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Cine Donne 3è édition, des réalisatrices aux prises du réel et de la fiction

Une trentaine de films (longs et courts-métrages) en avant-premières ou en sorties nationales au programme de cette troisième édition de Cine Donne.

Cine Donne 3 è édition

Des réalisatrices aux prises du réel et de la fiction

Une trentaine de films (longs et courts-métrages) en avant-premières ou en sorties nationales au programme de cette troisième édition de Cine Donne. Du 20 au 26 mars un festival organisé par l’équipe d’Arte Mare sur une demande de la Communauté d’Agglomération de Bastia et de sa vice-présidente, Emmanuelle de Gentili, chargée de l’égalité homme-femme et des luttes contre les discriminations.




Marraine de cette édition : Christiane Taubira. A noter encore deux invitées de marque : Christine Angot pour sa première réalisation documentaire, « Une famille » et Lina Soualem qui présentera son deuxième long-métrage documentaire, « Bye bye Tibériade ». Ce film est une évocation de la Palestine du temps où la mère de la cinéaste, Hiam Abbass, était une jeune fille ne rêvant que de 7 è art et laissait derrière elle son pays d’origine. Le documentaire ravive des lieux disparus et des mémoires dispersées. Cette œuvre tombe à pique au moment où Gaza est sous les bombes et la Cisjordanie en butte à une répression terrible de la part des troupes d’occupation.

Cette troisième édition de Cine Donne met comme les précédentes l’accent sur les cinéastes femmes trop souvent minorées, même si parfois leur travail est à l’honneur ainsi avec « Anatomie d’une chute » de Justine Triet Palme d’or à Cannes et nommé aux Oscar.

En coopération avec la Cinémathèque de Corse on pourra redécouvrir des créations cinématographiques de Yannick Bellon. Une réalisatrice rare qui a tourné de la décennie soixante dix à 2018. Longue et fertile carrière fruit de ténacité et d’abnégation. Yannick Bellon c’est des sujets audacieux. En 1976 avec « L’amour violé » elle fut la première à traiter du viol et des traumatismes infligés aux victimes. En 1989 avec « Les enfants du désordre »elle aborda le thème de la réinsertion d’un jeune rencontrant de multiples obstacle jalonnant sa route. Cinéaste, monteuse, auteur de fictions et de documentaires, de courts et de longs-métrages elle fut également productrice, un pari ardu et non sans risques. Documentariste ses œuvres sont singulières et très personnelles : on pourrait écrire symphoniques tant elle sait marier écho du passé, fragment du présent et poésie. Autant que Varda elle mérite de retenir l’attention des jeunes générations – filles et garçons. Telle sa mère Denise Bellon elle fut aussi une belle photographe dont on pourra admirer les clichés à l’Alb’Oru et à la galerie Noir et Blanc.

Michèle Acquaviva-Pache


Rencontres et discussions
Tous les échanges se dérouleront en présence de Christiane Taubira, parmi ceux-ci :

21 /03. Alb’Oru, 14 h, autour de « Je vous salue salope » de L. Clerment-Dion et G. Maroist. Thème : le cyberharcèlement. A 21 h 45, après « Quitter la nuit » de D. Girard avec le CIDF.
22 / 03. Alb’Oru, 16 h, après « L’amour violé » de Y Bellon avec l’historien Eric Leroy. A 21 h 15. Après « Amal » de Jawad Rhalib. Les difficultés d’enseigner.
23 /03. Alb’Oru. 14 h. « Mothership » de Muriel Cravatte, avec l’Association SOS Méditerranée.
25 / 03. 21 h15. Aoès « Une famille » rencontre avec Christine Angot, écrivaine et réalisatrice.




ENTRETIEN AVEC MICHÈLE CORROTTI




Votre programmation est alléchante. Comment l’avez-vous bâtie ?

En visionnant énormément de films avec notre programmateur, Arnaud de Gardebosc et Mélanie Manigand. On s’y est mis l’été dernier en même temps qu’on s’occupait d’Arte Mare. Il fallait être aux aguets quant à la sortie des films. Composer la liste des avant-premières était délicat car on ignorait alors ce que pouvait être la réceptivité du public. Pour ce qui était de celle des sorties nationales c’était plus facile car les spectateurs bénéficient de la publicité faite par les producteurs. Encore faut-il que les dates de ces sorties nationales correspondent avec celles du festival. Autre contraintes les œuvres retenues doivent être signées par des femmes et en adéquation à notre cahier des charges.



