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Il est minuit moins le quart dans le siècle pour la planète

<< transitionner hors des énergies fossiles >>

Il est minuit moins le quart dans le siècle pour la planète


Après deux semaines de pourparlers et une dernière nuit d’intenses négociations, les délégations de tous les pays du monde réunies à Dubaï se sont mises d’accord mercredi 13 décembre sur un texte appelant à « transitionner hors des énergies fossiles ». Une première. On peut s’en réjouir, mais aujourd’hui la question ne se pose plus en termes d’éloignement comme si nous pouvions arrêter l’horloge du dérèglement climatique, mais bien en termes de rupture. Or la crise climatique est au cœur de toutes les autres crises — sociale, économique, politique, migratoire — et toute aggravation de cette crise première induit l’aggravation de toutes les autres.

Accord de Dubaï : un premier pas… peut-être mais…


L’accord de Dubaï ne parle pas de « sortie » des énergies fossiles à proprement parler, comme le souhaitaient les représentants de nombreux pays. Mais se réjouissent les optimistes comme François Gemenne du GIEC, l’idée d’un abandon de ces combustibles « dans les systèmes énergétiques » qui devrait se faire de « manière juste, ordonnée et équitable », est bien présente dans le texte. « Le monde » serait donc bel et bien décidé à agir pour sortir des énergies fossiles. Qu’en des termes délicats cela est dit. Traduisons la parole des puissants : nous sommes ici par la volonté du profit et nous n’en sortirons que par la force des catastrophes. L’accord de Dubaï constitue peut-être un premier pas, mais un premier pas vers quoi. Sans leur traduction en actes, les paroles restent des paroles c’est-à-dire du vent. Il y a beaucoup de chances pour que les différents pays accélèrent la marche à décarbonatation tout simple par le cycle des crises va les obliger à accélérer la réponse aux dérèglements climatiques.

Un enchaînement de crises


Qu’est-ce traduit la crise climatique ? D’abord la folie humaine qui pense la terre comme un marché infini et subit désormais ce que Marx appelait la péréquation tendancielle des taux de profit. La concurrence planétaire crée un effet centripète. Pour vendre, les différents marchés doivent baisser leur prix. Mais qui dit baisser les prix oblige à baisser les salaires pour une immense majorité de produits à faible valeur ajoutée. Ajoutons à cela un contexte marqué par la hausse des carburants donc des prix de transformation et de transports et nous voilà pris entre les mâchoires d’une tenaille sans pitié. Le monde du travail se transforme peu à peu en un gigantesque marché aux esclaves dont profite encore largement le monde occidental. Vêtements fabriqués par des enfants esclaves en Inde, au Bangladesh, au Pakistan, par des Ouïghours détenus dans d’immenses camps de concentration. Mais ces faibles salaires détruisent des millions d’emplois dans les pays industrialisés. Désormais de façon caricaturale, une grande partie du prolétariat se trouve en Afrique et en Asie tandis que les consommateurs vivent en Occident. La situation est lourde d’une crise économique majeure.

Nous vivons dans une bulle spéculative


Nous vivons de plus en plus à crédit. Or les dettes cumulées des pays du monde fabriquent une gigantesque bulle que le système va se charger de crever un jour ou l’autre. Mais déjà la crise est là qui touche essentiellement les secteurs les plus pauvres et les plus fragiles de nos sociétés. Elles se traduisent par des révoltes comme les Gilets jaunes ou encore une montée d’une extrême droite qui jugent les immigrés responsables de tous nos maux. Là encore c’est une illusion profonde. Nous sommes tous responsables des plus pauvres aux plus riches, nous qui sommes boulimiques de consommation, qui cherchons à avoir le beurre et l’argent du beurre, la conservation de notre bien-être sans vouloir sacrifier quoi que ce soit. Aujourd’hui l’écologie n’est envisagée que sous un aspect punitif. Nos dirigeants ne savent pas comment annoncer qu’il va falloir consentir des sacrifices toujours plus grands. Mais surtout ils refusent d’adresser au plus riche un message de partage nécessaire. Comment concilier une économie qui serve les intérêts de tous et avancer dans le combat contre le désordre climatique ?

De démocraties en démocratures


Qu’on le veuille ou non, les hommes doivent avoir conscience des dangers à venir, mais aussi avoir le courage de trancher pour décider. S’ils se placent du côté des puissants, il va leur falloir diriger brutalement pour imposer à la masse des mesures qui enfonceront les plus pauvres un peu plus dans la misère. S’ils sont justes et voient loin, il leur faudra convaincre les plus riches d’abandonner certains de leurs privilèges. En attendant, la démocratie perd du terrain au profit des démocratures, système bâtard aux allures de démocraties, mais fonctionnant comme des apprenties dictatures. Nul ne peut dire ce qui va advenir en 2024 si par exemple Trump l’emportant précipitant une défaite de l’Ukraine. Mais il faut s’y préparer. Il est minuit moins le quart dans le siècle. Qui sait comment arrêter la marche folle de l’humanité ?

GXC
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