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Nationalisme : seul l'insensé persiste dans son erreur

Les dirigeants nationalistes auraient mille fois tort de considérer que le choc COVID 19 et une bonne gestion de crise suffiront pour les remettre en selle. Ils bénéficient d’un répit et non d’un miracle.
Fin mars, revenant sur les résultats du premier tour des élections municipales, nous avons constaté l’échec des trois partis de Per a Corsica : « Il est évident que la vague nationaliste, régulièrement montante et toujours plus impétueuse ces dernières années, s’est brisée sur l’écueil municipal. » Il y a quelques jours, notre confrère de Via Stella Jean-Vitus Albertini a lui aussi relevé cet échec : « A de très rares exceptions, le score des listes menées ou soutenues par Femu a Corsica ou par les autres composantes de la majorité territoriale a été très en-deçà de leurs espoirs. » Il convient d’ajouter que l’intéressé a pertinemment complété ce constat en soulignant les résultats décevants des nationalistes qui avaient misé sur une opposition frontale à Per a Corsica : « Cet insuccès des partis de gouvernement nationalistes n'a nullement bénéficié́ à ceux qui, hors institutions, ont mené une campagne parfois virulente, en particulier le mouvement Core In Fronte. » Concernant la portée à attribuer à l’échec des partis de Per a Corsica, nous avons dès la mi-mars évoqué un impact possible sur les prochaines élections territoriales : « Les scrutins d’Ajaccio et Bastia ont peut-être dessiné le début d’un grand changement. Alors que le divers droite Laurent Marcangeli a assis son pouvoir, Gilles Simeoni a vu sa position fragilisée. » Ces derniers jours, Jean-Vitus Albertini est lui aussi allé en ce sens : « Le résultat des élections municipales sonne comme un avertissement (...) A un an des élections territoriales le revers électoral des nationalistes n'est pas le fruit du hasard ni un épiphénomène. Le nier pourraient les conduire à bien des désillusions. » Cependant le report du second tour des élections municipales ainsi que le confinement désormais prolongé ayant résulté de la propagation et de la létalité du COVID 19 font oublier ou passer au second plan l’échec nationaliste. Dans quelques mois, il sera peut-être aussi avéré que l’irruption du COVID 19 aura offert à Gilles Simeoni l’opportunité de redorer son blason et de reprendre la main. En effet, en créant l’exigence de réponses urgentes et globales, en rendant impossible le débat politique, en favorisant un réflexe légitimiste et en provoquant un besoin de consensus, la crise COVID 19 permet au Président du Conseil exécutif d’occuper quasiment seul tous les terrains : présence médiatique, interlocuteur majeur de l’Etat, principal décideur local, défenseur des intérêts de la Corse et de la santé des Corses... Il apparaîtra peut-être aussi que l’irruption du COVID 19 aura épargné à Gilles Simeoni d’essuyer une défaire cuisante aux municipales de Bastia car, en gérant plus que convenablement la crise, Pierre Savelli qui est en ballotage difficile, gagne quotidiennement en légitimité, en crédibilité et en popularité alors que ses adversaires n’ont guère l’occasion de se mettre en valeur et pâtiraient de se montrer critiques.

Un répit n‘est pas un miracle


Gilles Simeoni et plus généralement l’ensemble des dirigeants nationalistes auraient toutefois mille fois tort de considérer que le choc COVID 19 et une bonne gestion de crise suffiront pour les remettre en selle. L’irruption du nouveau virus leur permet de bénéficier d’un répit et non d’un miracle. Il leur appartient d’exploiter au mieux la situation. En ce sens, il importe d’abord que la culture de gouvernement et la prise de décision remplacent enfin l’affichage de principes et l’étalage de promesses. Le traitement concret des grands dossiers ne peut plus être différé. Alors que les crises des déchets se répètent, il ne suffit plus de clamer « Non à l’incinération » et d’annoncer un énième plan de traitement et de valorisation du contenu de nos poubelles. Alors que la spéculation immobilière et la bétonisation font des ravages, il importe d’organiser, en coordination avec les associations pour la protection de l’environnement, de puissantes actions juridiques ou de terrain contre la spéculation immobilière. Alors que la désertification des villages de l’intérieur se poursuit, leur revitalisation passe obligatoirement par la mise en œuvre d’un programme de réhabilitation des routes dites secondaires. Alors que la décorsisation des emplois se poursuit, il est essentiel qu’après avoir signé la Charte pour l'emploi local, les collectivités publiques et les entreprises gérées par des nationalistes ainsi que les organismes percevant des subventions de la Collectivité de Corse soient énergiquement invitées à user de tous les moyens à leur disposition pour recruter en Corse. Alors que le tout tourisme devient invasif, il est impératif que les politiques d’aide aux professionnels du tourisme soient fléchées er au besoin réorientées afin d’aller prioritairement au tourisme durable. Alors que... Gilles Simeoni et l’ensemble des dirigeants nationalistes feraient bien aussi de mettre fin à leurs querelles car les dissensions au sein de Per a Corsica et les attaques de Core in Fronte contre la majorité territoriale sont assimilées à des pratiques politicienne et très mal acceptées. En effet, la plupart des militants et des sympathisants sont tentés par l’abstention. Quant aux électeurs non nationalistes qui, à partir de 2014, ont permis à Per a Corsica de l’emporter, ils se prennent à considérer que les nouveaux élus ressemblent aux anciens et à regretter leur vote. Il est impératif que Gilles Simeoni et l’ensemble des dirigeants nationalistes, dès que le confinement aura pris fin, se retrouvent autour d’une table. Mais réaffirmer quelques fondamentaux du nationalisme et reconstituer un cartel électoral ne suffira pas. En mars 2021, après cinq années d’exercice des responsabilités, Per a Corsica et plus globalement l’ensemble de la mouvance nationaliste devront prouver qu’ils savent faire mieux qu’élaborer un budget en équilibre et gérer le quotidien. Il leur faudra produire une vision et défendre un projet. Divisé et ne proposant à ce jour aucune perspective de société nouvelle, le nationalisme gagnerait à méditer à partir de cette phrase tirée des Philippiques (Cicéron) : « Cuiusvis hominis est errare: nullius nisi insipientis perseverare in errore » (C'est le propre de l'être humain de se tromper, seul l'insensé persiste dans son erreur).
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