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Pascal ZAGNOLI : « On ne peut pas invoquer sans cesse les discussions avec Paris en guise de solution à tous les maux »

Il y a moins d’un an, les militants du Partitu di a Nazione Corsa ont accordé leur confiance à Pascal Zagnoli.
Pascal ZAGNOLI : « On ne peut pas invoquer sans cesse les discussions avec Paris en guise de solution à tous les maux »


Il y a moins d’un an, les militants du Partitu di a Nazione Corsa ont accordé leur confiance à Pascal Zagnoli. Il a été élu secrétaire national et a de ce fait succédé à Jean-Christophe Angelini. A l’occasion du présent entretien sur fond de rentrée politique, l’intéressé a fait part de ses premiers pas et de ses objectifs de responsable politique de premier plan, ainsi que des problématiques lui apparaissant prioritaires.



Vous aviez lancé en accédant aux responsabilités de secrétaire général : « N’attendez pas que je sois un nouvel Angelini ou un Angelini bis. » Neuf mois après, en quoi consiste concrètement la Zagnoli différence ?
Tout d’abord, qu’il me soit permis une nouvelle fois de remercier Jean-Christophe et les militants du PNC pour leur confiance. Transmettre un parti vieux de 20 ans n’est pas anodin. Succéder à quelqu’un comme Jean-Christophe, non plus. Là était le sens de mon propos. Je conserve néanmoins ma personnalité, mon caractère, mes qualités et, certainement, mes nombreux défauts. Nous sommes dans une année de transition au cours de laquelle jeunesse et expérience se complètent petit à petit. La modernisation du parti ne peut pas se faire en si peu de temps mais, à terme, nous avons pour objectif de lui amener plus de modernité, plus de dynamisme et une approche nouvelle pour répondre aux défis sociaux et sociétaux du XXIe siècle. On ne milite plus comme dans les années 1980 ou 1990, le rapport aux structures politiques a changé et la vie politique dans son ensemble a été bouleversée. C’est cette transition que l’on ne doit pas rater et que je dois impulser si nous voulons un PNC nouvelle version.


Ou en est le PNC au niveau de l’implantation locale et de l’action militante ? Peu visible en Haute-Corse, plus précisément dans la région bastiaise, ne reste-t-il pas essentiellement un parti « sudiste » ?
Le PNC possède historiquement un solide ancrage dans le sud de l’île. Les derniers scrutins électoraux ont d'ailleurs renforcé notre assise sur le territoire Sud Corse. Néanmoins le PNC est un parti national et notre action ne se limite pas à une seule région. Nous sommes présents de Bonifacio jusqu’au Cap Corse et entendons nous renforcer partout. Nous considérons nos sections dans les territoires comme la vitrine de notre parti. Elles sont notre relais vis à vis des Corses.


Depuis plusieurs mois, le PNC dit vouloir engager un dialogue patriotique avec les différentes forces nationalistes, y compris syndicales et associatives, afin de construire une unité stratégique. Ou en est cette démarche ?
Plusieurs discussions ont en effet été initiées entre des structures politiques, syndicales et associatives qui composent le mouvement national. Plus généralement, nous essayons d’être, au quotidien, au plus près des Corses, de sonder, concerter et proposer des solutions. Nous considérons que le mouvement national ne peut exprimer toute sa force que s'il est uni. Néanmoins l’unité stratégique ne se décrète pas de façon unilatérale, à l’inverse des divisions qui, pour l’heure, constituent un frein majeur à nos aspirations collectives d'émancipation.


Lors de la rentrée politique de Femu a Corsica à Aleria, le PNC n’a pas répondu favorablement à l’invitation qui lui a été faite. N’est-ce pas contradictoire avec le souhait annoncé de dialogue patriotique ?
Le dialogue patriotique doit exister toute l’année et pas uniquement lors de l'événement public, sous chapiteau, d’une seule composante. Il reste encore beaucoup de points de divergence qui nécessitent d’être débattus entre les exécutifs des deux partis. Notre place, à ce stade, n’était donc pas à Aleria mais cela ne signifie évidemment pas que nous fermons la porte aux discussions.


