• Le doyen de la presse Européenne

Le commerce du vivant ou la location d’utérus…

Une question essentielle

Le commerce du vivant ou la location d’utérus…



On a pu lire récemment dans la presse régionale un entretien avec un « biologiste de la reproduction ». On pensait qu’il s’agissait de quelque savant se préoccupant de la sélection animale ou végétale. Mais non, nous faisions erreur. Il s’agissait de « reproduction d’humains ».


Ce spécialiste a donné son sentiment sur le droit à l’avortement et a poursuivi ses explications sur la gestation pour autrui, appelée autrement « GPA ». Le ton était banalement scientifique, comme il sied à un tout homme de progrès qui a nécessairement foi en la science.

On ne peut que ressentir un léger malaise devant cette approche de ce qui relève d’une question essentielle.

Car on peut immédiatement se demander s’il est pertinent d’envisager tout cela sous le seul angle de la possibilité scientifique.

Une société civilisée ne devrait-elle pas imposer que les seules bornes de la science ne soient pas les bornes du faisable ?

Ces questions de la procréation globalement entendues touchent à ce qu’il y a de plus profond en l’homme, car c’est de la vie et de sa transmission dont il s’agit. Celle que l’on fait disparaître par l’avortement, celle que l’on crée par des artifices par la GPA.

Nous ne développerons pas ici notre propos pour ce qui concerne la question de l’avortement, nous y reviendrons prochainement en tant que de besoin.


Revenons à la GPA, que l’on pourrait plus justement appeler « location d’utérus ».

Une simple location me direz-vous !

Sauf qu’en l’espèce c’est un corps que l’on loue et souvent – le plus souvent – contre espèces sonnantes et trébuchantes.

Que nous dit de tout cela le « biologiste de la reproduction » ?

Il considère que s’il n’y a pas de relation commerciale on peut admettre plus facilement l’utilisation de ce procédé.

Il nous dit également que son interdiction d’utilisation, qui est la règle en France, doit être sans doute revue dans la mesure où cela a pour effet d’inciter nos compatriotes à se rendre à l’étranger pour obtenir ce service, ou plutôt cette prestation de service.

Que faut-il penser de tout cela ?

L’opinion selon laquelle il faudrait légaliser la GPA en France mérite d’être discutée.


Mais auparavant, il convient de se demander si le principe même de la GPA ne peut faire l’objet d’un questionnement, même si cette pratique est très répandue et autorisée dans de nombreux États. Même si on peut immédiatement y objecter qu’il s’agit d’une position défaitiste. Outre le fait de considérer que le Bien n’est pas forcément ce qui est considéré comme tel par la masse ou ce que fait la masse. Le nombre ne peut constituer la marque du Bien.


La GPA consiste ni plus ni moins pour une femme dans le fait de louer son corps à un tiers ou à plusieurs tiers, soyons fous ! Ces tiers se saisiront de l’enfant dès qu’il sera né en l’arrachant à celle qui l’a porté pendant neuf mois.

On doit prendre nécessairement en considération le fait que pendant cette longue période se crée nécessairement un lien, d’une irréductible singularité, entre la mère et l’enfant à naître, la chair de sa chair.

Ce lien est-il insignifiant ?

Les tenants de la GPA viennent nous dire que cela n’est rien et que si la mère a consenti, il ne peut y avoir matière à question.

Les psychologues et psychiatres, et tout bonnement le sens commun, nous disent toute autre chose.

Il ne peut en effet être indifférent d’arracher un enfant à sa mère.

Le désir d’enfant, bien légitime, doit-il conduire à oublier les principes qui doivent régir toute société civilisée ?

Sans vouloir faire montre d’un esprit arriéré ou non progressiste, comme on voudra, on peut raisonnablement affirmer qu’on ne peut permettre tout ce que permet la science.

D’ailleurs, les témoignages sont nombreux d’enfants nés de la sorte qui prennent rapidement conscience du fait que leur mère officielle n’est pas celle qui les a portés, ce qui crée un grand trouble et une douleur intense.

Ils n’ont alors souvent de cesse que de retrouver leur « vraie » mère, tant ils sont dans l’incompréhension du fait qu’elle ait pu les abandonner. Ce sentiment d’abandon, qui crée en eux une fragilité radicale, peut les poursuivre toute leur vie, eux qui sont sacrifiés sur l’autel de l’égoïsme de ceux qui veulent dompter la vie.

Ils ne comprennent pas que celle qui leur a donné la vie ait pu accepter de les « donner » à une autre ou à d’autres, même gracieusement (mais à quel prix moral ?) soit contre argent (ce qui n’est guère mieux).

Dans tous les cas, on reste dans un cadre de « chosification » des corps.

L’on sait bien que tout est marchandise à notre époque, mais pour autant est-il admissible que l’on aille toucher à ce qui constitue les fondements de la transmission de la vie et de l’ordre naturel ?

Il est vrai qu’aujourd’hui l’ordre naturel, comme les droits naturels sont battus en brèche dans une société qui n’est – presque plus – que technocratique.

Cette dérive de nos sociétés atteste du fait que le désordre dans les esprits est à son comble.

Il est en lien avec la dérive consumériste qui nous étreint depuis de longues années.

Accepter cette location du corps humain, fut-elle gratuite, c’est accepter que l’homme devienne toujours plus une chose, et donc entre de plain-pied dans l’ordre de l’offre et de la demande, donc du marché, ce que l’on ne peut admettre.

Comme on ne peut admettre que des scientifiques se parant de l’idée de progrès – source de bien de nos maux – justifient l’existence de la pratique pour ce motif.

On serait tenté de leur dire qu’ils restent dans leur champ de compétences, ou plutôt qu’ils ouvrent leurs esprits aux considérations morales et sociétales au lieu de se cantonner à des simples considérations de faisabilité scientifique.

Il nous vient à l’esprit l’adage ancien et souvent cité, selon lequel « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Peut-être faudra-t-il à l’avenir le rappeler quotidiennement à ceux qui se piquent de science, si l’on ne veut pas que nos sociétés ne soient plus que de vastes barnums où règne la loi du plus fort, à savoir celle de ceux qui ont le plus de moyens financiers et une conscience peu exigeante.

Jean-François Poli
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