"Napoléon" de Ridley Scott passé au crible
Fiction éloignée de la réalité, film à grand spectacle, analyse de spécialistes.......
« Napoléon » de Ridley Scott passé au crible
Moins de deux semaines après sa sortie dans les salles, le film de Ridley Scott consacré à l’Empereur, ne cesse d’alimenter les chroniques. Fiction éloignée de la réalité, film à grand spectacle, analyse de spécialistes…
Très attendu depuis son annonce et les BO qui se sont succédé, le « Napoléon » de Ridley Scott est sorti dans les salles le 22 novembre dernier. Depuis, il est au centre de toutes les conversations et plus particulièrement en Corse et à Ajaccio, terre natale de l’Empereur. De fait, le biopic consacré à Bonaparte, d’une durée, dans sa version courte, de deux heures quarante, relate un peu plus de vingt cinq ans de sa vie, marqué par ses temps forts , du siège de Toulon à l’exil à Saint-Hélène passant par le coup d’État du 18 brumaire, le Consulat, le sacre, les campagnes d’Egypte et de Russie, l’exil sur l’île d’Elbe et les batailles d’Austerlitz et de Waterloo. Avec, en guise de fil rouge, l’histoire d’amour qui lie Napoléon à Joséphine. Deux heures quarante pour évoquer les 27 ans qui ont jalonné l’ascension et le déclin de l’Empereur, un exercice bien difficile. D’autant que les scènes relatives à ces périodes se succèdent à la Vitesse grand V. Le réalisateur parvient tout de même, grâce notamment aux moments forts que constituent le siège de Toulon et les deux batailles d’Austerlitz et de Waterloo, à tenir le spectateur en haleine. Mais il se donne la liberté (trop?) de relater une fiction qui s’éloigne souvent de la réalité.
Un film à découvrir
« Ce film n’est pas le chef d’oeuvre attendu, commente Philippe Perfettini, animateur du patrimoine et directeur des collections napoléoniennes de la Ville d’Ajaccio, mais ça se regarde. Le parti pris de faire de Joséphine l’héroïne du film est osé. Ça me va ! Phoenix est trop vieux pour jouer un général de 26 ans mais il est au top pour tout ce qui concerne l’âge mûr de Napoléon ! On se perd beaucoup entre les réalités historiques et les interprétations symboliques. Je suis resté sur ma faim et le film est beaucoup trop court pour évoquer ces périodes. Ceci étant, c’est bien mieux que tout ce que j’ai vu jusqu’ici et je vais y retourner en attendant la version longue. »
Un sentiment partagé, dans son ensemble par Olivier Bianconi, ancien responsable du patrimoine au Pays de Balagna. «Un film n’est pas un documentaire, c’est une œuvre artistique qui, si elle s’inspire de l’histoire, s’autorise légitimement des romances et Scott a pris le parti de livrer un récit infidèle à la réalité pour en servir le narratif fantasmé. Mais le film est beaucoup trop court, malgré son rythme soutenu, pour dérouler un tel parcours. On survole les chapitres de la vie de Napoléon sans en pénétrer les intrigues ni en comprendre la véritable vision. Cela manque d’énergie, de charme, de doute, de fougue et de nuance.. je n’ai pas ressenti le souffle épique qui caractérise l’ascension du petit ajaccien. Il reste toutefois la grandeur de la réalisation à travers les décors, costumes et la photographie...Un film à découvrir avant de voir la version longue. »
« Dans une fiction, il n’est pas interdit de malmener l’histoire »
Pour Xavier Afre, enseignant et spécialiste en matière de septième art, « Napoléon » n’est ni un chef d’oeuvre, ni un grand film mais pas non plus un mauvais film.C’est une fiction et il n’est pas interdit de malmener l’histoire au cinéma. La mise en scène est réussie et si la première partie me semble trop heurtée, le reste est loin d’être inintéressant. Quant à l’aspect central, il est articulé autour de l’histoire entre Napoléon et Joséphine. Au final, il est légitime de se poser la question de la pertinence d’une nouvelle adaptation à l’écran de la vie de l’Empereur, mais j’ai pris du plaisir à voir ce film. Ce n’est certes pas un sommet mais cette œuvre possède sans doute suffisamment de qualités pour intriguer et divertir... »
On retiendra, en guise de lien avec la Corse, les somptueux chants interprétés par Marcel Peres, Laurent Barbolosi, Jérôme Casalonga, Claude Bellagamba et Jean-Etienne Lengiani, de l’ensemble Organum, dont un kyrie eleison issu d’un vieux manuscrit franciscain. Pour le reste, un film à voir afin de se faire sa propre opinion.
Philippe Peraut