Le PNC a récemment fait sa rentrée politique Aiacciu. A cette occasion, vous avez abordé des problématiques qui souvent dérangent. En premier lieu, vous avez dénoncé l’extension du trafic et la banalisation de la consommation de stupéfiants ainsi que l’impact des bandes criminelles sur la jeunesse et l’économie, affirmé que cette situation découlait beaucoup de l’État et appelé les Corses réagir. Qu’attendez-vous de l’État ? Que peuvent faire les Corses
J’ai souhaité remettre en perspective le rôle historique central de l’État dans le développement de la criminalité sur l’île. A une époque, si ne serait-ce qu’un tiers des moyens alloués à la lutte contre les nationalistes l'avaient été à la lutte contre le banditisme, nous n’en serions pas où nous en sommes aujourd’hui. Dans ce domaine, nous attendons simplement de l’État qu’il exerce sa mission régalienne et permette aux Corses de vivre, travailler et entreprendre dans une société qui ne soit pas contrôlée par des forces occultes. Pour ce qui est des Corses eux-mêmes, dans une société fortement marquée par la précarité, c’est une réponse sociale et sociétale qu’il faut. C’est-à-dire,: refuser un modèle basé exclusivement sur la marginalité, donner à la jeunesse de l'espoir et des perspectives d'avenir loin des sirènes de l'argent facile et de l'auto-destruction, redonner du sens à la famille, à la valeur travail et au mérite.


En second lieu, vous avez déclaré que le fait migratoire fait désormais partie des problématiques que doit se poser le Peuple corse et que l’afflux de populations extérieures met à mal ce que nous sommes. C’est plutôt nouveau de le dire aussi clairement au sein de la mouvance nationaliste. Ne craignez-vous pas que le PNC soit assimilé au Rassemblement National ou à Palatinu que beaucoup qualifient d’extrême-droite corse ? Et que préconisez-vous pour traiter la problématique migratoire ?
La Corse est victime d’un solde naturel négatif et son importante croissance démographique annuelle est exclusivement basée sur les apports extérieurs. Ceci n’est que l’analyse factuelle des statistiques INSEE publiées chaque année. Sur le plan politique, quelle analyse pouvons-nous tirer de cette donnée ? Dans la région la plus pauvre de France, où le taux de sortie du système scolaire après la classe de troisième et sans diplôme est le plus élevé, et où le taux de transmission intrafamiliale de la langue maternelle est proche de zéro, il n'est plus concevable, de notre point de vue, d'occulter cette situation et de ne pas chercher des solutions. En outre, la Corse n'est pas structurellement en mesure d'assumer cette croissance démographique continue.
Enfin, ce qui ajoute à la gravité de la situation, tout cela n'est pas non plus sans donner un coup d'accélérateur aux phénomènes dévastateurs pour les Corses en termes d'accès au foncier, au logement, à l'emploi, phénomènes que nous nous efforçons historiquement de combattre. Nous affirmons que la situation sociale et sociétale de la Corse est trop préoccupante pour que nous puissions continuer d’accueillir annuellement autant de populations extérieures, quelles que soient leurs origines. Et cela ne fait pas de nous des racistes d’extrême-droite ! L’ADN du PNC n’a jamais été le racisme ou la xénophobie. Nous sommes simplement des nationalistes corses attachés à leur culture et à leur terre qui n’entendent pas rester muets face à la dilution du Peuple corse au nom d’un prétendu politiquement correct. Et nous disons qu’il est temps que la classe politique insulaire, notamment les nationalistes, soit capable de porter publiquement ce débat. Chacun aura l’occasion de développer ses propositions en la matière. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts.


