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Communistes : vers un nouvel avenir ?

Le parti communiste a pronfondement marqué l'histoire contemporaine de la Corse.
Communistes : vers un nouvel avenir ?

Il n’est pas interdit de considérer que l’état actuel de la société marqué par les inégalités,
l’exclusion, la misère ainsi qu’une mondialisation inhumaine, et aussi une nouvelle génération
militante, rendront un jour prochain à nouveau attractifs le message et le combat communistes.


Le Parti Communiste a profondément marqué l’histoire contemporaine de la Corse.
Les premières cellules ont été constituées en 1921. Leur création est intervenue à la suite du Congrès de Tours (25 au 30 décembre 1920). Jusqu’à ce Congrès, la plupart de celles et de ceux qui allaient devenir des communistes, étaient adhérents de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) qui était membre de l’Internationale Socialiste (Deuxième Internationale) fondée par les partis socialistes et ouvriers d'Europe (Congrès de Paris en juillet 1889). La Congrès de Tours, ayant eu lieu après la Révolution bolchevique (octobre 2017), a donné lieu à une cassure.

La majorité des délégués a fait le choix d’adhérer à la Troisième Internationale créée à Moscou en 1919 (Internationale Communiste) et a créé la SFIC (Section Française de l'Internationale Communiste) qui est très vite devenue le Parti Communiste Français (PCF). Les minoritaires ont quitté le Congrès, sont restés au sein de la Deuxième Internationale et ont maintenu la SFIO (qui, en 1971, à l’issue du Congrès d’Epinay, est devenue le Parti Socialiste).

La majorité a en grande partie due sa victoire d’une part, au fait que la SFIO a renoncé au pacifisme de Jean Jaurès après l’assassinat de ce dernier et a toujours voté les crédits de guerre entre 1914 et 1918, d’autre part, au climat révolutionnaire qui prévalait, outre en Russie, dans plusieurs pays européens : « Beaucoup de militants pensaient que la révolution était à portée de main » (Julien Chuzeville, Un court moment révolutionnaire, la création du parti communiste en France, Ed. Libertalia) Louis-Etienne Costa, notaire et alors maire d’un village de la région ajaccienne, a pris la tête des communistes corses.
L’implantation n’a cependant pas été rapide. En 1923, quatre ans après sa création, le PCF insulaire ne comptait que 80 adhérents.


Les années fastes de l’après-guerre

Le PCF a commencé à prendre force dans l’île durant les années 1930, notamment à Bastia. Des travailleurs issus de l’immigration italienne, des dockers et des marins ont fait front commun avec des syndicalistes et des fonctionnaires dans les luttes sociales puis au sein du parti. La deuxième guerre mondiale a favorisé un développement à grande échelle. Après l’entrée en guerre du 3ème Reich contre l’U.R.S.S, les communistes corses ont créé le Front national qui, en étant à l’initiative de la plupart des actions de propagande et de combat et en s’ouvrant à des non-communistes, est devenu le plus important mouvement de la Résistance en Corse et l’interlocuteur privilégié de la France Libre dirigée par le Général De Gaulle.
Le Front national a assis sa force et son influence en étant à l’origine de trois faits majeurs : il a lancé l’insurrection contre les troupes allemandes qui refluaient de Sardaigne, poussant la France Libre à faire débarquer sur l’île des troupes venues d’Alger et créant ainsi les conditions que la Corse soit le premier territoire français métropolitain libéré. La PCF a par ailleurs bénéficié du sacrifice de plusieurs militants d’origine corse (Gabriel Peri, Danielle Casanova, Jean Nicoli). Jean Nicoli est d’ailleurs devenu la figure emblématique d’un culture corse de la Résistance.

En effet, tout comme les communistes, de nombreux nationalistes ont vu en lui un exemple voire un modèle. Après la Libération, le PCF a un temps déstabilisé la prédominance des clans.
Fin 1943, il était aux commandes de 260 communes. En 1946, il comptait près de 10 000 adhérents. Jusqu’au début des années 1950, il contrôlait trois journaux sur cinq et était la seule force politique à développer une idéologie et un programme à l’échelle de l’île. En 1945, il dirigeait 189 communes rurales, était présent au sein des majorités municipales à Bastia, Portivechju, Calvi et L’Isula et deux maires issus de ses rangs administraient Aiacciu et Sartè.

