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Spectacle de drôlerie et d'émotion

« Parenu fole… » à Arte Mare

Spectacle de drôlerie et d’émotion


Elle chante et raconte de histoires. Il joue de la basse et du piano. Voix puissante et bouleversante. Virtuosité du musicien. Elle, Patrizia Poli. Lui, Pascal Arroyo. Elle a écrit, élaboré, conçu le spectacle. Lui a œuvré aux arrangements.



« Parenu fole… » chansons et anecdotes mêlées en un bel enchaînement est un spectacle tonique, revigorant, un bijou. Sa réussite et son originalité ? La poésie fervente des parties vocales, le brio de l’accompagnement musical et ces insertions de scènes du quotidien à rire ou à pleurer, pour réfléchir aussi, car elles n’ont rien d’anodines.

La majorité des chansons ont été enregistrées dans l’album, « Versuniversu », couronné en 2020 par le grand prix de l’Académie Charles Cros. On retrouve ainsi « A mio isula », « Duve sò l’ale », « Riacquistu » ou« Oru rosso », et également « Les hommes » de Lavilliers, « Faits divers » du même auteur sur une musique d’Arroyo. Vaste le répertoire de Patrizia Poli puisqu’il inclut des chants d’ailleurs, en italien ou en espagnol ou encore un allègre mashup sur « On the road again », comme en écho à la longue route artistique de celle qui est poète, compositrice, interprète et comédienne. Les sketchs qui émaillent « Parenu fole… » sont autobiographiques, des moments vrais d’un vécu fait de beaucoup de passion, de joie, de blessures souvent restitués au fil du spectacle avec une pointe d’autodérision. On voit apparaître l’étudiante à Nice poursuivie par une bande de punks trouvant refuge dans un bistrot affichant une large bandera. La prison de Borgo et son paradoxal détenu. Une station de radio parisienne où on s’enquiert auprès de la chanteuse si elle comprend et parle le français, elle, la Corse… (Pas étonnant que l’île soit une éternelle incomprise de l’hexagone et de ses politiques.) La naissance de la petite sœur accueillie par un gros mots parce que c’est une fille et qu’une fille il y en a déjà une dans la famille ! La veillée du défunt où le pastis remplace l’eau bénite. Et voilà rappelé le si fertile Riacquistu où le gratin franchouillard insulaire voulait interdire, bannir le chant en langue corse en bâillonnant ceux qui avaient l’outrecuidance de chanter en « lingua nustrale ». Mais ne dévoilons pas tout ce qui fait le sel de « Parenu fole… ». L’art de l’ironie Patrizia Poli en use parfaitement qu’on se souvienne des « Scrianzati » sur RCFM en une époque où il fallait du courage pour moquer les politiciens !

A signaler que l’artiste joue actuellement dans « Vie de Jean Nicoli », pièce écrite et mise en scène par Noël Casale. Elle incarne la femme du célèbre résistant et conte leur vie en Afrique sous la férule du colon, leur retour en Europe, l’engagement de l’époux dans la Résistance.

Autre corde à l’arc de l’artiste elle est une magnifique lectrice de textes…

Michèle Acquaviva-Pache


ENTRETIEN AVEC PATRZIA POLI


Comment est né « Parenu fole… » ?
Notre album, « Versuniversu », est sorti juste avant le confinement. Pour le faire connaître nous avons tourné des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Après le confinement j’ai pensé à une mise en scène et à intercaler entre les chansons des histoires drôles, avec un lien entre le dit et le chant. A Pascal Arroyo de travailler les arrangements.


Quel rôle a eu le pôle de formation et d’éducation à la création théâtrale, L’ARIA ?
Une fois le spectacle écrit nous avons été reçus en résidence à L’ARIA. Pendant six jours dans la magnifique salle d’Olmi Cappella, entourés d’une équipe qui aime les artistes nous l’avons mis au point. A la fin du séjour nous en avons fait une restitution en public. A Bastia, la municipalité nous a demandé de faire l’ouverture de la saison théâtrale tandis qu’Arte Mare nous faisait la même demande.