Devoir poser la question du fait migratoire et celle d’un risque de dilution du Peuple corse alors que de nombreux Corses sont contraints de partir et que des employeurs - publics ou privés, y compris nationalistes - recrutent des arrivants, ne devrait-il pas conduire à s’interroger ? La corsisation des emplois est-elle encore dans l’ADN nationaliste
Le rapport à l’économie, à l’emploi et d’ailleurs à tout ce qui peut permettre aux Corses de vivre sur leur terre fait partie de nos fondamentaux. Aujourd’hui, ça me désole de voir encore trop de jeunes diplômés être contraints de partir occuper des emplois ailleurs alors même que d'autres viennent de l'extérieur pour en occuper ici. La Corse manque de monde partout, dans tous les secteurs, nous n’avons plus le droit de voir notre matière grise s’exporter et produire de la valeur ajoutée ailleurs qu’en Corse. Nous devons tout mettre en œuvre pour permettre aux Corses de travailler sur leur territoire, en adéquation avec le développement économique et social insulaire, il s'agit d'un enjeu majeur. Bien sûr que l’on doit remettre la corsisation des emplois au cœur de nos politiques. Encore plus si l’on se revendique nationaliste. Lorsque des élus nationalistes recrutent un directeur de collectivité sur le Continent, ça me choque. Allons-nous encore longtemps être complexés et penser que les gens sont meilleurs ailleurs ?


Lors de la rentrée politique de votre parti, vous avez aussi évoqué la nécessité de ne pas circonscrire le débat à la seule relation avec Paris et de s’attacher, enfin, à résoudre les problèmes de notre île et de notre peuple. Quels problèmes intéressant directement la vie quotidienne des Corses doivent être traités au plus vite ?
Nous avons voulu redire notre attachement au processus de Beauvau. Dès les premiers instants des discussions, nous avons joué le jeu et fait le pari de la réussite. L’avenir dira si nous avions raison. Mais, en même temps, nous disons que l'action politique de la Collectivité de Corse ne peut être uniquement concentrée sur le processus. Ce pays va mal, les Corses vont mal et les contextes européen et français ne nous aident pas. Les Corses souffrent de l’inflation plus qu’ailleurs, les jeunes n’arrivent plus à se loger et il existe une trop forte disparité en terme d’accès à l’emploi. Même si un statut spécifique nouveau peut ouvrir des portes et débloquer des situations, on ne peut pas sérieusement invoquer sans cesse les discussions avec Paris en guise de solution à tous les maux de notre territoire. D'une part car cela ne fait que repousser la recherche de solutions, d'autre part car il est utopique de penser que ces discussions aboutiront à un coup de baguette magique impactant favorablement l'ensemble des problématiques de la Corse. Et tout cela s’ajoute à une forme d’inertie dans le traitement des grands dossiers stratégiques de l’île que sont les déchets, l’hydraulique, le développement des énergies renouvelables, les grandes infrastructures…


Gérard Darmanin arrive dans quelques jours. Il se dit qu’Emmanuel Macron suivra. Qu’attendez-vous de concret de ces visites ? Vous affirmez vouloir la réussite du processus. Quelles sont vos conditions
Le rapport voté le 5 Juillet venait en quelque sorte clôturer la phase 1 du processus de Beauvau. Aujourd’hui, nous attendons de Gérald Darmanin et éventuellement d’Emmanuel Macron dont la venue n'est, au moment où nous parlons, pas confirmée, un signal fort et clair concernant nos revendications. Jusqu’où l’Etat est-il prêt à aller avec la Corse ? L’avenir le dira. Comme vous le savez, le PNC a remis sa propre contribution lors de la session extraordinaire de l’Assemblée de Corse des 4 et 5 Juillet derniers. Laquelle a été débattue et plusieurs propositions y figurant ont été reprises dans le rapport final voté par les groupes nationalistes. Depuis le début, au PNC, nous disons que nous voulons la réussite du processus et un accord politique. Mais pas à n’importe quel prix. Si l’on reconnaît la spécificité de la Corse et de son peuple, alors il faut lui donner les moyens qui correspondent. L’autodétermination fait partie de l’ADN de notre parti, nous continuons de penser que les Corses devront s’exprimer dans les urnes pour dire ce qu’ils souhaitent pour leur avenir à dix ou quinze ans.


Propos recueillis par Jean-Pierre BUSTORI
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