Recul et second souffle

Le PCF insulaire a cependant très vite subi un fort recul.
Il a pâti d’un retour en force des clans favorisé par le pouvoir gaulliste puis par la 4ème République. Des désaccords internes se sont fait jour au fil des crises et des purges ayant affecté le communisme aux niveaux national et international. Il a souffert de la Guerre froide car étant dénoncé par ses adversaires comme étant « Le parti de Moscou ».

Enfin, son soutien aux mouvements de libération nationale d’Indochine et du Maghreb, lui ont valu la défaveur de nombreux Corses du fait que la communauté corse était fortement présente « aux colonies » et que de nombreux militaires corses étaient engagés dans les conflits coloniaux.

Albert Ferracci, une grande figure du parti (résistant, ancien combattant, premier secrétaire fédéral de Corse-du-Sud, président du groupe communiste à l’Assemblée de Corse de 1982 à 1992), a pertinemment souligné : « C'était difficile de trouver une famille en Corse qui n'avait pas quelqu'un en Algérie. » C’est dans les luttes pour la défense de l’économie corse, le progrès social et l’union de la gauche que le PCF, au fil des années 1960, a trouvé un second souffle. Selon les mots d’Albert Ferracci, il est devenu « Le parti de la défense de l'intérêt général » en étant en première ligne contre la suppression du chemin de fer, l’implantation d’un site d’expérimentations nucléaires dans le massif de l'Argentella, la fermeture de la mine amiantifère de Canari, le déversement des boues rouges de la Montedison dans le canal de Corse. Ses liens étroits avec la CGT lui ont permis d’être très présent dans toutes les luttes sociales.

Au niveau politique, alors que la gauche se déchirait dans l’Hexagone, il a su accepter la main tendue par les radicaux de gauche, ce qui lui a permis de siéger à nouveau dans plusieurs importantes communes. En 1968, le radical de gauche Jean Zuccarelli ayant été élu maire de Bastia, un communiste est devenu premier adjoint (Pierre Giudicelli).

Jusqu’en 2014, année de la conquête de la ville par Gilles Simeoni, un communiste a toujours occupé le siège de premier adjoint (l’historien Ange Rovere ayant succédé à Pierre Giudicelli après le décès de ce dernier). Par ailleurs, durant les années 1960, le PCF a aussi conquis Sartè, ville qui, de 1977 à 2001, sera le bastion de l’emblématique maire Dominique Bucchini (ce dernier a aussi été député européen et président de l'Assemblée de Corse entre 2010 et 2015).
Plus tard, un communiste (Paul Antoine-Luciani) deviendra premier adjoint d’Aiacciu de 2001 à 2014 durant les mandatures Simon Renucci.

Mauvaise posture

Fragilisé comme l’est l’ensemble de la gauche corse depuis 2014, balayé comme ses alliés radicaux de gauche par le nationalisme et la montée en puissance de Laurent Marcangeli, le PCF est aujourd’hui en mauvaise posture. D’aucuns s’en réjouissent lui reprochant d’être « une opposition irréaliste » ou d’être resté « stalinien » ou « jacobin ». D’autres pensent qu’il a fait son temps car, selon eux, le communisme serait « une idéologie du pass».

Toutefois, il n’est pas interdit de considérer que l’état actuel de la société marqué par les inégalités, l’exclusion, la misère ainsi qu’une mondialisation inhumaine (qui révèle la pertinence de l’analyse marxiste soulignant la dérive du capitalisme vers des monopoles économiques et financiers oppressant et sous-payant toujours plus la force de travail au nom du profit), et aussi une nouvelle génération militante, rendront un jour prochain à nouveau attractifs le message et le combat communistes.

Pierre Corsi
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