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Une petite histoire de la décentralisation ratée de la France

La France apparaît comme un rocher inexpugnable en matière de centralisme pur et dur

Une petite histoire de la décentralisation ratée de la France



Au sein de l'Union européenne, la Grèce, le Luxembourg, le Portugal et la Suède sont organisés de manière centralisée et uniforme. Néanmoins le Portugal a accordé aux Açores un statut spécial et les îles Auland de nationalité finlandaise bénéficient de l'aide suédoise. La France apparaît donc comme un rocher inexpugnable en matière de centralisme pur et dur.


L'exception française


La France bégaie pour ne pas dire radote devant la Corse. Alors que l'Espagne a accepté après la fin du franquisme de briser son ancienne unité tout comme la Grande-Bretagne au XVIIe siècle, que l'Allemagne s'est installée dans son fédéralisme lors de la constitution de l'Empire en janvier 1871, la France hésite. Pourtant autour d'elle, la structure même du marché mondialisé, l'incite à se remettre en question.Mais elle n'y parvient pas. Et la République a accentué le centralisme monarchique. Avant la Révolution, la royauté montrait de fortes tendances centripètes mais n'avait jamais aboli les privilèges des provinces. C'est la branche jacobine qui a fondé le mythe de la République Une et Indivisible. Le centralisme tel que nous le vivons n'a trouvé son apothéose qu'avec la IIIe République qui a fusionné la République, la nation et de l'Etat. C'est cet ensemble infragable qu'on désigne comme « l'exception française », un modèle magnifié par la Constitution gaullienne et l'élection du président au suffrage universel.

La question corse ou le grain de sable dans la mécanique centralisatrice


La France possèdent une particularité : celle de se définir comme républicains avant de se définir comme démocrates alors même que le danger monarchique est définitivement écarté depuis la chute du pétainisme. La puissance du centralisme est d'être une idéologie qui vient du fond des âges et est désormais inculqué à l'école, à l'université et dans les grandes écoles où la nouvelle aristocratie de la haute fonction publique a renforcée l'idée que la France, et Paris en son centre, possédait la raison universelle, une raison qui brille de ses Lumières à la face du monde. La France serait une sorte de phare pour l'éternité, détentrice de la Vérité et de la Justice. La nécessité de désserer l'étau centralisateur est venue de la plus proche des terres lointaines : la Corse qui, grâce à la lutte, a imposé le premier statut, celui de Gaston Defferre. Mais celui-ci n'était qu'une ébauche puisque r la tutelle des préfets est alors restée intacte. Le pouvoir des maires a été élargi, certes, mais le schéma est resté vertical et les régions n'ont pas obtenu de pouvoir légiférer. La Corse n'a pas renoncé à pouvoir produire sa propre législation mais se heurte au mur de l'histoire française.

Les dangers de l'autonomisme


On ne peut oublier qu'en Italie l'autonomie octroyée aux régions et notamment à la Sicile a permis la renaissance de la mafia par le biais dela captation de l'argent public et un système électoral qui octroyait à cette île une puissance incomparable. Pour la Corse il existe deux risques majeurs. Le premier est que la délégation de pouvoir qui serait accordée à l'assemblée de l'île soit utilisée à des fins spéculatives ou mafieuses. On peut évidemment penser à la disparition de règles protégeant les terres littorales ou intérieures mais aussi à l'utilisation désordonnée des impôts, de la confiscation des marchés publiques par des cliques. La Corse est-elle en mesure de résister à la violence d'où qu'elle vienne ? On peut légitimement en douter. Si tel était le cas, la tentative corse deviendrait un contre-exemple qui renforcerait le centralisme français. Il paraît évident qu'il eut été préférable que l'autonomie soit d'abord appliquée à une région comme l'Alsace qui bénéficie déjà des avantages de certaines lois allemandes. Une vraie décentralisation aurait aussi pu être confiée à la Bretagne. Mais ça n'est là qu'une vue de l'esprit car, en France tant que les problèmes ne s'imposent pas par la violence, on ne les voit pas et donc on ne les anticipe pas.

Anticiper un échec de la démarche Darmanin


Les centralisateurs savent que la victoire de l'autonomisme en Corse a été obtenu grâce à la violence puis à son arrêt. Il a profité de l'effet cinétique produit par un demi siècle de tension. C'est l'énergie du relâchement qui a mené les nationalistes au pouvoir. Les adversaires de l'autonomie craignent une sorte de syndrome yougoslave qu'il désigne comme l'effet boîte de Pandore. Ce faisant, ils méconnaissent la réalité historique de la question nationale corse. Il y a cependant de fortes chances que le processus Darmanin ne parvienne jamais à son terme. Si on veut éviter une nouvelle flambée de violence, il faut anticiper un échec et préparer des lendemains qui déchantent. C'est vital pour la Corse.

GXC
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