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Le magazine, « Mémoire courte »de Luc Mondoloni nous conte le 2 è enfer de deux mutilés corses survivant de ce que l’on nomme la grande guerre. Charles Mondoloni et Georges Ferracci sont affectés après l’armistice au phare de la Pointe du Raz. Une reconve

« Mémoire courte » sur Via Stella


Le 2e enfer de mutilés corses


Le magazine, « Mémoire courte »de Luc Mondoloni nous conte le 2 è enfer de deux mutilés corses survivant de ce que l’on nomme la grande guerre. Charles Mondoloni et Georges Ferracci sont affectés après l’armistice au phare de la Pointe du Raz. Une reconversion sous la houlette de l’administration française.




Charles et Georges portent des séquelles de graves blessures qui les ont frappés au front. Affirmer, qu’ils sont en mesure d’affronter une réalité à laquelle rien ne les a préparés, relèverait de l’ineptie. 120 marches à monter. Un phare à faire fonctionner. L’humidité constante de l’endroit qui réveille leurs douleurs. L’immensité de l’océan qui les oppresse, eux les terriens, les cultivateurs de leur île de soleil. Déphasés Charles et Georges, désorientés dans une mer hurlante bien loin de leur Méditerranée, pas toujours calme mais bienveillante en fin de compte.



La Pointe du Raz battue par les tempêtes et plongée dans un isolement mortel. La Pointe du Raz et son spectacle de fureur… Qui a eu l’idée stupide de cette transplantation ? Sans doute quelque bureaucrate appartenant à l’administration en charge de l’obligation de reconvertir à la vie civile des hommes marqués dans leur chair au front. De paysans insulaires mutilés en gardiens de phare il faut oser ! Ça mérite un premier prix d’imbécilité !

Charles et Georges au beau milieu de nulle part. Charles et Georges perdus dans les éléments déchaînés, promis à l’épuisement. Charles et Georges…

Au fil du documentaire proposé par Luc Mondoloni – aucun lien de parenté avec Charles – interviennent des experts pour illustrer l’histoire des deux mutilés corses. Ainsi Olivier Chasle, breton, auteur en son temps d’un film sur ce thème. Le psychiatre, Richard Rechtmann, évoque les traumatismes de l’âme que subissent fréquemment ceux qu’on appelait des gueules cassés. L’historien, Sébastien Ottavi, souligne que 8335 hommes reviennent mutilés en Corse, un nombre proportionnément énorme si on le compare au continent. Michel Vergé-Franceschi explique combien les naufrages de bateaux pouvaient être profitables aux habitants des rivages qui glanaient tout ce que les flots n’avaient pas engloutis. Réflexion ironique loin des images d’Epinal voulant qu’ils apparaissent en sauveteurs endeuillés.

Charles Mondoloni finit par obtenir un job à terre : facteur à vélo. Mais d’un retour en Corse pas question. La raison ? Ses prairies, son bétail on les lui a volés ! Pourquoi ces usurpations ? On lui aurait reproché d’être resté trop longtemps absent… Certes il incarne une figure héroïque mais on préfère qu’elle se fige dans le symbolique, non qu’elle s’ancre dans la réalité !

Michèle Acquaviva-Pache

Si vous avez rater la première diffusion de l’émission vous pouvez la découvrir en replay.

                            ENTRETIEN AVEC LUC MONDOLONI


« Mémoire courte est une émission mensuelle. Qu’est ce qui en a déclenché le déclic chez vous ?
C’est très simple : lors d’une réunion de famille un de mes oncles a mentionné l’attentat survenu à l’aéroport d’Ajaccio au moment de l’arrivée de Giscard pour une visite officielle sur l’île, en 1981. Mon oncle était présent. Soudain il entend une énorme explosion qui fait un tué et un blessé. Voilà qui m’a donné le déclic. Cet événement je n’en avais pas gardé le souvenir et bon nombre de mes parents non plus. Je me suis posé la question : pourquoi la mémoire collective retient-elle certaines choses qui ont marqué en leur temps et en oublie d’autres ? Le journaliste, Paul Amar, qui couvrait la visite pour la télévision l’avait aussi rayé de sa mémoire !... L’idée du concept de l’émission a germé à cet instant.

