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Rétrospective d'une année en suspend

L'année 2023 aura été une année d'attente, .....

Rétrospective d’une année en suspend

L’année 2023 aura été une année d’attente, de propositions et de suppositions, mais certainement pas une année d’actions.




En attendant l’inaccessible autonomie



Le feuilleton « une autonomie pour la Corse » finit par ressembler à une série télévisée un peu ratée. L’année 2023 n’aura pas fondamentalement changé la donne quand bien même la majorité nationaliste a cru percevoir dans l’attitude du ministre de l’Intérieur et la venue de députés membres de la Commission des lois, un frémissement positif. Où en sommes-nous alors que 2024 sonne à notre porte ? Gérald Darmanin et sa petite troupe de technocrates ont vraisemblablement finalisé un projet qui pourra bouger à la marge. Il ressemblera à celui vaguement dessiné par le député Laurent Marcangeli : une amélioration homéopathique du statut actuel avec tout de même un petit pouvoir normatif afin de donner le sentiment que le centralisme français a frémi. Rien de plus, rien de moins. Puis la petite fenêtre de tir va se refermer et il faudra bien faire avec.


Une politique sans changement majeur



Le mouvement nationaliste a bouleversé la donne politique en Corse. Mais il n’a guère montré plus d’efficacité que les clans. Quand il était uni, les années passées à la tête de la région n’ont guère été époustouflantes. Puis Femu a Corsica a entamé un règne en solitaire. En 2023, les indépendantistes ont conservé leur bipartisme. Petit changement dont l’avenir dira s’il est anecdotique ou pas : Corsica libera a effectué une mutation qui l’a projeté quarante ans en arrière en se transformant en la Chjama patriotta, solidaire d’un FLNC ressuscité et appelant à revenir aux fondamentaux du livre blanc du FLNC uni des années quatre-vingts. Car l’année 2023 aura été celle d’un retour de flamme exercé d’abord par des jeunes clandestins de la GCC (Ghjuventù clandestina corsa) puis d’une reprise en main d’un FLNC qui n’en finit pas de mourir et de renaître à la façon d’un Christ cagoulé.

Concernant les partis traditionnels, eh bien on agonise en gémissant. La gauche n’existe quasiment plus. C’est à peine si parfois les radicaux de gauche font parfois entendre leur murmure. Le Parti communiste ne vaut guère mieux. Quant au PS, il n’est plus qu’un râle. Une partie de la droite parle à l’unisson avec le parti présidentiel et l’autre cherche tout simplement à ne pas mourir. Les différentes factions nationalistes occupent désormais la place laissée vacante par les anciens clans avec cependant quelques outsiders qui pourraient bien étonner le petit monde insulaire : Cor'in fronte, mouvement indépendantiste raisonnable et surtout extrêmement militant et Palatinu, positionné à l’extrême droite comme nationaliste autonomiste, chrétien et défenseur de l’Occident. Néanmoins, au-delà des étiquettes, il ne fait aucun doute qu’en 2023, de nombreux citoyens se sont lassé d’une politique impuissante à changer leur quotidien et pourraient bien se tourner vers des organisations plus pragmatiques et donc plus efficaces, au-delà des frontières idéologiques traditionnelles.


Tout va très bien, Madame la Marquise sauf que…



La majorité va être obligée de faire bonne figure tout simplement parce qu’elle n’aura pas le choix. Mais quand on regarde le bilan de l’année 2023, on n’y voit que « que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie » comme dans le conte de Charles Perrault « La Barbe bleue ». Aucun des problèmes essentiels qui plombent la Corse n’a été franchement résolu. On procrastine dans le domaine des déchets. On s’avance à pas feutrés vers la solution incinérateur. Mais ça n’est pas un oui enthousiaste. C’est une solution par défaut. Et puis de la parole à la décision, la route et longue. Et de la décision à la mise en pratique, nous parlons là d’une dimension cosmique. Rappelons-nous les cheminées du Vazzio qui presque un quart de siècle après leur démolition programmée, continuent de défier le pays ajaccien. Et le serpent de mer du port de la Carbonite à Bastia… Nous sommes le pays des rêveurs éveillés. Nous imaginons et Dieu sait si notre imagination est fertile. Mais quand nous nous trouvons au pied du mur, nous repoussons les échéances jusqu’à ce que la réalité s’impose à nous. Pour ce qui concerne l’énergie, nous restons au milieu du gué. Il paraît que le Vazzio va être remplacé par une nouvelle centrale qui se situerait au Ricanto. C’est ce qu’on dit. Et il s’est trouvé une palanquée de ministres pour, la bouche en cœur, nous assurer que c’était comme si c’était fait. Oui, mais encore faudrait-il donner le premier coup de pioche sur le site indiqué. Faute de quoi, comme pour le GALSI, il y a peu de chances que la nouvelle centrale s’élève de terre par la volonté du Saint-Esprit. En définitive, il n'y aura que la chaleur qui aura augmenté puisque 2023 aura été l'année la plus chaude jamais enregistrée pour la planète et donc pour la Corse.


