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Théatre du Commun << Vie de Jean Nicoli >>

Le Théatre du Commun de Noël Casale présente le 18 novembre à la bibliotèque centrale << Vie de jean Nicoli >>

Théâtre du Commun « Vie de Jean Nicoli »



Après une grande tournée d’été et d’automne Le Théâtre du Commun de Noël Casaleprésente à Bastia, le 18 novembre à la bibliothèque centrale, « Vie de Jean Nicoli », une pièce qu’il a écrit et mis en scène. Une pièce rappel opportun en un temps où le décervelage va bon train.




Le texte restitue les étapes marquantes du destin de Jean Nicoli, comme enseignant, comme résistant, comme acteur de la Libération de la Corse même si sa fin est intervenue quelques jours avant l’insurrection. La mise en scène est extrêmement épurée. Seule dans l’espace scénique la comédienne interprétant la femme de Nicoli. Tout repose sur ses épaules. C’est elle qui fait le récit de la trajectoire de son mari. C’est elle qui retrace son cheminement conduisant à sa prise de conscience politique.

Patrizia Poli incarne l’épouse de Jean Nicoli. Son jeu, son ton peuvent avoir des accents de passion, de tristesse tout en étant d’une grande sobriété. L’histoire commence par cet horrible jour du 30 août 1943 où son mari est mis à mort. Martyrisé. Décapité. Sa tête placée par ses bourreaux entre ses pieds. Liquidation. Assassinat insoutenable pour elle, pour sa fille, Francette qui a tout fait pour sauver son père jusqu’au bout.

Jeanne, telle est le prénom de la femme du résistant nous entraine dans leur village confit dans des querelles électorales ridicules et pesantes à ce mois de novembre 1942 où les fascistes italiens occupent la Corse : 80 000 soldats du Duce alors que l’île compte 200 000 habitants. Elle n’oublie pas bien sûr leur séjour au Soudan français, actuel Mali… C’est là, dans cette colonie, qu’il touche du doigt qu’« un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre » selon la formule de Marx. Il va se mettre aux services de ces Africains en écrivant des lettres au gouverneur réclamant justice pour ces hommes qui n’en peuvent plus du travail forcé, de ce coton dont on leur demande sans cesse d’accroitre le rendement. A ce stade la figure de Jean Nicoli prend une singulière aura. Ne fait-il pas aussi un rapprochement subtil avec la situation en Corse engluée dans les pratiques malsaines du clanisme !

En 1940 lorsqu’il s’implique dans la lutte contre le fascisme, il est à la fois responsable militaire et politique en restant homme de culture qui sait la beauté d’écrire et qui espère des horizons neufs capables de transformer la société.

A la fin du spectacle Noël Casale vient lire trois de ses lettres écrites pour ses enfants avant son exécution.
Un spectacle superbe et bouleversant.

Michèle Acquaviva-Pache

Représentation à 14 heures 30 à la bibliothèque bastiaise.

Rome l’hiver
Cette pièce de Noël Casale est une adaptation du livre de Ranuccio Bianchi Bandinelli qui rapporte comment, éminent spécialiste d’at antique, on lui a demandé de guider Hitler et Mussolini dans musées et monuments de Rome et Florence, en 1938. Ce spectacle constitue presqu’un dytique avec « Vie de Jean Nicoli ». Noël Casal tourne d’ailleurs cette pièce en alternance avec l’histoire du résistant.

Représentations prévues en janvier au musée de Bastia, en février à la bibliothèque centrale bastiaise.




Entretien avec Noël Casale


Pourquoi une deuxième version de « Vie de Jean Nicoli » ? Quelles sont ses caractéristiques par rapport à celle de 2012 – 2013 ?
Cette reprise de « Vie de Jean Nicoli » est une proposition pour commémorer le 80 è anniversaire de la Libération de la Corse. Cette version 2023 est interprétée par une actrice nouvelle dans une mise en scène différente. C’est un témoignage documentaire minimaliste puisque le décor comprend un banc et deux lampes. La relation entre l’interprète et le public est directe. Dans la première version le décor était constitué d’une estrade de bois brut qui formait un angle droit. La comédienne de l’époque circulait dans ce dispositif en sa parlant à haute voix ou en s’adressant aux spectateurs.