Les thèmes à venir de « Mémoire courte » ?
En mars nous allons consacrer une émission à Colette Ménard, qui est la première femme à être condamnée en 1980 pour appartenance au FLNC. A travers son histoire c’est la place des femmes au Front de libération national corse que nous interrogerons. En mai nous évoquerons le putsch de 1958 à Alger qui avait pour objectif de remettre de Gaulle au pouvoir et les répercussions de cette affaire sur la Corse où des parachutistes avaient fait pratiquement sécession… Ce sera pour nous l’occasion de rappeler ce que le général de Gaulle doit à l’île.

Vos émissions balayent-elles un passé proche ou un passé lointain ?
Nous nous attachons à trouver des idées tout au long du XX è siècle mais également antérieurement. Nous avons consacré une émission à Paoli et au vote des femmes, qui est trop souvent relaté de façon simpliste et même erroné puisque ne pouvait alors voter que les femmes devenues cheffes de famille en remplacement d’un époux décédé.

Sur quels critères choisissez-vous vos intervenants parmi lesquels il y a beaucoup d’historiens ?
Sur leur légitimité à s’exprimer sur tel ou tel sujet. Je remarque qu’actuellement il y a peu de professeurs d’histoire contemporaine en Corse et qu’il est donc difficile d’en trouver. Je cherche aussi des profils spécialisés dans tel ou tel domaine. Ainsi le psychiatre, Richard Rechtmann qui a une bonne connaissance des traumatismes psychiques affectant les militaires. Pour l’émission sur Colette Ménard nous nous tournerons vers des militantes et des féministes. Une professeure de philosophie sera également partie prenante de l’émission.

Trouver la matière d’une émission vous pose-t-elle beaucoup de difficultés ?
Il faut être attentif. Un sujet peut surgir au cours d’une conversation ou par l’entremise d’un ami. Quant à moi l’histoire est mon quotidien puisqu’à l’origine je suis historien. Cette saison nous avons traité de l’attentat à l’aéroport d’Ajaccio, des femmes tondues à la Libération (il y a eu 200). En juin nous aborderons l’histoire des trois Corses intégrés au Commando Kieffer qui participèrent au débarquement de Normandie. Ce commando a été passé à la trappe pour des raisons politiques : de Gaulle n’aimant pas qu’on mette en avant le rôle des alliés en 1944. C’est seulement en 1984 qu’on a redonné toute leur place aux hommes du comandant Kieffer !

Dur de repérer des documents iconographiques concernant votre émission ?
C’est plus ou moins facile. Nous allons sur le site de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) qui sauvegarde et archive tout ce qui touche à l’audiovisuel en France. Le hic ? S’adresser à cet institut coûte cher… en outre son site n’est pas très intuitif.


Quand avez-vous pris le virus de la télévision ?
En fait je voulais être journaliste de presse écrite ! C’est pourquoi j’ai fait des études d’histoire et de sciences po. Une fois à Paris j’ai pu faire un stage à France Télévisons. Résultat je suis depuis vingt ans à France 3 Corse où l’on peut évoluer et soumettre idées et propositions d’émissions.

Quels ont été vos débuts ?
Chroniqueur à « Douce France » de Christine Bravo. Puis je suis revenu en Corse pour rejoindre la rédaction de France 3 Corse et j’ai ensuite basculé aux programmes.

Quelles sont les émissions qui vous ont le plus appris et celles dont vous êtes le plus fier ?
« Avec ou sans filtre » c’est la quintessence qui m’apprend le plus et sur moi et sur les autres d’autant que nous nous orientons de plus en plus sur des parcours remarquables des gens que nous invitons et non plus sur des personnes renommées. « Avec ou sans philtre » et « Mémoire courte », voilà qui ne correspond le plus.

Propos recueillis par M.A-P
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