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Concert au Palais des Gouverneurs : le 6 août Pascal Arroyo

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Concert au Palais des Gouverneurs
« Pascal Arroyo and guests »



La cour du Palais des Gouverneurs. Il fait presque nuit. La bassiste-compositeur bien connu, Pascal Arroyo, orchestre l’une des dernières répétitions du spectacle qu’il va donner le 6 août. Celui qui se définit comme un musicien-chanteur va recevoir des invités surprises… de très belles surprises.



Il entame « Assis sur mon lit » qui chante avec humour les déboires d’un insomniaque contraint d’écouter - casque sur la tête – une série de bulletins météo dans l’espoir qu’ils le fassent tomber dans les bras de Morphée. Sur scène, il appelle successivement Franck Bessard, batterie, Georges Baux, clavier, Éric Capone, clavier et accordéon. La présentation des musiciens, qui s’achève avec Antoine Arroyo, basse, est entrecoupée par les notes et les paroles du récit de cette insomnie malencontreuse. Antoine Arroyo, bassiste réputé, fils de Pascal, est l’un des guests de la soirée.


Le vent et la violence du monde


Le jour s’en est complètement allé faisant place à une obscurité légère et gracieuse. Avec « Le vent est tombé » on découvre l’autre invitée surprise… Patrizia Poli. La chanson très bluesy rappelle l’univers de Prévert avec ses accents doux et malicieux. Ce vent tombé de la falaise on le perçoit, on le sent tant l’interprétation avance de nuances.

Avec « Faits divers », un texte de Lavilliers sur une composition de Pascal Arroyo, chanté par Patrizia Polio on est happé par la violence d’un monde d’une impitoyable dureté. « Comment va la guerre », interroge la chanson ? Réponse : « Elle est planétaire », et d’évoquer les personnes déplacées, réfugiés, violées. « Faits divers » gronde de colère mais elle la dépasse aussi pour devenir hymne à l’engagement et à la lutte contre toutes les injustices.

D’un tout autre registre « Que fait la police ? » par Pascal Arroyo. Une tonalité de comédie à l’italienne qui ne se prend pas au sérieux tout en traitant avec sérieux des ambitions, des résolutions d’un groupe de jeunes qui refuse « de vivre comme des nazes ». Résultat un petit côté protest song… tout léger, léger, sur un rythme boogaloo aux influences latinos et afro-cubaines. « Tango qui va » par Patrizia Poli, accompagnée à l’accordéon, nous emporte sous le ciel de Buenos Aires pour décrypter délicatement le tango, ses figures, son sens profond. Résonance nostalgique de cette chanson pétrie d’émotion.


Jeu de mots et « Les mains d’or »


« Diese Iraë » ou « Un dièse à ta portée » mise sur le jeu de mots et illustre parfaitement la complicité entre la chanteuse et le bassiste. Connotations blues teintée de pointes ironiques. Quand Pascal Arroyo se lance dans « Procrastination » on se demande s’il ne verse pas dans quelque autofiction !... Peu importe on sourit de ce bonhomme qui remet toujours à demain ce qu’il aurait dû faire hier. Un rock drôle et plein d’autodérision.

« Versuniversu », titre éponyme de l’album sur lequel la chanteuse et le bassiste ont conjugué leurs talents, sonne telle une marche incitant à répudier le lascià corre, à faire le choix de la vie afin que celle-ci devienne plus vivable. Le récital se clôt sur le célébrissime, « Les mains d’or », paroles de Lavilliers, musique d’Arroyo. Texte sublime qui exalte le savoir faire ouvrier sacrifié sur l’autel du néolibéralisme et du fric. Si le public le souhaite, il pourra écouter « A suivre », première chanson signée Bernard Lavilliers et Pascal Arroyo. Chanson d’amour par laquelle un homme espère reconquérir celle qu’il a aimé.


