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Gilles Simeoni à l'offensive : danger surenchères !

Avec ses propos combatifs, à défaut de pouvoir escompter voir bouger les lignes de la relation avec Paris, Gilles Simeoni peut espérer remobiliser ....

Gilles Simeoni à l’offensive : danger surenchères !

Avec ses propos combatifs, à défaut de pouvoir escompter voir bouger les lignes de la relation avec Paris, Gilles Simeoni peut espérer remobiliser autour de lui la mouvance nationaliste et plus particulièrement les partis de la coalition Per a Corsica. Mais gare à la course à l’écha-lotta !

Gilles Simeoni a dernièrement dénoncé la politique de l’État et adressé un avertissement : « Nous sommes dans une situation politique d'une gravité extrême (…) C'est la première fois depuis 1982 qu'un gouvernement fait le choix politique de décider qu'il n'y a pas de question corse et qu'elle ne se pose pas en termes politiques (…) On sait d'où l'on vient et ce que nous sommes capables de faire. On sera capables là aussi d'aller sur un rapport de force qui ne se limitera pas aux déclarations et aux prises de parole dans les assemblées. » Paris n’a pas réagi. Le préfet de Corse a invoqué son devoir de réserve.
 
En revanche, les principaux opposants à la majorité territoriale ont immédiatement fait connaître leur désapprobation et leur crainte que la virulence des propos du Président du Conseil exécutif ouvre la porte à un retour de la violence politique. Jean-Martin Mondoloni et Jean-Charles Orsucci ont été particulièrement sévères et explicites. Le premier a déploré que le Président du Conseil Exécutif ait « clairement fait passer un message indiquant que la majorité pourrait employer des moyens ne se limitant pas à l’action institutionnelle ». Le second s’est fait accusateur : « Après l’appel à la désobéissance civile du Président de l’Assemblée de Corse dont on emboîte systématiquement le pas, nous avons donc eu droit hier aux menaces du retour des années de plomb de la part d’hommes et de femmes démocratiquement élus. »
Le sénateur Jean-Jacques Panunzi et le député Jean-Jacques Ferrara n'ont pas été plus indulgents. Ils ont jugé que les propos tenus par Gilles Simeoni étaient « inacceptables de la part d'un président du Conseil exécutif », laissaient planer « l'éventualité d'un retour à la violence politique » et traduisaient « une radicalisation politique » de nature à « dégrader davantage encore les relations entre la majorité nationaliste et ses partenaires éventuels. » La virulence de Gilles Simeoni a pu surprendre car ce dernier jouait jusqu’alors la carte de la patience et de la modération.

Toutefois les relations de plus en plus tendues entre le président du Conseil exécutif et le Préfet de Corse ainsi que la récente dénonciation par Corsica Libera, et ce sous les fenêtres du Palais Lantivy, d’un « refus autoritaire et hautain » qu’opposerait l’Etat aux décisions et aux propositions de l'Assemblée de Corse, laissaient présager qu’un feu couvait. Le rejet du plan Salvezza et le recadrage invitant la Corse à passer par la case préfectorale et non par Paris qui ont été signifiés à Gilles Simeoni par Emmanuel Macron en personne ainsi que le maintien du statut de DPS de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi qui a été décidé par le Premier ministre, en actant la volonté de Paris de réaffirmer son autorité et d’imposer une orthodoxie du rapport Etat / Collectivité territoriale, ont sans doute créé les conditions de l’embrasement.

Quels dividendes ?


Gilles Simeoni peut-il espérer des dividendes ? On peut douter que cela soit le cas dans le cadre des rapports avec l’Etat. En effet, qu’il ait très vite dû préciser qu’il resterait strictement dans les clous de la démocratie et du refus de la violence, a révélé à l’Etat qu’aucune dégradation majeure de la situation n’était à redouter et qu’en conséquence rien n’imposait une inflexion de la politique corse pilotée par Emmanuel Macron depuis juin 2017. Et ce n’est pas non plus la mobilisation tout juste convenable qu’a donné à voir la manifestation demandant la levée du statut de DPS de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, qui fera évoluer d’un iota un président de la République dont l’autoritarisme et la psychorigidité sont désormais avérés et qui ne cède du terrain que s’il est confronté à des rapports de force susceptibles de déstabiliser son pouvoir ou ses projets.

A défaut de pouvoir escompter voir bouger les lignes de la relation avec Paris, Gilles Simeoni peut espérer remobiliser autour de lui la mouvance nationaliste et plus particulièrement les partis de la coalition Per a Corsica. Les réactions de Corsica Libera et du Partitu di a Nazione Corsa semblent le confirmer. Le parti indépendantiste a en effet affiché un soutien total : « L'Exécutif a notre soutien total lorsqu'il affirme que notre peuple, au-delà de sa représentation élue, est prêt à démontrer par les luttes sa volonté de refuser de marcher au pas de l'oie (…) Paris doit entendre que le temps de l'Alboru est désormais révolu, et qu'il va falloir cesser de nous imaginer comme un peuple asservi, pieds et poings liés. Corsica Libera affirme aujourd'hui solennellement sa volonté d'être présent sur tous les terrains de lutte, au cœur de toutes nos luttes. » Plus sobrement, le Partitu di a Nazione Corsa a lui aussi signifié son appui. « La stratégie politique pour laquelle les Corses nous ont élus va être maintenue (…)

Nous sommes les premiers d'une histoire » a en effet déclaré Jean-Christophe Angelini. Ces soutiens risquent toutefois de fléchir ou de manquer si Gilles Simeoni et son parti (Femu a Corsica dont les capacités d’occuper un terrain autre qu’électoral restent à démontrer) ne parviennent pas à passer de la parole aux actes. Corsica Libera a d’ailleurs déjà averti : « Nous attendons à présent des actes pour entrer dans une phase réellement différente du rapport à l'Etat et à tous ses serviteurs les plus zélés. » Il convient aussi de souligner qu’agir pour recueillir le dividende « remobilisation des nationalistes » est porteur de deux risques non négligeables : inquiéter les électeurs modérés de Per a Corsica qui ne se reconnaissent pas dans le nationalisme ; nourrir la voix et l’influence des intransigeants au sein de Per a Corsica et en conséquence alimenter des surenchères avec Core in Fronte et d’autres. Gare à la course à l’écha-lotta !


Pierre Corsi
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