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Territoriales : vers un retour au bloc contre bloc

Depuis quelques jours, les trois composantes de Per a corsica font à nouveau front commun. Ceci devrait s’accentuer durant les prochaines semaines dans la perspective de la tenue en juin des élections territoriales.
Territoriales : vers un retour au bloc contre bloc

Depuis quelques jours, les trois composantes de Per a Corsica font à nouveau front commun.
Ceci devrait s’accentuer durant les prochaines semaines dans la perspective de la tenue en juin des élections territoriales.



29 juin 2019,
sous le toit du boulodrome de Bastia-Lupinu, les élus, les militants et les sympathisants de Femu a Corsica ont répondu présent malgré une température caniculaire. Les plus investis d’entre eux ont conscience que le moment est politiquement important car ils ont pris connaissance du communiqué de Jean-Félix Acquaviva annonçant l’objet et précisant l’importance de ce rassemblement. Dans ce document, l’intéressé qui pour le rédiger a revêtu la chasuble de secrétaire national sur son costume de député, insiste sur la nécessité «d'actualiser stratégiquement l'action politique démocratique de Femu a Corsica, du mouvement national, des forces de la société civile et de progrès pour avancer de manière irréversible, par la conjonction de l'initiative institutionnelle, l'investissement sur tous les terrains de la vie politique, culturelle, économique et sociale de l'île, et de l'action politique externe, vers une autonomie de fait. »
Une affirmation du leadership du parti, un retour à la combativité sur le terrain et une réactivation de la revendication institutionnelle majeure (l’autonomie) sont donc préconisés pour satisfaire les militants les plus engagés qui s’interrogent depuis qu’Emmanuel Macron a, en personne et à maintes reprises (devant la stèle Claude Erignac à Aiacciu, à la tribune de l’Alb’Oru à Bastia, dans une salle de mairie à Cuzzà), infligé des camouflets et signifié des fins de non-recevoir à la majorité territoriale.

Cependant, pour la plupart de celles et ceux qui ont fait le déplacement, et plus particulièrement les délégations du Partitu di a Nazione Corsa et de Corsica Libera, l’essentiel est ailleurs. Ils sont dans l’attente d’une réponse à une question : Femu a Corsica est-il disposé à aller à la bataille des élections municipales de mars 2020 dans le cadre unitaire Per a Corsica ? C’est-à-dire en unissant ses forces dès le premier tour, comme à l’occasion des législatives de juin 2017 et des territoriales de décembre 2017, avec le Partitu di a Nazione Corsa et Corsica Libera.

Des résultats peu concluants

La réponse est apportée par Gilles Simeoni. Elle suggère que l’unité relèvera du passé.
En effet, à la tribune, évoquant l’accord qui a acté la démarche unitaire Per a Corsica à l’occasion scrutin territorial de décembre 2017, le Président du Conseil exécutif annonce : « Cet accord ne dit pas que nous serons ensemble aux municipales » puis précise : «Cet accord ne dit pas que nous serons ensemble aux prochaines territoriales au premier tour.»
Quelques minutes plus tard, Jean-Félix Acquaviva va dans le même sens. Il fustige l’appel commun et unilatéral à la constitution d’une liste Per a Corsica pour partir à l’assaut de la mairie d’Aiacciu, qu’ont lancé, quelques jours plus tôt, le Partitu di a Nazione Corsa et Corsica Libera. Il n’exclut pas la possibilité de primaires nationalistes au premier tour dans certaines communes. Il souligne que l’ambition de son parti qui se veut être de gouvernement, est d’influer, de séduire et de rassembler bien au-delà de la mouvance nationaliste : «Nous pensons que le vrai sujet c’est le rassemblement le plus large.»

En mars 2020, les résultats de cette démarche seront loin d’être concluants. Les listes nationalistes seront défaites dès le premier tour dans la plupart des principales communes. En définitive, parmi ces cités, seules Portivechju, Biguglia et Figari seront conquises et ces victoires ne devront pas grand-chose à une dynamique nationaliste et quasiment rien à l’orientation évoquée à l’Alb’Oru. Pourtant les trois composantes de Per a Corsica resteront campées sur leurs positions jusqu’au début de cette année. En effet, elles n’acteront ni la rupture de Per à Corsica, ni sa relance. Chacune s’en tiendra à faire dans la différenciation. Femu a Corsica ne renoncera pas à l’objectif de devenir un parti de gouvernement et de large rassemblement.

Corsica Libera et le Partitu di a Nazione Corsa préconiseront un repositionnement fortement militant et nationaliste.
Le parti indépendantiste finira par mettre publiquement en cause la politique de la Collectivité de Corse (devant les grilles de la Préfecture de Corse) : «La Collectivité de Corse a globalement failli au regard des engagements pris devant le peuple (…) On doit être plus incisifs et sortir de la recherche perpétuelle d'un consensus mou».
Jean-Christophe Angelini le fera plus softement en appelant à « un débat de fond sur l’exercice du pouvoir territorial par les nationalistes », à « un acte de refondation politique, institutionnel et idéologique » et à un « nouveau contrat » entre les formations nationalistes.


Fin des querelles ?

Cependant, depuis quelques jours, les trois composantes de Per a Corsica font à nouveau front commun.
Cette évolution a été révélée par la conférence de presse du 26 janvier à l’occasion de laquelle Gilles Simeoni et les autres membres du Conseil exécutif ont évoqué la nécessité de construire un rapport de force avec l’Etat et montré une volonté de serrer les rangs. Il semble que le jacobinisme élyséen et la persistance d’une volonté vengeresse dans la gestion du dossier des prisonniers nationalistes, que le zèle dont fait preuve le préfet de Corse pour imposer strictement aux élus de la Collectivité de Corse de ne pas dépasser leur champ de compétences, que la montée en puissance et en agressivité du cartel des oppositions qui se forme autour de Laurent Marcangeli, et aussi l’inquiétude et les impatiences de la basse nationalistes, incitent les composantes de Per a Corsica à faire taire leurs querelles.

L’heure est au retour à une logique :
Au bloc contre bloc. Ceci devrait s’accentuer durant les prochaines semaines dans la perspective de la tenue en juin des élections territoriales.
Ceci ne sera sans doute pas bon pour la Corse car l’évaluation du bilan de l’action nationaliste et la confrontation entre des projets, risquent d’être supplantés par un retour au débat stérile Corse ou Paris, un duel entre deux leaders (Gilles Simeoni, Laurent Marcangeli) et un simplisme des messages.


Pierre Corsi
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