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Gauche : 2014, l'année du séisme

C'est en effet en mars 2014 que la gauche toute puissante a perdu un pouvoir presque absolu........

Gauche : 2014, l’année du séisme


C’est en effet en mars 2014, lors des élections municipales, que la gauche qui était toute puissante avant le scrutin, a perdu un pouvoir presque absolu et a vu ses positions irrémédiablement compromises.



Le 13 décembre 2015, la défaite de la liste de Paul Giacobbi alors président sortant du Conseil exécutif, face à la liste nationaliste Pè a Corsica a représenté un séisme dans le monde politique corse. Le fait qu’un même adjectif - historique - ait qualifié le mot victoire et le mot défaite a d’ailleurs suggéré combien était élevée la magnitude de ce séisme. Pourtant, il ne s’agissait que d’une réplique. En effet, la secousse majeure et les failles avaient été ressentis et étaient survenus vingt mois plus tôt (le 30 mars 2014). C’est en effet en mars 2014, lors des élections municipales, que la gauche qui était toute puissante avant le scrutin - elle détenait alors la Collectivité Territoriale, le Conseil général de Haute-Corse, les deux principales villes (Aiacciu, Bastia) et agglomérations (Communautés d’Agglomération du Pays Ajaccien et de Bastia) - a perdu un pouvoir presque absolu et a vu ses positions irrémédiablement compromises.

Deux citadelles perdues


A Aiacciu, il a fallu attendre plus de trois heures, ce dimanche 30 mars 2014, pour connaître les résultats du second tour du scrutin municipal. Finalement, le maire sortant Divers gauche Simon Renucci a été devancé de 281 voix par son challenger de droite Laurent Marcangeli qui portait alors les couleurs de l’UMP qui ont d’ailleurs aujourd’hui disparue. Quant aux nationalistes, il est apparu qu’ils avaient pâti du « vote utile » ayant mis au prise le maire sortant et celui qui, deux ans auparavant, lui avait arraché la députation. Leur liste Aiacciù Cita Nova, conduite par José Filippi, a en effet perdu environ 1000 voix, soit près de la moitié des suffrages qu’elle avait totalisés au premier tour. Son score est ainsi passé de 11%à 6,86%. Ce soir là, chez les supporters des deux listes défaites, les modes « regret » et « reproche » ont dominé. Il s’est dit que Simon Renucci et José Filippi devaient se « mordre les doigts » de n’avoir pas fusionné leurs listes. Dans son coin, Simon Renucci qui acceptait très mal la défaite assurait avoir relevé de « nombreuses irrégularités » et ses amis prédisaient que l’élection « reviendrait ». Mais ces propos ne changeait rien à l’affaire du moment car l’évidence était que la Maison carrée venait de tomber entre les mains de l’adveraire.
A Bastia, il n’a pas fallu attendre trois heures pour connaître le dénouement. Celui-ci s’est dessiné très rapidement car le résultat a pris forme très vite. Au final, il a manqué environ 1500 voix à Jean Zuccarelli pour l’emporter et conserver Bastia dans le camp de la gauche et perpétuer aussi un règne familial de près d’un demi-siècle. Ce dimanche 30 mars 2014, Bastia qui était la Citadelle de la gauche depuis 1968 et qui apparaissait être une place-forte imprenable, est passée aux mains d’une coalition qui était considérée par beaucoup comme relevant de l’incroyable voire du surréalisme. En effet, celle-ci à dominante nationaliste était le produit alchimique de la fusion des listes « Inseme per Bastia » (Gilles Simeoni, autonomiste), « Pour Bastia par passion » (François Tatti, Emmanuelle de Gentili, dissidence radicale et socialiste) et « Bastia avant tout » (Jean-Louis Milani, UMP, UDI, divers droite) ; listes dont les leaders, dans le passé, avaient échangé entre eux plus d’horions que de douceurs.

Chemin de la sortie et changement d’heure Ces deux défaites de la gauche ont eu des conséquences immédiates et visibles. Elles ont conduit en dehors du champ politique Simon Renucci et la plupart de ses partisans. Le chemin de la sortie leur est en effet apparu être le seul possible quand la gifle du 30 mars 2014, a été suivie par la raclée du 1er février 2015. En effet, après avoir eu la satisfaction de voir son recours en annulation couronné de succès, Simon Renucci a, ce soir de février, subi un de ces K.O dont on ne se relève pas du tout ou très difficilement. Laurent Marcangeli a été réélu avec 59,26% des suffrages. Simon Renucci et ses alliés nationalistes qui avaient brandi la bannière Aiacciu Cità Corsa pour partir à la reconquête de la Maison carrée qui n’ont réuni que 40,74% des voix ont été battus à plate couture. Près 19 points d’écart, plus de 4 000 voix dans les dents ! Cela faisait mal, très, mal.
Et pire encore, ça la foutait mal ! A Bastia, la conséquence a été un changement radical (J’ai osé !) du paysage politique. Dès le lundi 31 mars, étant quasiment acquis que Jean Zuccarelli ne déposerait pas de recours en annulation, tout le monde ou presque a délaissé l’heure du boulevard Paoli et s’est mis à l’heure de Lozzi. Cependant, contrairement à ce qui s’est passé à Aiacciu, le battu n’a pas renoncé et, aujourd’hui encore, se refuse à déclarer forfait. Pourtant la défaite était avant tout la sienne et celle de sa famille. En effet, avant le funeste 30 mars 2014, Bastia avait connu près de cinquante ans de règne de la famille Zuccarelli, Emile ayant succédé à Jean. Et les anciens se souvenaient que ces presque cinquante ans, s’étaient ajoutés aux dix-huit ans de mandature d’un autre Emile, Sari, avant la deuxième guerre mondiale (maire de Bastia de 1919 à 1937) auquel étaitapparentée la famille Zuccarelli.

Onde choc ravageuse


L’onde de choc du séisme n’a cependant pas affecté que la gauche simonienne et la gauche zuccarelliste. Elle a grandement fragilisé le Parti Communiste qui a perdu deux points d’appui majeurs et aussi deux premiers adjoints. Ce qui a accéléré son déclin électoral et politique. Elle a fortement ébranlé les radicaux de gauche car leurs électeurs et leur clan ont été subitement privés du phare bastiais qui leur indiquait le cap à suivre pour « bien voter ».
L’onde de choc s’est par ailleurs propagée et a atteint le cours Grandval et Venacu. Rien ne s’y est effondré mais des faille ont été ouvertes : pertes de confiance de certains affidés qui ont commencé à se dire que mieux valait ne plus mette tous les œufs, ou plus exactement les bulletins de vote, dans le même panier, adversaires croyant désormais en leur étoile et s’employant à élargir les failles en travaillant au corps les indécis, les opportunistes et les nonchalants ; perte de deux bases logistiques permettant de préparer confortablement et efficacement les scrutins et plus grave, passage de celles-ci à l’adversaire avec en prime quelques techniciens chevronnés ayant très vite compris que leur savoir faire serait sollicité et leur vaudrait clémence et récompense. 2014, pour la gauche, l’année du séisme.


Pierre Corsi
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