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Dérive mafieuse : la Corse entre palabres incessantes et réalités concrètes

La tentation de la palabre sans fin

Dérive mafieuse : la Corse entre palabres incessantes et réalités concrètes


Quand on se plonge dans les archives de la Corse, on est stupéfait de constater notre capacité quasiment illimitée à palabrer. C’est d’ailleurs là un tropisme très latin. On cause, on cause et on finit par noyer la cause de la causerie sous un océan de paroles.


Des commissions, encore des commissions


Cinq mois après le début des discussions sur les dérives mafieuses de notre île au sein d’ateliers, un rapport est tombé. Il commence par honorer celles et ceux qui ont participé aux ateliers, la qualité des échanges, la capacité des participants à « collectivement contribuer à la libération de la parole, à la confrontation des points de vue. » On l’aura compris, l’auto-administration de la pommade à reluire n’est jamais aussi bien appliquée que par soi-même. On ne saura jamais ce qui a provoqué un tel élan d’auto satisfaction. D’autant que le rapport note avec acrimonie que les « autorités compétentes » entendons la préfecture, la JIRS, le ministère de l’Intérieur, ont été totalement absentes de la réflexion et n’ont fourni aucun élément propre à approfondir la réflexion. Franchement, on finit par se demander ce qui a occupé ces cinq mois de palabres sans matériel pour appuyer les dires et les propositions des uns et des autres. Car enfin les positions des uns et des autres avaient déjà été largement publiées dans la presse. 35 réunions et 14 auditions : il a dû s’en dire des choses sur la drogue, l’éthique, le droit, les libertés, etc. D’éminents professeurs de droit ont été entendus, un ancien juge d’instruction.
Tout cela est fort honorable. Mais est-ce bien la voie à suivre. On le sait par expérience : on multipliant les ouvertures sur un sujet donné on finit par le noyer. Pourquoi la CTC ne demande-t-elle pas un audit sur les marchés publics passés depuis qu’elle est arrivée au poste de commande ? Ne serait-ce que pour purger la machine à rumeurs. Jean-Toussaint Plasenzotti dit avoir une idée assez précise sur les bandes qui ont participé à l’assassinat de Massimu Susini. Il affirme avoir demandé à être entendu par un magistrat instructeur sans avoir reçu de réponses. Il faut donc mettre sur la table le silence et l’apathie supposés du corps répressif.

Des interrogations pertinentes


Il existe en Corse deux collectifs antimafia. Celui qui se fait le plus et le mieux entendre est celui de Plasenzotti. Même s’il peine comme l’autre à dénoncer des situations précises et concrètes — ce qui leur donnerait une véritable crédibilité — le collectif Massimu Susini n’hésite pas à poser de vraies questions. Lors d’une émission, le porte-parole du collectif Massimu Susini a fait également part de son inquiétude concernant l’évolution institutionnelle de l’île qui pourrait la conduire à une autonomie. « L’émergence du système mafieux en Corse a essentiellement deux causes : la décentralisation, qui a donné plus de pouvoir aux élus locaux. Les mafieux ont donc décidé de pratiquer leur sale métier ici plutôt qu’ailleurs et la deuxième chose, c’est le désengagement de l’État dans tout ce qui faisait l’État providence. Les élus ont un rôle très, très important. Nous, nous souhaitons travailler avec eux, nous voulons qu’ils prennent conscience qu’une autonomie sans avoir préalablement réglé le problème de la mafia va créer une situation incontrôlable en Corse. » Plasenzotti se trompe sur deux points mineurs : les mafieux sont partout et pas simplement en Corse. Le huitième arrondissement de Paris est le lieu privilégié de blanchiment de l’argent. Monaco, la Côte d’Azur sont régulièrement désignés comme des places mafieuses, tout comme Marseille, Grenoble, etc. La deuxième erreur consiste à croire que ça serait le statut Defferre qui aurait favorisé une implantation mafieuse insulaire. Non ce qui a fixé nos voyous sur place c’est l’apport de l’argent touristique et la crise économique qui a favorisé une mutation de la voyoucratie notamment à Marseille. Aujourd’hui les circuits rentables notamment ceux de la drogue, sont aux mains des « quartiers ». Mais Plasenzotti a raison de craindre une autonomie non maîtrisée. C’est l’autonomie sicilienne qui a redonné de la vie à Cosa nostra. Et c’est peut-être le sujet majeur à discuter ou plutôt comme se prémunir de ce danger extrême.

La tentation de la palabre sans fin


Ce qui peut être reproché à la majorité nationaliste c’est de palabrer sans jamais réellement trancher. Or le danger de la gangrène mafieuse est telle aujourd’hui avec l’immobilier qu’il est temps d’impliquer la population dans le combat, mais aussi de travailler avec les autorités régaliennes. Sans un tel attelage, dans vingt ans, il y aura encore des commissions, des rapports et des déclarations d’intention sans conséquence concrètes.

GXC
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