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Galerie d'art Noir et Blanc

François Husson et Volkmar Ernest
La Galerie Noir et Blanc de Bastia reçoit deux peintres en plénitude. Des flots de couleur graves ou impétueux, interrogatifs ou dénonciateurs. La couleur comte le temps. Le temps d’aujourd’hui en des symphonies d’abstraction aussi puissantes que sans complaisance sous les signatures de François Husson et de Volkmar Ernts.


La couleur ne rime pas forcément avec hymne à la joie. La couleur quelle qu’en soit la nuance ou la teinte peut être coupante à la façon d’une lame très aiguisée d’un couteau. L’univers que nous invite à pénétrer François Husson porte la marque de la violence, celle du siècle et de ses errements. La violence faite à la planète. La violence exercée contre le vivant : homme, animal, végétal.

Il y a chez François Husson des océans de bleu qui recèlent des gouffres amers, des ténèbres insondables, des abîmes empoisonnées… Insensé ? Incroyable ? Ces œuvres sont pourtant belles – tel est le piège de l’apparence ! Ces œuvres renferment des laideurs repoussantes sous un vernis civilisationnel… Ne sait-on pas depuis longtemps que nos civilisations sont mortelles mais qu’elles sont également d’une cruauté sans borne, d’une stupidité sans limite, d’un machiavélisme au petit pied. Conséquences d’un fatum dégurgitant de dérisoire ou entêtement de l’humain au n’importe quoi ?

A l’entrée de la galerie du centre ancien bastiais, sur la droite, des pièces qui interpellent. L’artiste en une lucidité doublée de colère a utilisé du tuf de Corse et l’a mélangé à des pigments ardents rongés d’oxydation, cela donne du turquoise dont il faut se méfier de la dangerosité car il emprunte un voile de quiétude trompeur. Il y a aussi une œuvre au rouille, au brun avec quelques éclats plus clairs. En face, des pièces à base de cire d’abeille et de pigments pour dire les rites de plus en plus difficultueux de la pollinisation. Mise en garde… Malades les faiseuses de miel ? Comment pourrait-il en être autrement dans un monde autant gâché, esquinté… Dans la salle aveugle du rez-de-chaussée, François Husson expose de petits formats peints à l’huile qui fascinent par leur jeux de lumière.

Côté cour, souriante de verdure, on trouve les réalisations de Volkmar Ernst. Abstraction toujours, mais démarche différente. Des rouges vermillon et toniques qui virent peu à peu au bleu, au vert, au foncé et cette ligne et ce trait qui traverse le tableau. Tracé horizontal barrant la toile, transperçant des tensions qu’on devine sous-jacentes courant par des ondes pourtant paisibles… apaisées.

L’artiste est musicien de jazz, cela se sent. Cela se découvre. Cela se voit.

Michèle Acquaviva-Pache


« Réalités Nouvelles » n’englobe que des plasticiens abstraits qu’on regroupe sous l’appellation abstraction géométrique tel Mondrian et abstraction lyrique, c’est celle que je pratique tout comme Volkmar Ernst qui expose avec moi… »

François Husson


Vous faites partie du mouvement « Réalités Nouvelles » pouvez-vous évoquer son importance dans l’histoire de l’art ?

C’est Guillaume Apollinaire qui invente cette expression en 1912, quand gravite autour de lui toute la bande de Picasso. C’est un mouvement qui tend vers l’abstraction en évoluant. En 1941, à la mort de Robert Delaunay, Sonia Delaunay et Jean Arp, le sculpteur, organise une exposition « Réalités Nouvelles ». En 1946, se tient le premier salon officiel du mouvement. Il aura lieu désormais tous les ans et au fil du temps changera plusieurs fois d’endroits à Paris. « Réalités Nouvelles » n’englobe que des plasticiens abstraits qu’on regroupe sous l’appellation abstraction géométrique tel Mondrian et abstraction lyrique, c’est celle que je pratique tout comme Volkmar Ernst qui expose avec moi à la Galerie Noir et Blanc. Notre mouvement rassemble des peintres, des sculpteurs, des graveurs…


Pourquoi avoir voulu rejoindre « Réalités Nouvelles » ?