Comment avez-vous sélectionné anecdotes et récits parmi vos souvenirs ?
J’ai listé récits et chansons, les liens se sont faits tout seuls comme si c’était là une préprogrammation de mon inconscient !... Les chansons traitent de thèmes universels en interaction avec notre société.


De quelle manière avez-vous procédé à l’enchaînement des chansons et des récits ?
C’est le fruit d’un travail où on a essayé différentes choses et je me suis basée sur les histoires pour que ça aille crescendo dans l’humour. Parallèlement je voulais, au final, assurer qu’on pouvait changer la société.


Quelles sont les anecdotes que vous avez écartées ? Quelles sont celles qui vous mettent particulièrement en joie ?
L’essentiel était de respecter le format du spectacle et de me référer aux causes qui me tiennent à cœur. Ainsi les violences faites aux femmes, la lutte contre le racisme, la xénophobie et la progression de l’extrême droite. J’ai retenu les anecdotes les plus percutantes.


Comment avez-vous travaillé avec Pascal Arroyo ?
Il s’est chargé de la partie musicale. On a eu moult échanges. On a voulu que « Parenu fole… » puisse aussi bien se produire dans de grandes salles que dans des petites, dans une forme cabaret ou même dans une maison. Sur scène j’inclus Pascal comme témoin. Il est très à l’aise dans ces séquences car il a beaucoup d’humour. Franco-espagnol vivant en Corse il est confronté à des IFF, à des « Français de merde ». On en parle. On explique. Il n’y a chez lui aucun refus de comprendre. Il sait que je ne suis en rien xénophobe et que je condamne ces inscriptions.


Dans votre spectacle se mêle drôlerie et émotion. Pourquoi, actuellement, si peu de place laissée, ici, à l’humour ?
Quand en 1986 j’ai lancé sur RCFM, « I scrianzati » en tant que coproductrice et animatrice, j’étais la seule femme humoriste. Axée sur l’actualité politique en Corse, l’émission c’était un spectacle par semaine enregistré en public, dans un cabaret. J’aimerais bien qu’émerge aujourd’hui une professionnelle de l’humour.


« I scrianzati » asticotait, étrillait les politiques. Une telle émission serait-elle possible de nos jours ?

Je ne crois pas. J’ai l’impression que les humoristes de maintenant osent moins… A l’époque on avait plus d’audace. Aujourd’hui où on a plus de liberté d’expression, on s’en sert moins !


Sur scène vous dites que vous ne citerez pas de noms en ce qui concerne les protagonistes de vos anecdotes. Pourquoi cette réserve ?

On a balancé souvent des noms dans des ouvrages ou lors de performances. Or, ça n’apporte rien, si ce n’est à mettre en danger des gens.


Dans « Parenu fole… » il y a beaucoup de votre parcours personnel et artistique. C’est presqu’un récit de vie ?
Je fais référence à ma famille, à mon environnement familial plutôt machiste même si mon père m’a élevé comme un garçon à qui il a appris à tirer et à faire de la moto, ce qui ne m’empêche pas de dénoncer une société patriarcale… Mais je rends grâce à mon père de m’avoir expliqué la nocivité des boues rouges ; combien il fallait combattre cette pollution. C’est d’ailleurs de là que vient ma conscientisation. Je plaide pour que les jeunes prennent soin de leur terre et de la planète. Nous les Corses, on n’est pas le nombril du monde, mais le monde peut compter sur nous… Il suffit de s’ouvrir.


Si vus n’étiez pas comédienne auriez-vous pu inclure avec autant de naturel les moments contés de « Parenu fole… »
Chanter et jouer c’est pour moi la même chose : un acte de vie. Quand je chante, je ne fais pas semblant, pareil quand je joue au théâtre. Chanter ou jouer à la source il y a la même intention… La même authenticité.

Propos recueillis par M.A-P
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