Elections au Pays Basque sud : des leçons pour le nationalisme corse !
Le parti indépendantiste de gauche EH Bildu réalise une percée historique....
Élections au Pays basque sud : des leçons pour le nationalisme corse
Après les élections régionales qui se sont déroulées au Pays basque sud le 21 avril, le Parti nationaliste basque conserve le pouvoir mais le parti indépendantiste de gauche EH Bildu, héritier de la branche politique d’ETA, a réalisé une percée historique.
Une percée indépendantiste qui a laissé de côté l'indépendance
Considéré comme l’héritier de la branche politique d’ETA, le parti indépendantiste de gauche EH Bildu est passé de 21 à 27 sièges sur 75 au sein du Parlement régional et détient donc le même nombre de députés que le Parti nationaliste basque (PNV), ce parti conservateur qui domine la vie politique régionale depuis des décennies et qu'on pourrait rapprocher du parti nationaliste dominant en Corse. En conséquence, la coalition actuellement au pouvoir dans la région entre le PNV et les socialistes du premier ministre espagnol Pedro Sanchez, arrivés troisièmes du scrutin, devrait en effet être reconduite.
Les raisons de la percée de Bildu
Bildu revient de loin. Six ans après la dissolution en 2018 d’ETA, tenue pour responsable de la mort de plus de 850 personnes en quatre décennies de violences, EH Bildu a mené une stratégie électorale gagnante, en mettant au deuxième plan ses revendications indépendantistes pour se focaliser sur les questions sociales, l’écologie, le féminisme… imitant en cela la stratégie des indépendantistes écossais. Pourtant, Bildu est dirigé par un ancien membre d’ETA, Arnaldo Otegi. Au vu des résultats il a avalé l'électorat de Podemos qui, comme les 5 stelle en Italie, n'a guère su profiter de la crise. Bildu a manifesté son intérêt pour le changement climatique, le féminisme, le logement et s'est trouvé en phase avec les inquiétudes des plus jeunes, une génération qui commence à voter et surtout qui n’a pas connu les conséquences du terrorisme d’ETA.
Travailler humblement pour les Basques
« Nous allons continuer à travailler humblement, comme toujours, pour ce peuple », a dit pour sa part Arnaldo Otegi. Le fantôme d'ETA continue néanmoins de hanter l'Espagne mais les progrès de Bildu amène à penser que les indépendantistes pourraient bien devenir majoritaires d'ici quelques années ce qui les placerait dans la même situation que les indépendantistes catalans. La force des deux groupes indépendantistes est d'être indispensables aux socialistes qui sont au gouvernement. Sans les voix de leurs députés, le parti socialiste de Pedro Sanchez perd le pouvoir. Et pourtant ce parti refuse toute alliance avec Bildu tant que celui-ci ne condamnera pas le terrorisme. Cependant, à côté de cette condamnation de façade en décembre dernier, les socialistes ont permis à EH Bildu de prendre le contrôle de la mairie de Pampelune, capitale de la Navarre (Nord).
Une stratégie de longue haleine
Cette avancée de Bildu devrait être une leçon pour les nationalistes corses qui, au lieu de rester coincés dans leur impasse idéologique, feraient mieux de se préoccuper des véritables problèmes matériels des Corses à savoir le logement, la vie chère, la carence des transports etc. Au regard de ce qui se passe partout en Europe, il semble évident que c'est là que se trouvent les voix. Sur le continent, la percée spectaculaire du Rassemblement national démontre que les divergences idéologiques basées sur des questions morales du siècle dernier, ne fonctionnent plus. La paupérisation des classes moyennes, impactées en Corse par la crise budgétaire de l'État nourricier, créé une angoisse que ne semblent pas percevoir les dirigeants nationalistes ancrés dans leurs privilèges sociaux. Ce qui se passe en Espagne est riche en enseignements. D'une part, les plus pauvres vont vers ceux qui leur promettent de remplir la gamelle plaçant au second plan la question de l'indépendance. En second lieu, la jeunesse est en prise avec des questions plus universelles qu'on ne le croit comme l'égalité des sexes, la justice sociale. Enfin, les conséquences indirectes du tourisme commencent à favoriser un vaste mouvement de rejet d'ailleurs très paradoxal puisqu'une grande partie de la richesse des pays méditerranéens provient du tourisme.
Changer de braquet
La question corse n'arrivera en débat au Parlement qu'à l'automne en pleine crise sociale et économique. Les élections européennes auront montré une hausse spectaculaire du vote RN et un désintérêt pour le parti macroniste. De plus, Gérald Darmanin aura démissionné comme il l'a annoncé. Une motion de censure enfin aura de fortes chances de passer. Il faut s'y préparer. Les partis corses ont jusque-là superbement ignoré la question sociale. Il serait peut-être temps de la prendre en compte et de suivre l'exemple de Bildu faute de quoi, le nationalisme ne mourra certainement pas mais il entamera une traversée du désert causée par un manque de perspectives et une division aggravée.
GXC