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Autonomie : Femu veut y croire et y faire croire

Une conférence de presse à Aiacciu de Femu a Corsica

Autonomie : Femu y croit et veut y faire croire


Après avoir pris le temps d’analyser le discours d’Emmanuel Macron devant l’Assemblée de Corse, Femu a Corsica a dernièrement tenu une conférence de presse à Aiacciu. Satisfaction et prudence, main parcimonieusement tendue et nécessaire mobilisation, ont été évoqués par les intervenants.


Que retenir de ce rendez-vous avec les médias ?

Réponse dans ce qui suit, tiré du texte qui a été rendu public.
D’abord l’affichage d’une satisfaction : « Pour la première fois dans l’histoire contemporaine, un Président de la République française valide le principe d’un statut d’autonomie pour la Corse. » Cette satisfaction est somme toute justifiée pour peu que l’on veuille bien prendre en compte deux éléments. Le premier est que Femu a Corsica est un parti autonomiste qui n’a jamais caché souhaiter un dialogue et un partage des pouvoirs entre les élus de la Corse et l’État.
Le deuxième est que le discours d’Emmanuel Macron a positivement évolué. Il n’a plus rien de commun avec les paroles du refus, du mépris ou de l’offense que l’intéressé avait prononcées lors de précédentes visites, notamment à l’occasion du discours du 6 février 2018 devant la stèle dédiée au préfet Claude Erignac. Emmanuel Chevènement s’est métamorphosé en un Emmanuel Defferre, un Emmanuel Joxe ou un Emmanuel Jospin.
Sera-ce durable, sera-ce tenable face au Parlement, seul l’avenir le dira. Femu a Corsica entoure d’ailleurs de prudence sa satisfaction. En effet, le parti siméoniste souligne que le Président de la République n’a pas évoqué des notions « fondamentales » et « au centre de la délibération Autonomia du 5 juillet ». Et de citer : un véritable pouvoir normatif, la co-officialité de la langue corse, le statut de résident, le Peuple corse (il omet cependant de citer le dossier Prisonniers et anciens prisonniers, ce qui est plus que regrettable).
Femu a Corsica veut cependant croire que des avancées sont possibles : « L’absence de ligne rouge constitue un élément nouveau et positif qui doit nous permettre d’obtenir des avancées concrètes sur ces thèmes essentiels ». Bel optimisme que d’aucuns peuvent toutefois, et ce, raisonnablement, juger béat ou relevant de la cécité politique car, en ces domaines, des avancées sont très improbables. En effet, les incontournables décisions du Conseil Constitutionnel concernant la Corse sont claires. Elles montrent que, pour les Sages, la France ne compte qu’un peuple et une catégorie de citoyens car la Constitution « ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion » ; qu’une langue car, ainsi que l’énonce l’alinéa 1 de l’article 2 de la Constitution : « La langue de le République est le français ». Seule une avancée vers un véritable pouvoir normatif semble à ce jour relever du domaine des possibilités.


Main tendue et fermeté

Satisfaction, prudence mais aussi main tendue. Ce que Femu a Corsica exprime en affirmant vouloir « arriver à un consensus dans le dialogue avec l’ensemble des forces politiques et des forces vives de Corse. » Mais on devine aussi que le parti siméoniste est tiraillé entre la recherche d’un compromis acceptable avec la droite insulaire Un Soffiu novu (ce à quoi l’invitent Emmanuel Macron et Laurent Marcangeli) et ne rien vouloir céder d’essentiel. En effet, tout en tendant la main, il affiche de la fermeté et même de la détermination. En affirmant que la délibération du 5 juillet est « le socle » d’un « point d’équilibre à trouver dans les prochains mois pour arriver à un consensus dans le dialogue avec l’ensemble des forces politiques et des forces vives de Corse ». En rappelant qu’à l’Assemblée de Corse, la délibération Autonomia a été votée non seulement par la majorité siméoniste mais aussi par la quasi totalité des opposants nationalistes : « L’accord politique à construire ne peut pas être le point médian entre une délibération approuvée par les trois quarts d’une Assemblée parlementaire et un projet minoritaire, largement rejeté. En insistant sur la nécessité d’un respect du fait majoritaire : « Si l’esprit de responsabilité consiste à respecter le pluralisme politique et la minorité, l’éthique de responsabilité commande à la minorité de ne pas devenir bloquante, sauf à vouloir créer les conditions de l’échec et de nouvelles tensions hypothéquant la paix. » Pour parvenir à un consensus, Femu a Corsica semble donc moins compter sur des concessions de sa part que sur un pas en avant d’Un Soffiu novu. Et, à ces concessions, le parti siméoniste semble vouloir y inciter en suscitant une grande mobilisation de la société corse et même de la Diaspora en faveur du projet autonomiste qui pourrait d’ailleurs aussi