Des transports bien malades



Nous sommes une île. Contre cela nous ne pouvons rien même si le regretté Toussaint Luciani avait proposé de construire un pont entre la Corse et la Sardaigne pour unir nos deux solitudes. Or pour une île les transports sont essentiels. Côté maritime, Corsica Ferries trace sa route toute seule tandis que Corsica Linea ne fonctionne que grâce à la DSP qui lui revient quasiment de droit avec tout de même une petite part du gâteau pour la Méridionale. Fidèle à sa ligne de conduite, Corsica Ferries a attaqué en 2023 la DSP maritime 2023-2029. En septembre 2021, au terme de plusieurs années de contentieux, la CdC était condamnée à verser à la Corsica Ferries, une indemnité record de 96 millions d’euros pour le préjudice commercial subi par cette dernière dans le cadre de la DSP 2007-2013. L’État avait accepté de mettre la main à la poche. Mais depuis les conditions générales ont changé et une nouvelle amende pourrait mettre à tapis tout le système d’aide au maritime, mais aussi à l’aérien. Parlons de l’aérien. Air Corsica, aux prises avec Volotea, a remporté cette année le bord à bord. Pour ce qui concerne la liaison avec Paris, la situation est plus difficile. Jusqu’en 2027 pas de problème. Mais après, il y a de fortes chances qu’Air France se désengage. Air Corsica est une excellente compagnie d’aviation, mais elle a vécu sur la rente publique. Elle est forte — obèse devrait-on écrire — de ses huit cents employés. Des choix douloureux vont devoir être faits. Le personnel, grand perdant de l’affaire, se mobilise en cette fin d’année 2023. Mais un conflit social majeur point à l’horizon.


Une population toujours plus nombreuse, mais vieillissante



2023 n’a fait que confirmer l’apport démographique de nouveaux venus dans notre belle île. Une partie est composée de jeunes couples avec enfant ce qui a le don de rajeunir une population toujours plus vieillissante. Une autre partie est celle de retraités aisés qui, par souci de sécurité et peut-être à la recherche d’un climat plus clément, achètent des appartements sur le littoral contribuant à la fièvre spéculative qui touche notre région. 2023 aura été l’année de douloureuses prises de conscience. 2022, l’année post Covid, avait été fructueuse. 2023 n’a pas été plus mauvaise en apparence. Mais le public touristique est plus économe. Il se loge dans des locations parfois non déclarées constituant ainsi une redoutable concurrence pour des professionnels qui paient taxes et impôts. De surcroît, en 2023, année record pour les constructions, a été celle d’une augmentation drastique des prix de l’immobilier, réduisant les possibilités de se loger pour les foyers les plus modestes.


Une économie en difficulté



Car, il faut bien le reconnaître, ce qui préoccupe principalement les Corses n’est pas l’autonomie, mais la vie quotidienne, la cherté de la vie qui s’est affirmée en 2023, l’impossibilité pour une grande partie de la population de se loger et la question de l’emploi. Car si la Corse est bien placée dans le peloton de tête des régions françaises, les salaires restent dérisoires dans la plupart des métiers en souffrance. De plus, à l’instar d’une jeunesse qui a du mal à s’inscrire dans le futur, les jeunes Corses choisissent souvent ce qu’on pourrait appeler « la démerde » plutôt que rechercher comme avant la sûreté de l’emploi. Ajoutons que le phénomène de la drogue a pris dans la période post Covid, une ampleur qu’il est difficile d’occulter ne serait-ce qu’à cause des réussites de la répression. La Corse fonctionne de plus en plus à deux vitesses : la première est celle d’une population aisée capable de supporter l’inflation et l’autre qui compose la majorité tire le diable par la queue. C’est particulièrement visible dans le domaine de la santé où les dépassements d’honoraires sont devenus monnaie courante rabattant les patients vers le secteur public. À quand un nouvel hôpital à Bastia ? Là encore procrastination, mais étatique cette fois-ci.


Une page de notre histoire qui se tourne



En 2023, trois grandes figures de l’histoire moderne de la Corse nous ont quittés. Max Simeoni, un des pères du nationalisme, vraisemblablement le plus lucide, est décédé le 9 septembre de cette année. Charles Santoni, fondateur du FRC qui perpétua l’aile gauche du nationalisme, s’en est allé le 11 novembre. Il a été suivi de près par le flamboyant Marie Jean Vinciguerra qui n’était certes pas nationaliste, mais qui a incarné pour partie ce demi-siècle qui a transformé notre île. Avec eux trois, c’est vraiment la page de l’après-guerre ouverte dans les années soixante avec la décolonisation de l’Algérie qui se referme. 2023, année d’expectative s’achève avec une Corse hésitante pour aborder l’année 2024 qui, sans aucun doute, va être celle des choix. Il y a eu tout de même eu cette nouvelle revigorante en 2023 : l'evêque de Corse, Mgr Bustillo, a été créé cardinal par le Pape François suscitant un engoument tout à fait remarquable parmi les Corses. Peut-être le signe d'un renouveau.


GXC
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