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Ferrandi et Alessandri : les collectifs dénoncent une "vengeance d'Etat"

Le 22 décembre, le premier ministre Jean Castex annonçait le maintien du statut de DPS pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi.
Ferrandi et Alessandri : les collectifs dénoncent une « vengeance d’État »

Le 22 décembre, le Premier Ministre Jean Castex annonçait le maintien du statut de DPS (détenu particulièrement signalé) pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. Les deux hommes, condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac, sont incarcérés sur le continent depuis 1999.

La décision de maintenir le statut de DPS pour Alain Ferrandi et Pierre Alessandri a suscité de nombreuses réactions. Et pour cause : ce statut empêche entre autres un éventuel rapprochement pour les deux hommes, qui peuvent prétendre à une libération conditionnelle depuis 2017. Les avis favorables à la levée de ce statut par les deux Commissions DPS au niveau départemental et national, pourtant toujours suivis par la Chancellerie, n’ont pas été pris en considération. La classe politique corse s’est insurgée face à cette nouvelle : « Ce qui est en train de se passer est d'une gravité extrême », a déclaré le président de l'assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni, tandis que le président du conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni s’est dit « sous le choc ».

Les organisations de défense des « prisonniers politiques » corses ont également pris acte de cette décision avec amertume. L’Associu Sulidarità et le collectif Patriotti dénoncent un geste « purement politique » qui s’oppose à la construction d'une société corse « apaisée »


Thierry Casolasco , Président de l’Associu Sulidarità   « C’est l’incompréhension totale »

Comment interpréter ce refus de levée du statut de DPS pour Alain Ferrandi et Pierre Alessandri ?

C’est une décision purement politique. L’État français continue de se venger par le rejet de chaque demande émanant des prisonniers politiques concernés dans ce dossier.
Nous espérions qu’Alain Ferrandi et Pierre Alessandri puissent rentrer en Corse. D’autant plus que lors de précédentes discussions avec le cabinet du ministre, la voix de l’apaisement était envisagée.
Aujourd’hui, les prisonniers politiques sont traités encore plus durement qu’auparavant. Chaque demande est traitée très lentement avec à terme un refus quasi systématique. Logiquement, dans d’autres cas du même genre, des condamnés de droit commun auraient été libérés depuis longtemps.
À minima, leur rapprochement aurait été prononcé. Personne n’est dupe : concernant les prisonniers du commando Erignac, ce sont des refus permanents.

Des refus permanents, mais vous aviez cette fois-ci une lueur d’espoir ?


La décision politique du FLNC en 2014 concernant le dépôt des armes a été significative en terme de volonté d’apaisement. C’était une action très réfléchie qui a permis de faire un grand pas politique. Il n’y a plus eu d’attentats, le FLNC a donc visiblement tenu ses promesses. Malgré ça, l’État français ne s’engage en rien sur le chemin pour la paix.
C’est à se demander si cette volonté d’apaisement est réellement partagée. On ne demande pas un traitement de faveur, mais à ce que la paix soit pour tout le monde. De plus, la présence de députés nationalistes à l’Assemblée est aussi un élément qui laissait présager l’instauration d’un dialogue politique, dans un climat plus favorable.
Mais finalement, c’est toujours un traitement spécifique. On prétend que le statut de prisonnier politique a disparu mais on a la preuve que l’État les considèrent bel et bien comme tels. Au bout de 20 ans de privation de liberté, les familles espéraient un avis favorable, le retour d’un père, d’un fils, d’un mari.


Un décret a retiré à Eric Dupont-Moretti le droit de statuer sur des personnes relevant d’affaires dans lesquelles il a été impliqué en tant qu’avocat. Qu’en pensez-vous ?


La nomination d’Eric Dupont-Moretti en tant que ministre de la justice avait donné de l’espoir à bon nombre. Il était certainement favorable à ce rapprochement et l’État croit marquer des points en fermant la porte à toute discussion. D’autant plus que l’actuel garde des Sceaux n’a jamais été l’avocat des prisonniers dont il est question, il ne s’agit donc pas d’un conflit d’intérêt mais simplement d’un prétexte parmi tant d’autres. Aujourd’hui, il n’y a aucune raison que Pierre Alessandri et Alain Ferrandi ne puissent pas être rapprochés des leurs.
C’est l’incompréhension totale. On va porter la voix plus haut et plus loin, pour se faire entendre et comprendre.


Emmanuelle Carli
Membre et trésorière de l’Associu Aiutu Patriotticu (Collectif Patriotti)    « Il faut désormais engager un rapport de force cohérent et coordonné avec l’état sur le sujet »

À votre avis, pourquoi une telle décision ?

Cette décision s’inscrit dans la suite d’une logique répressive installée par l’État notamment depuis l’arrivée au gouvernement d’Emmanuel Macron. Lors de sa venue en Corse pour commémorer le vingtième anniversaire de la disparition du préfet Claude Érignac, la phrase qu’il a prononcé pendant son discours en disait long : « Ça ne se plaide pas ». Nous avons bien compris qu’on était dans une logique de vengeance d’État et qu’il n’y avait pas de raisons que les choses aillent dans le bon sens .
L’État n’est pas dans une logique de processus de paix contrairement à ce qui a pu être dit auparavant.
C’est d’autant plus choquant car la France ne respecte pas son propre droit en allant à l’encontre même de l’avis favorable des commissions, concernant des gens qui sont libérables.

L'État a pourtant toujours nié le statut de « prisonniers politiques » à ceux qu'il considère comme des «terroristes»…

C’est tout le paradoxe : il s’acharne à dire qu’il n’y a pas de prisonniers politiques mais il réserve un sort particulier à tous ceux qui sont ou ont été emprisonnés pour leur engagement. Nous l’avons encore constaté récemment lors du procès en appel de Benedetti, Dominici et Tomasini, poursuivis pour avoir refusé de se soumettre aux obligations du Fijait (*Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions terroristes).
L’avocate générale avait alors requis que la loi implique et impose dans leur cas l’inscription au Fijait. Ce qui est faux. Il y a des prisonniers politiques, traités avec des mesures d’exceptions.

Le collectif entend-il mener des actions suite à cette annonce ?

Il faut se mobiliser sur le terrain, qu’il y ait une coordination de l’ensemble du mouvement national, des associations et organisations anti-répressives pour engager un rapport de force cohérent et coordonné avec l’État sur le sujet. Pour être dans un processus de paix, il faut être deux. Il faut engager un dialogue, on ne peut pas faire sans. Si on ne le fait pas , nous n’aurons rien. Il faut retrouver le chemin de la lutte. L’accès des nationalistes au pouvoir et leur présence à l’Assemblée ne doit pas être synonyme de disparition de la lutte de masse. Avoir une majorité territoriale en place ne doit pas empêcher la
mobilisation sur le terrain. Il est désormais primordiale de se concerter et de se mobiliser car la mobilisation populaire est un élément de ce rapport de force.

Qu’espérez-vous de ces mobilisations ?

Dans un premier temps, le rapprochement est le minimum que nous espérons. Ensuite, il faudrait un moratoire sur les amendes, mais aussi la radiation des patriotes sur l’ensemble des fichiers. Ce sont des mesures qui peuvent être prises très facilement. Contrairement à l’amnistie qui nécessite une loi, toutes ces mesures peuvent être prises sans toucher à celle-ci, en attendant la véritable solution politique globale que nous appelons de nos vœux. On pourrait alors penser qu’il existe une volonté d’entrer dans un réel processus de paix.
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