale avec la puissance administrante, la poursuite du processus irréversible de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie, l’obtention d’un ultime processus d’accession à l’indépendance ».
Concernant l’évolution du corps électoral, Gilbert Tyuienon, membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, vice-président de l’Union Calédonienne (principale composantes du FLNKS), a récemment déclaré : « Nous n’avons pas donné notre accord pour l’ouverture du corps électoral. Nous sommes favorables à l’ouverture de la discussion, nuance ».
La visite d’Emmanuel Macron, prévue durant l’été, devait selon les uns et les autres permettre de faire bouger les lignes. Peut-être comme l’a suggéré Gérald Darmanin le 4 juin dernier : « Est-ce qu'il ne faudrait pas dépasser un peu ce « camp indépendantiste, camp non indépendantiste » ? C'est la même terre pour tout le monde. » En attendant, un risque de retour à de grandes tensions existe car, comme l’a d’ailleurs relevé Gérald Darmanin : « Il y a toujours une société qui est très binaire, entre ceux qui veulent l'indépendance et ceux qui ne veulent pas l'indépendance. » Non indépendantistes et indépendantistes continuent de se regarder en chiens de faïence…


Alexandra Sereni
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