Parce que ça me correspond bien. En 2012, j’ai monté un dossier d’adhésion qui a été refusé par le comité de sélection. A mon deuxième essai j’ai été accepté. A chaque salon en octobre-novembre, à Paris, quelques 400 artistes exposent leurs œuvres. Tous les ans il faut être sélectionné à nouveau pour participer au salon si bien qu’on peut à chaque fois découvrir des peintres, des sculpteurs différents. 12 à 13.000 artistes sont ainsi passés par le salon « Réalités Nouvelles » depuis 1946 dont 900 à 1000 ont une audience internationale.


Comment vous est venu l’amour de l’art ?

C’est une longue histoire qui débute avec une mère qui dessinait très bien et qui m’a communiqué son goût. Pendant une période j’ai eu des activités autres. Mais en 1980 en m’installant à Paris et en fréquentant le noyau dur d’amis de l’entourage d’Antoine Blondin, l’écrivain, j’ai retrouvé l’étincelle et repris le dessin en m’attachant surtout au portrait et aux expressions des visages. Puis je suis venu à l’abstrait. Depuis lors je n’ai pas arrêté et j’ai toujours des chantiers en cours.


Quelles ont été les étapes principales de votre parcours ?

Pour moi ce sont les rencontres qui sont essentielles. J’ai beaucoup de copains artistes qui font tout autre chose que de l’abstraction et ça n’empêche pas qu’il y ait osmose entre nous. Les autres, c’est important parce que dans l’atelier on est complètement solitaire… Solitaire face au travail… Solitaire face à l’œuvre…


Comment peignez-vous ? Qu’est-ce qui vous incite à vous mettre au travail ?

Je fais une relation étroite entre le sport et la peinture. Mon sport à moi c’est le rugby. Conséquence devant une toile j’ai un besoin physique de m’exprimer. Alors à coups de spatule je manie la terre, la matière. Je ne suis pas de ceux qui utilisent un pinceau de soie ! Ce qui n’exclut pas que la notion du beau soit présente dans ce que je peins parce que je suis le premier spectateur de mes œuvres et que cela peut et doit être un vrai bonheur. En somme ma peinture est une thérapie.


Dans votre travail la dégradation de la planète est une préoccupation qui vous hante ?

Je suis très préoccupé par les problèmes environnementaux actuels. Tout est abîmé d’une manière effrayante : la chaîne de l’écosystème, la santé des gens… On peut également s’interroger sur le bio qui est si tendance ! Dans mes œuvres il y a également une recherche de spiritualité, une quête d’apaisement c’est pourquoi je parle de thérapie… J’ai de surcroit beaucoup de période de doutes.


La couleur, la matière, le support qu’est-ce qui est prioritaire à vos yeux ?

La couleur. Mais j’écarte le rouge, le bleu, le jaune pur, je ne peux, en effet, travailler directement les couleurs primaires car il me faut absolument de la transparence. Parfois je superpose couche sur couche pour que ça fonctionne. Pour arriver à ce résultat c’est une question d’équilibre à atteindre entre l’œuvre et moi. Après vient la gestuelle, la forme.


Quand êtes-vous satisfait d’une peinture ?

Je cherche toujours quelque chose de fort, d’original. Tant que l’équilibre, dont j’ai parlé, n’est pas là, ça ne va pas. S’il y a un décalage tout peut être perturbé. Mais il y a aussi des accidents qui sont formidables.


Tenez-vous compte des remarques du public ?

J’écoute… mais n’en tiens pas compte car mon travail est trop personnel.


Les questions les plus fréquentes que l’on vous adresse ?

« Combien de temps vous a pris ce tableau » ? Or, cette question n’a pas de sens parce qu’en art la notion de temps n’existe pas. Un travail peut être réalisé très rapidement et être satisfaisant ou il peut exiger des années ! Je note néanmoins qu’aller vite s’effectue souvent au détriment de la qualité.


Qu’est-ce qui vous a séduit dans la démarche de la « Galerie Noir et Blanc » de Bastia, vous qui exposez dans des capitales ?

France-Anne, la galeriste, est une personne qui défend les artistes sur tous les plans. Très active elle fait un bon boulot qui ne se résume pas à louer des murs ! Avec elle j’ai fait une belle rencontre. Nous aurions dû présenter une exposition « Réalités Nouvelles » en avril dernier, à L’Arsenal de Bastia, le covid en a décidé autrement. C’est partie remise. Le président du mouvement, Olivier di Pizio, est chaud bouillant pour venir à Bastia, avec de nombreux artistes, au printemps 2021. C’est toujours grâce à France-Anne que nous avons pu montrer notre travail dans le cadre d’Arte Mare en 2019.

Propos recueillis par M.A-P




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