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DSP aérienne : Entre soulagement et incertitude

L'incertitude reste de mise

DSP aérienne : Entre soulagement et incertitude


L’incertitude reste cependant de mise. En effet, il pèse encore une épée de Damoclès. ace jour, soulagement encore fragile côté Air Corsica et une douloureuse incertitude côté Air France.



Dernièrement, la Commission de délégation de service public (CDSP) de la Collectivité de Corse a en partie mis fin à l’insoutenable suspense que vivaient les personnels d’Air Corsica depuis qu’en juillet dernier, lors de l’ouverture des plis des candidats à la DSP aérienne Corse-Continent français 2024-2027 (devant entrer en vigueur le 1er janvier 2024), il avait été confirmé que la compagnie low cost catalane Volotea avait candidaté. Au grand soulagement de ces personnels, concernant les huit lots du bord à bord (lignes aériennes desservant Nice et Marseille depuis Aiacciu, Bastia, Calvi et Figari), la CDSP a émis un avis favorable à leur compagnie. Ces personnels ont craint, durant plus de deux mois, que par une offre tarifaire agressive et une demande de compensation au titre de la continuité territoriale très inférieure à celle demandée par Air Corsica, Volotea mette la CDSP en situation de ne pouvoir justifier - par le choix d’une offre mieux disante résultant d’une prise en compte non seulement du financier mais aussi du social, du juridique et de la qualité du service - la mise à l’écart d’une offre moins disante rendue incontournable car étant particulièrement basse et fondée sur une proposition de service correcte.


Volotea a montré ses muscles


La crainte des personnels d’Air Corsica était avivée par le fait que Volotea semblait particulièrement déterminée à montrer et faire valoir ses muscles. En effet, la compagnie catalane communiquait être présente sur l'île depuis sa création en 2012, avoir déjà transporté plus de six millions de passagers dans l'île avec de plus 47 000 vols, être en capacité de proposer des tarifs plus avantageux que les actuels tarifs résident, projeter l'ouverture d'une base en Corse si elle était retenue comme délégataire. Par ailleurs, il se disait que dans son dossier de candidature, au titre de la continuité territoriale, Volotea demandait des compensations financières très inférieures à celles demandées par Air Corsica et son partenaire Air France. Certes la Direction d’Air Corsica avait répondu offensivement. En faisant fait valoir que la compagnie avait été créée pour satisfaire une volonté politique corse de maîtriser le service public de transport aérien. En rappelant qu’elle avait accompli ses missions en répondant aux besoins de la Corse et des Corses. En mettant en exergue une gestion ayant permis de ne demander aucune rallonge de la compensation financière due au titre de la DSP, de reverser rubis sur ongle le produit de la taxe territoriale sur les transports, de payer tous ses fournisseurs, de renouveler a flotte (en 2024, 11 des 13 avions Air Corsica seront neufs). En outre, la Direction d’Air Corsica avait tenu à assurer les personnels d'Air France (près de 300 agents en Corse) qu’elle n’avait pas l’intention de dénoncer le partenariat Air Corsica -Air France sur les lignes Ajaccio-Paris et Bastia-Paris. Ce positionnement offensif avait quelque peu réconforté les personnels Air Corsica et Air France mais l’inquiétude n’avait pas disparu.


Ouf de soulagement



Avec l’avis de la CDSP en faveur de leur compagnie et bien que la décision appartienne à l'Assemblée de Corse, les personnels d'Air Corsica peuvent pousser un ouf de soulagement. Mais rien encore gagné. En effet, concernant les lignes Ajaccio-Paris et Bastia-Paris, la CDSP n'a pu proposer un avis car les montants de la dotation de continuité territoriale sont insuffisants pour couvrir l'offre du groupement Air France-Air Corsica. Ce qui a conduit la CDSP à demander, pour ces deux lignes, une prolongation de deux mois de la DSP existante pour permettre la poursuite de la négociation. Ceci fait ressurgir des rumeurs selon lesquelles, en cas d’offre de Volotea financièrement alléchante, la Collectivité de Corse, trop heureuse de limiter les coûts et soucieuse de ne pas subir les foudres de la Commission Européenne pour non respect des règles de la concurrence, pourrait retenir la compagnie catalane, et qu’Air France qui se désengage de Paris-Orly et des lignes intérieures, ne serait pas très affectée d’être écartée. Ce scénario est heureusement peu crédible pour plusieurs raisons. En effet, la réalisation de ce scénario noir n’est aujourd’hui le souhait d’aucun groupe politique de l’Assemblée de Corse, provoquerait une levée de boucliers syndicale et politique, signifierait l’exil avec leur famille ou la perte d’emploi pour plus de 250 salariés, affecterait l’équilibre économique et financier d’Air Corsica car les lignes Ajaccio-Paris et Bastia-Paris sont les plus rentables.


Une épée de Damoclès


L’incertitude reste cependant de mise. En effet, il pèse l’épée de Damoclès suivante : que le montant de la dotation de continuité territoriale étant à ce jour insuffisant pour couvrir les offres, y compris celle de Volotea, la négociation en cours conduise à ce que la compagnie catalane produise une offre que l’on ne peut refuser et qu’Air France jette l’éponge. Cette incertitude est durement ressentie par les salariés d’Air France. Xavier Pappini, le représentant CGT des personnels l’a d’ailleurs souligné : « Les salariés d’Air France ont peur de passer un Noël désastreux. On ne sait pas, si l'année prochaine, on aura un emploi. » La conscience de la persistance d’une menace l’a d’ailleurs conduit à placer les élus devant leurs responsabilités : « Ils décident. Ils votent. On sait qu'ils sont attachés aux emplois pérennes, locaux et décemment payés, Ils ne peuvent reculer. D’ailleurs, il s’agit d’un choix de société. Mais nous n’attendrons pas le 29 février 2024 à minuit pour savoir. Si le 1er
décembre, rien n’est clair, nous prendrons nos responsabilités.» En conclusion, à ce jour, soulagement encore fragile côté Air Corsica et une douloureuse incertitude côté Air France.


Pierre Corsi



Continuité territoriale et DSP

Le dispositif de continuité territoriale Corse-Continent français dont l'objet est de réduire les contraintes découlant de l'insularité, a été appliqué le 1er janvier 1976 pour les liaisons maritimes. Quelques années plus tard, il a été mis en œuvre pour les liaisons aériennes. En 2022, l'enveloppe remplie par l’État qui est consacrée à la continuité territoriale pour le maritime et l’aérien, est passée de 187 à 220 millions d’euros. Le dispositif reste en vigueur aujourd’hui dans le cadre de ce qu’on appelle des DSP (délégations de service public). La DSP est un contrat par lequel une personne morale de droit public (dans le cas présent la Collectivité de Corse,n.d.l.r) confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé. Elle est mise en œuvre si aucun transporteur communautaire, c'est-à-dire un transporteur titulaire d'une licence d'exploitation délivrée par un État membre de l'Union européenne, ne fait connaître sa décision d'exploiter une liaison. Cela se fait à partir d’une procédure d'appel d'offres qui aboutira à la concession à une délégataire du droit d'exploiter cette liaison. Cette concession est valable pour une période de quatre ans en exclusivité. Une compensation financière puisée dans l’enveloppe de continuité territoriale est versée au transporteur s’il ne peut couvrir le coût du service avec la tarification appliquée à l’usager.
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