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La croix rouge de Corse : "On peut basculer du jour au lendemain dans la précarité, personne n'est à l'abri "

« La précarité est très vaste ». Avec 20 % de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, la Corse est une des régions les plus pauvres de France.
La Croix Rouge : « On peut basculer du jour au lendemain dans la précarité, personne n’est à l’abri »

Malgré les apparences, la précarité n’épargne pas l’île de Beauté. Bien au contraire.
Avec 20 % de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, la Corse est une des régions les plus pauvres de France. Une situation face à laquelle les bénévoles de l’association caritative La Croix-Rouge mettent tout en oeuvre pour tenter d’améliorer le quotidien des plus démunis.


« La précarité est très vaste »
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Cette phrase, prononcée par Jean-Michel Bisgambiglia, résume à elle seule toute la complexité du phénomène.

« Nous avons à faire à toute sorte de profils : retraités, titulaires du RSA,famille monoparentale mais aussi famille nombreuse », contextualise ce dernier, référent territorial de l’association La Croix Rouge en Corse-du-Sud.
Néanmoins, la situation sanitaire à contribué à l’apparition de nouvelles catégories de bénéficiaires, notamment concernant l’aide alimentaire.

«
Le premier confinement a vraiment été catastrophique.
De nouveaux profils ont émergé : les personnes qui cumulent AAH (aide pour les personnes en situation de handicap) et salaire, qui se sont retrouvées avec une allocation partielle, les familles qui payent le loyer de leur enfant étudiant sur le continent tandis que celui-ci est confiné avec eux, les femmes de violences conjugales…
»

Un état des lieux alarmant, mais qui est toutefois nuancé si l’on s’en réfère au second confinement actuel. « Cette fois-ci, les gens peuvent travailler. C’est là toute différence. »

Un mot d’ordre : entraide
.
Ils sont environ une centaine de bénévoles à mettre en place diverses activités au profit des plus défavorisés : L’aide alimentaire, les distributions dans le rural, les maraudes, l’accueil pour les familles de prisonniers, le pôle urgence et secourisme, la « Vestiboutique » ou encore l’aide aux devoirs.. autant de prestations qu’il est important de faire perdurer.

« Parfois tout va bien en apparence, mais en réalité ce n’est pas le cas. »
« On peut basculer du jour au lendemain dans la précarité, personne n’est à l’abri », souligne Jean-Michel Bisgambiglia.

La proximité, voire la promiscuité, à laquelle nous sommes confrontés en tant qu’insulaire tend toutefois à rendre les choses plus délicates, voire taboues

« En Corse, c’est souvent difficile d’oser demander de l’aide. On se dit « mais que vont penser les gens? ». D’autant plus que parmi les bénéficiaires, certains ont des familles qui ignorent leur précarité. »D’où l’importance de ne pas négliger le rural. « Nous nous rendons chaque vendredi pour notre tournée dans le rural afin d’aider entre 80 et 100 familles. C’est une sorte de pauvreté invisible, face à laquelle il est primordial de mettre en place des actions concrètes. Mais pour cela, il faut que chacun apporte sa pierre à l’édifice, il faut plus d’engagement », précise-t-il, dans l’espoir d’inciter les gens à agir, chacun à son échelle. « Il est important de se préoccuper de l’autre, de ne plus seulement s’intéresser à son propre nombril. Parfois, tout va bien en apparence, mais en réalité ce n’est pas le cas. Il faut plus de communication, plus d’échanges et surtout plus d’humanité.
Notre société a malheureusement trop tendance à faire abstraction de celui qui a besoin d’aide. Je le répète : tout le monde peut se retrouver dans cette situation de précarité du jour au lendemain.
»

Faire prendre conscience. Ouvrir les yeux.
Ce qui amène parfois vers une réalité à laquelle on ne s’attend pas. « Un soir, un élu a fait une maraude à nos côtés, en immersion. Nous sommes arrivés dans un squat et avons discuté avec un jeune homme de 27 ans, à qui nous avons proposé un café pour qu’il se réchauffe et se sente moins seul. C’était un jeune corse, qui s’exprimait en langue corse, titulaire d’un CDD mais qui avait été contraint de quitter son village. L’élu était abasourdi de voir ça », affirme Jean-Michel Bisgambilia, avant de comparer la précarité à un iceberg : « Il y a la partie que l’on voit, et celle qui demeure invisible à l’oeil nu. »

Les chiffres :
130 familles inscrites à l’Aide Alimentaire de Corse-du-Sud
2983 colis distribués depuis le début de l’année
360 colis supplémentaires sur les 5 premiers mois de 2020 en comparaison avec l’année précédente


3 questions à…
Marie-Christine Giannesini, responsable de la délégation territoriale de la Croix Rouge de Corse-du-Sud

Qu’est-ce-que l’Aide Alimentaire et quels en sont les principaux bénéficiaires ?

Ce sont des colis hebdomadaires, des paniers qui contiennent divers aliments et qui permettent de subvenir aux besoins des personnes les plus démunies.
Par exemple, un colis est composé de produits ambiants tels que des conserves, boîtes, produits secs, pâtes… Il y a également des invendus de supermarchés, de boulangeries, des dons de particuliers et du surgelé. Tout ce qui est ambiant et surgelé provient du Fond Européen. Ces colis sont principalement à destination de personnes vulnérables et défavorisées, qui ont des petites retraites et des petits salaires, des personnes seules et âgées…
Mais il y a aussi des cas particuliers; des gens qui arrivent d’autres pays et qui ne parlent pas le français ou encore l’exemple de ce monsieur qui doit s’occuper de son petit fils car sa fille est en prison. Mais il faut aussi souligner les choses positives comme l’histoire de cette dame, ancienne bénéficiaire de l’Aide Alimentaire, qui a retrouvé du travail et qui vient désormais chercher les colis pour une autre personne.


Dans quels autres domaines que l’alimentaire la Croix-Rouge intervient-elle ?

Chaque soir, nous procédons à des maraudes en ville pour venir en aide aux sans abris, qui sont une vingtaine. Une aide aux devoirs a également été mise en place en collaboration avec la Mairie d’Ajaccio. 30 enfants sont aidés par une équipe formidable de bénévoles, chaque mercredi de 16 heures à 19 heures. Il y a également le dispositif d’accueil des familles de prisonniers, en collaboration avec le chef d’établissement de la maison d’arrêt d’Ajaccio, Patrick Migliaccio. Nous recevons en effet les familles en attente de parloir, afin qu’elles puissent discuter, boire un café. Enfin, nous procédons également à des formations concernant les gestes de premiers secours.

Un message à faire passer ?

Nous sommes à la recherche de bénévoles, pour être toujours plus nombreux à lutter contre les différentes formes de précarité. En ce qui me concerne, cet engagement m’apporte une réelle satisfaction personnelle. En effet, ce qui m’intéresse, c’est de faire du bien à des gens dans le besoin. Si je sais que j’ai été utile ne serait-ce qu’à une personne, j’ai réussi ma journée. On essaye de faire notre maximum pour rendre service et pour aider. Sans à priori, sans jugement. Personne n’est mieux que les autres, ça peut arriver à n’importe qui, on peut très vite être submergé par les problèmes. Il ne faut pas avoir honte de demander de l'aide.
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