Cette reprise n’est-ce pas aussi parce que l’influence du Rassemblement national est sans cesse grandissante ?
Dans cette version la comédienne seule en scène travaille le texte. Elle le lit. Elle le dit. Elle le joue. Avec ce texte mon idée est de rappeler 1943 en voyant les événements d’alors avec les yeux de 2023 et inversement… Les résistants de 1943 rêvaient d’une autre société que celle qu’ils avaient connue entre les deux guerres, entre 1918 et 1939. 80 ans plus tard où est le souci d’une société plus juste, plus égalitaire ? Aujourd’hui c’est le cauchemar des Thatcher et Reagan qui débouche sur une économie libérale, voie ouverte à un nouveau type de fascisme.


Diriez-vous que nous sommes n danger ?
Certainement et on doit en avoir peur, d’autant plus que la haine augmente partout. Il est particulièrement intéressant de se référer à Pasolini qui écrivait en 1975 que le fascisme qui opprimait, qui réprimait c’était de la préhistoire, car la société de consommation développe un fascisme qui nous anesthésie, qui fait de nous des somnambules.


Cette « Vie de Jean Nicoli » comment en avez-vous écrit le texte ?
Je suis d’une vieille famille bastiaise prolétaire et communiste. J’ai toujours entendu parler chez moi de Jean Nicoli comme résistant. Dans les années 2000 j’ai découvert son « Journal intime » où il évoquait le Soudan français, où il a enseigné à partir de 1925. Là, très vite ses illusions républicaines n’ont pas résisté à la réalité coloniale. Il a pris conscience que son enseignement était en inadéquation avec l’environnement culturel de ses élèves et qu’il aurait été préférable de leur enseigner des connaissances en langue locale. Cela l’a fait réfléchir sur l’instruction en Corse et sur l’usage de la langue corse. Il a pris fait et cause pour les colonisés. A son retour en France, en 1935, il a adhéré à la SFIO puis en 1940, quand il est rentré en Corse, il a opté pour le parti communiste. Tout de suite il a créé les premiers réseaux de résistance. C’est cette métamorphose de Jean Nicoli qui me fascine.


On dit que Jean Nicoli a beaucoup écrit…
Sur la politique, sur la philosophie, sur ses lectures : Romain Rolland, Joyce, Spinoza.


Pour quelles raisons votre pièce ne suit pas un récit chronologique ?
Godard a toujours dit qu’une histoire a un début, un milieu et une fin mais qu’on n’est pas obligé de la raconter chronologiquement !... On n’est pas forcé de suivre l’ordre des événements.


Quelle importance a eu sur Jean Nicoli son séjour en Afrique ?
La part d’Afrique de Jean Nicoli est déterminante. Sans l’Afrique il n’aurait pas été Jean Nicoli, le militant, le résistant, le politique qu’il est devenu. Pour clore le spectacle je lis trois lettres qu’il a écrites avant sa mort. Elles sont révélatrices… Je note que son « Journal intime » a d’abord été édité à Bamako par les éditions, « Donnya », en 1992 grâce à Francis Arzalier, puis par les éditions, « Albiana ».


Pourquoi le choix de Patrizia Poli pour incarner Jeanne ?
Je la connaissais comme chanteuse. Je l’admire comme femme, comédienne, artiste. Elle a adoré le texte de « Vie de Jean Nicoli » et le restitue avec sensibilité et intelligence. Lors de la mise au point du spectacle je l’ai accompagné. J’ai fait des propositions et elle également.


Que pensait de son village Jean Nicoli depuis l’Afrique ?
Dans ses écrits il voyait la politique corse telle une farce violente. De son village il a écrit que c’était un mauvais théâtre clientéliste.


Avez-vous rencontré Francette, la fille du résistant qui s’est tant démenée pour lui éviter la mort ?
Elle m’a beaucoup aidé. Son témoignage je l’ai filmé et enregistré. Le texte du livre que j’ai écrit sur son père lui est dédié. Elle lui a consacré sa vie à sa mémoire.


Vous évoqué un gradé italien qui aurait assuré qu’il ferait évader Jean Nicoli… et qui ne l’a pas fait…
Il y a eu plusieurs scénarios d’une possible évasion par la résistance qui n’ont abouti à rien… A la fin le colonel Cagnioni aurait proposé de prendre les choses en mains, sans résultat…

Propos recueillis par M.A-P









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