Donner un souffle de respiration démocratique


Cette mobilisation, Femu a Corsica en livre d’ailleurs les modalités et l’objectif : « Conscients que le chemin sera étroit et semé d’embûches, nous devons absolument réussir pour transformer l’espoir en réalité et inscrire la Corse dans une nouvelle ère […] Dans la continuité des « Giri citadini è paisani » effectués durant le premier semestre 2023, nous redéploierons notre mouvement dans nos pievi, nos villes et nos villages pour échanger avec les Corses et irons à la rencontre de notre diaspora en France et ailleurs. Nous poursuivrons le cycle de rencontres engagé au printemps dernier avec les autres forces patriotiques, l’ensemble des forces politiques et des forces vives de notre pays, notamment afin d’évoquer les enjeux et défis économiques et sociaux du quotidien. Dans le droit fil de notre rentrée politique à Aleria, nous lancerons, en Corse et au-delà, une série d’initiatives de type tables rondes, conférences-débats, séminaires, avec les acteurs associatifs, politiques, syndicaux, les universitaires, les intellectuels, les journalistes, les citoyens. Pour donner un souffle de respiration démocratique au processus, à nos idées et à notre projet d’autonomie. L’objectif est de construire, par le bouillonnement d’idées, le dialogue permanent et le débat démocratique, le socle commun le plus large possible pour le projet d’émancipation que nous avons vocation à mettre en œuvre […] Le moment est venu d’une solution politique et d’un statut d’autonomie pour la Corse. Nous devons absolument réussir. C’est le sens du mandat que nous ont confié les Corses. C’est aussi notre responsabilité collective face à l’histoire et pour les générations futures.»


Sous l’œil indépendantiste


Il apparaît donc nettement que Femu a Corsica croit et veut faire croire à la réussite de sa méthode et à la pertinence de son projet. Le parti siméoniste l’énonce d’ailleurs très explicitement : « Nous sommes convoqués collectivement, ici et maintenant, pour créer les conditions d’une avancée forte et irréversible qui inscrive la Corse sur la voie de l’espoir et de l’émancipation. » Mais il apparaît aussi que Femu a Corsica prend la mesure de deux éléments nouveaux : le retour au premier plan du FLNC, la volonté de s’organiser et de peser qu’ont récemment démontrée à Corti plusieurs centaines de militants et sympathisants indépendantistes. Ce contexte qui fait peser sur lui la menace d’être débordé ou fortement contesté s’il semble être trop conciliant, incite probablement plus qu’un peu le parti siméoniste à demander de nouvelles avancées à l’État, à montrer de la fermeté face à la droite corse, à vouloir mobiliser la société corse autour d’un projet autonomiste. Ce contexte qui le met sous l’œil indépendantiste, le conduit aussi à critiquer, de façon voilée mais bien réelle, les clandestins et les participants à la réunion de Corti qui ont annoncé vouloir revenir à une stratégie LLN (Lutte de Libération Nationale). Femu a Corsica leur reproche en effet implicitement une tentation de faire échouer le processus Beauvau, un rejet de la démocratie et de la réconciliation, une prise de risque de retour à des années noires, une forme de sectarisme : « Nous ne voulons pas ouvrir la porte au désespoir ou à l’échec. Nous devons absolument travailler dans le cadre démocratique des négociations ouvertes, réussir et faire un grand pas vers la reconnaissance, la maîtrise de notre destin et la réconciliation. Toute autre voie entraînerait la Corse dans une impasse qu’elle n’a que trop connue au cours de son histoire {…] L’heure n’est pas au repli sur soi partisan ni au patriotisme de sigle, mais au contraire à l’ouverture et au rassemblement autour d’un projet d’accord politique à la hauteur des enjeux. »


Pierre Corsi
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