« Némo » et Lavilliers

Les morceaux interprétés par le musicien-chanteur sont des reprises de son premier groupe, « Némo » (1972 – 1974). Est-ce pourquoi par moments ils ont une saveur très « Beatles » ? Jolie « madeleine » ! Ce groupe composé de François Bréant, clavier, Marc Perru, guitare, Clément Bailly, batterie, Manu Lacordaire, percussions, a sorti deux albums, à la fois jazz, pop, rythme « n » blues, marqué par un petit cousinage avec Otis Redding. C’est grâce à « Némo » que P. Arroyo fait la connaissance de Bernard Lavilliers par hasard un soir de concert à Montigny-lès-Metz. La prestation du groupe plait à Lavilliers qui promet de penser à eux dès qu’il aura… les moyens de les embaucher. Les membres de « Némo » voient là une gentille promesse… en l’air. Ils se trompent. Une collaboration avec Lavilliers s’engage assez vite. Elle va durer quarante ans !

Durant ces années Pascal Arroyo compose une trentaine de chanson pour la vedette. Parfois la composition précède le texte écrit par Bernard Lavilliers. Parfois c’est l’inverse, à moins que le musicien ne se claquemure chez lui avec réserve de chocolat noir et de café. « Entre lui et moi c’était toujours une partie de ping-pong », précise-t-il. Ensemble ils ont fait 1200 dates qui vont les amener dans tous les pays francophones : France, Belgique, Suisse, Québec, ainsi qu’à la Réunion, en Tunisie, en Nouvelle Calédonie. L’Alliance Française, quant à elle va leur organiser des tournées dans les Caraïbes net aux USA.

Bassiste, Pascal Arroyo, a pour rôle de donner le rythme et de maintenir une cohésion intense avec les autres musiciens qui accompagnent Lavilliers. Il est en quelque sorte le chef d’orchestre qui définit l’harmonie, la note fondamentale de l’ensemble.


« Némo » (2) et retrouvailles


En 2008, il part à la retraite mais l’idée n’est guère lumineuse. La musique, la basse, c’est sa vie ! Alors avec François Bréant il envisage de reconstituer « Némo » … qui n’est pas une ligue dissoute. En 2014 le projet est concrétisé. Le hic, ils doivent remanier le nom de leur groupe car entre temps des musiciens de Strasbourg se sont baptisé « Némo ». Comment faire ? Ils optent pour « Némo C Némo » et appelle un guitariste et un batteur à les rejoindre. L’initiative suit son bonhomme de chemin pendant deux ans.

Contacté pour un hommage à Michel Berger en 2016, Pascal Arroyo aboutit en Corse où séjourne son ami le batteur, Franck Bessard et c’est surtout l’heure des retrouvailles avec Patrizia Poli connue en 1992 alors que les NPC (Nouvelles polyphonies corses) étaient conviées par Bernard Lavilliers à intégrer son spectacle. Emballé par les NPC, Pascal Arroyo d’autant plus que le groupe lui fait apprécier l’île décantée de folklore et de poncifs.

Arrivé à Basta en 2016, le musicien-chanteur n’a plus quitté la ville. Avec Patrizia Poli il va former un binôme artistique qui va nous offrir ce magnifique album qu’est « Versuniversu ». « Sur ce disque je suis ravi que Patrizia ait écrit des chansons en corse pour la couleur de cette langue, pour la profondeur du sens des textes ». « Versuniversu » c’est six musiques d’Arroyo et autant de Poli. C’est encore des poèmes de Ghjacumu Thiers, de Gattaceca, de Lavilliers. Au final, une réussite… rare par ses qualités artistiques et sa sensibilité.

Né à Rouen d’un père Andalou et d’une mère normande, Pascal Arroyo, qui a toujours revendiqué ses doubles racines, est fier d’ajouter maintenant corse à son identité multiple. Lui, l’antifasciste, l’antiraciste, le pacifiste.

Michèle Acquaviva-Pache
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