Pourquoi tenez-vous à décentraliser votre manifestation à Biguglia, l’Ile Rousse, Porto Vecchio ?

Avant notre festival avait pour épicencentre le théâtre mais avec les travaux en cours ce n’est plus possible. Faire voyager Cine Donne est aussi le vœu de la Communauté d’Agglomération de Bastia, chargée de la politique de la ville et de la prévention de la délinquance, et la CAB juge que notre manifestation cadre bien avec ses missions.



Pour quelles raisons la CAB et Emmanuelle de Gentili ont-ils voulu Cine Donne ?

La CAB a, entre autres, pour objectifs de lutter contre les discriminations et les violences faites aux femmes. Ses responsables voient dans le cinéma un outil utile à leur travail au quotidien. Certes la CAB n’a pas vocation culturelle mais à ses yeux le 7 è art peut être fédérateur quant aux problèmes qu’elle a à aborder.



Comment s’est établi votre collaboration avec les autres associations corses qui promeuvent le cinéma ?

Nous travaillons avec Sirocco depuis des années à Arte Mare parce que cette association s’occupe de films arabes. Nous avons des liens avec « Et pourtant ça tourne » de l’Ile Rousse puisque cette association œuvre à la cinéphilie en Balagne. Avec « Corsica Doc »

d’Ajaccio, qui propose un festival réunissant d’admirables documentaires, nous avons un partenariat tout naturel.



Vous avez de prestigieuses invitées. Les faire venir en Corse va-t-il de soi ?

Christiane Taubira est notre emblématique marraine. Elle a répondu avec enthousiasme à notre lettre. Sa seule condition : il fallait que ça corresponde à ses disponibilités car elle habite la Guyane. Elle est très attachée aux contacts humains et nous a fait part de son désir de rencontrer des jeunes… Ses combats rejoignent les nôtres. Elle est en outre amoureuse de littérature. Douée d’une grande énergie elle a aussi signé l’un des scénarios de « 24 heures de la vie d’une femme », série diffusée par Arte auquel s’est joint un livre publié par Arte et Acte Sud. Nous recevons également Christine Angot pour son premier documentaire, « Une famille ». Ce film est impressionnant et tord le cou aux ficelles du genre. Autre invitée de marque : Lina Soualem pour « Bye bye Tibériade », évocation de la Palestine telle que la vécue Hiam Abbass pendant son enfance et son adolescence.



Riche idée que cette rétrospective à Yannick Bellon. Pourquoi est-elle tombée dans l’oubli alors qu’elle a été précurseure tant pas ses sujets que par son écriture cinématographique ?

Yannick Bellon était sensible, cultivée, audacieuse par les thèmes qu’elle traitait. Elle mérite d’être connue et reconnue… Eric Leroy, historien du cinéma, va nous parler de ses œuvres.



J’ai remarqué que beaucoup de films de votre programmation sont des coproductions belges. La Belgique s’implique-t-elle de plus en plus dans le 7 è art ?

C’est un pur hasard… Parmi les coproductions belges il y a une réalisation qui provoque un choc. C’est « Amal » de Jawad Rhalib qui met en scène une professeure tentant de contrecarrer des radicalisations. Mais ses initiatives se retournent toutes contre elle… C’est glaçant !



Quels sont les films que vous proposez qui ont retenu très fort votre attention ?

Il y a « Quitter la nuit » de Delphine Girard pour son atmosphère oppressante et son effrayante dureté, avec cependant un côté optimiste puisqu’à la fin la principale protagoniste peut compter sur la solidarité d’autres femmes.



L’œuvre à ne pas manquer ?

Compliqué de répondre… Bien sûr il ne faut pas rater la rétrospective de Yannick Bellon !... Je citerais « Débâcle » de Veerle Baetens, histoire d’un retour au village. « O corno » de Jaione Camborda, le récit d’une femme sous le franquisme. Pour les jeunes je recommanderais « Bis repetita » d’Emilie Noblet, qui met en scène une prof de lettres dépassée par ses combines hasardeuses. « Vampire humaniste cherche suicidaire consentant » d’Ariane Louis-Seize pour sa drôlerie et son côté fable. J’invite encore toutes et tous à voir « Mothership » de Muriel Cravatte qui se penche sur le sort des migrants en Méditerranée et sur celui des migrantes en particulier.

Propos recueillis par M. A-P




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