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Festival les Nuits Med, des courts -métrages coup de poiung !

Des courts -métrages coup de poiung !
Festival les Nuits Med
Des courts-métrages coup de poing !

La 16 è édition des Nuits Meds nous a offert une palette riche, variée, souvent audacieuse de courts-métrages du Mare Nostrum. Au programme de la compétition méditerranéenne trente-cinq films aux approches et à la tonalité très différentes et aux réalisations de haute tenue. Sous le signe de l’itinérance ce festival comporte des étapes à Furiani, Bastia, Ajaccio, Carqueiranne, Calenzana, Paris, Toulon, Tunis.


Village kurde sous le joug

De Ramazan Kilic, détenteur d’un passeport turc, nous plonge avec « Une histoire non vécue » au cœur d’un village kurde d’Anatolie. Sa démarche est courageuse car il dénonce avec beaucoup de talent l’oppression subie par le peuple kurde en recourant également à l’humour, à l’ironie, façon de railler ceux qui, au nom de l’ordre dicté par Ankara, sèment la peur, la terreur, mais finissent par susciter une belle créativité chez ceux qu’ils oppriment. Le film est un appel à la résistance. Celle qui va court-circuiter les oppresseurs est une petite fille et ça c’est magistral ! Point besoin d’être homme et adulte pour damer le pion à ceux qui s’obstinent à vous soumettre. Dans une pauvre maison villageoise vivent une gamine et sa grand-mère handicapée qui n’a pour seule fenêtre sur le monde qu’une télévision qui diffuse des émissions en langue kurde. Ce peu d’oxygène « les hommes du président » s’évertuent à le traquer en détruisant antennes, paraboles, appareils de TV. Alors la fillette pour ramener un sourire sur le visage de l’aïeule va trouver une réplique formidable. Elle incite les villageois à inventer un programme télévisuel à partir du cadre d’un poste, seule pièce rescapée du saccage. Une inventivité qui ressuscite les veillées à l’ancienne en perpétuant l’usage de la langue kurde. La grand-mère retrouve une expression rieuse. La petite a releveé le défi. Ce court est un bijou ! (Prix de la critique).

Malte, spéculateurs et mafia

« Vénus Melite » du Maltais, Scott Lymann nous fait découvrir un aspect terrifiant de l’archipel. La maestria du réalisateur est de nous dévoiler la situation complexe de Malte petit à petit sans avoir l’air d’y toucher au début, puis son film tourne au thriller quand les spéculateurs voraces s’acharnent sur une apicultrice qui persiste à préserver ses abeilles et son bout de terre remarquablement situé. L’histoire démarre à l’arrivée d’un plasticien queer venu faire une résidence d’artiste dans une institution dédiée. En moins d’une demi-heure Lymann aborde la question de l’art contemporain. Que doit-il dire ? A qui doit-il s’adresser ? Comment lier esthétique et contenu ? Il évoque ensuite la permanence des activités traditionnelles en butte aux « développeurs » prêts à tout pour du fric en maintenant les politiques sous tutelle et en leur graissant la patte…Pourquoi ce titre « V énus Melite » ? En référence à une statuette du temple néolithique de Hagar Quim du 3 è millénaire avant JC. Image éternelle de l’archipel avec en parallèle celle de l’irréductible journaliste d’investigations, Daphné Caruana Galizia, assassinée en octobre 2017. (Prix RCFM et du cinéma parisien, « Grand action ».

Beyrouth, l’absolue désolation

« Sun sets on Beiruth » (Couchers de soleil sur Beyrouth) de Dianela Stephan est une méditation et une allégorie sur la capitale du Liban après l’explosion gigantesque qui a causé des dégâts incroyables sur le port, dans la ville et même au-delà. Une jeune femme dont le chat effrayé par un si violent boucan, s’est sauvé de chez elle, part à sa recherche. La caméra de la réalisatrice filme les déambulations Mounia, la principale protagoniste. En chemin elle croise une jeune anglaise qui enquête sur la catastrophe. Des gravats. Des ruines… L’animal reste introuvable comme les questions que pose la situation. Partir ? Rester ? Mounia est rongée d’angoisse et de fatigue. Et ce chaton aux abonnés absents alors que tant de ses homologues se terrent dans des refuges précaires ou dans des recoins bizarres où ils doivent pourtant se sentir à l’abri, en guettant tout de même la bonne âme qui prendra soin d’eux. Elles sont mignonnes ces boules de poil… mais que d’inquiétude dans leurs yeux à l’instar de celle qui habite les Beyrouthins. Les chats, les gens c’est tout comme !... Mounia va enfin repérer son animal favori, mais dans des circonstances si atroces qu’elle aurait mieux fait de renoncer à sa quête. Cruelle leçon qui débouche encore et encore sur une mort inéluctable. (Prix du jury).

Dystopie et migrants

Avec « 3 silhouettes » d’Alexandre Lança –vilain titre pour un film intelligent et fin – on est en pleine dystopie. Elle traite cependant d’un problème actuel, celui des migrants prêts à tout pour traverser la Méditerranée et rejoindre l’Europe. Le cinéaste sait créer des ambiances étouffantes. Images très sombres qu’illuminent des visages. Celui d’une policière attachée à la surveillance de la côte ; celui d’une gamine subsaharienne ; celui d’un déserteur. Le récit n’a rien de manichéen et ne se résume pas à la couleur de la peau puisque celle qui monte la garde a à l’évidence des ascendances tous de qualité, de finesse et d’émotion, y compris chez les spectateurs peu sensibles à ce genre cinématographique. Une mention spéciale a ainsi été attribuée à « A cœur perdu » de Sarah Saidan qui met en scène les déboires d’un immigré iranien en France et qui en parallèle dresse le panorama politique de l’Iran. Un film subtil qui sait joindre l’attrayant à l’analyse lucide et joue d’une dose de drôlerie tout en étant grave. Fameuse réussite ! (Mention spéciale).

Certains courts se sont fait remarquer par leur bande son comme « Appalachia » de la Roumaine, Roxnna Stroe, qui mise sur une musique typique des Balkans, ou par leur interprétation comme le comédien, Fares Landoulsi dans « Alia » de Zahara Berrada... Du côté de la compétition premier film impossible de ne pas mentionner, « Je veux déguster » de Léo-Antonin Lutinier, qui mêle insolence, suspens, sensibilité avec un pathétique qui peut être comique tout en étant d’un réalisme… lunaire.


Michèle Acquaviva-Pache
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