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Edouard Philippe et Laurent Marcangeli : horizon néo-jacobin pour la Corse ?

La proximité amicale et politique entre Edouard Philippe et Laurent Marcangeli pourrait beaucoup influer sur la vie politique corse si......
Edouard Philippe et Laurent Marcangeli : horizon néo-jacobin pour la Corse ?


La proximité amicale et politique entre Édouard Philippe et Laurent Marcangeli pourrait beaucoup influer sur la vie politique corse si Emmanuel Maceron est réélu et si l’ancien Premier ministre devient dominant et incontournable au sein de la future majorité présidentielle.


Le 9 octobre dernier, au Havre, devant un parterre de 3000 personnes dont 600 élus venus des quatre coins de France, le maire de la ville Édouard Philippe a officiellement annoncé la création de son parti : Horizons. L’ancien Premier ministre a aussi apporté de nombreuses clarifications. Il a précisé l’identité idéologique du nouveau parti et décliné les étapes d’un tableau de marche à court terme : positionnement de droite et de centre-droit, congrès constitutif en décembre prochain, structuration durant les premiers mois de l’année 2022, s’employer à la réélection d’Emmanuel Macron si ce dernier sollicite un second mandat. Il a fixé des caps : construire un socle de stabilité à partir d’un vrai parti ayant des statuts clairs et une charte des valeurs, s'inscrire dans une démarche de rassemblement, réfléchir à une stratégie pour la France à l'horizon 2050. Par ailleurs, même s’ils n’ont pas été énoncés, les objectifs à moyen terme et à long terme assignés à Horizons sont aisément lisibles : investir de nombreux candidats à l’occasion des élections législatives qui auront lieu en juin 2022 après le scrutin présidentiel, disposer d’un nombre de députés indispensable à la constitution d’une majorité présidentielle afin d'influer sur les politiques d’Emmanuel Macron si ce dernier est réélu, renforcer le profil de présidentiable 2027 qui est d’ores et déjà reconnu à Édouard Philippe par la classe politique et les médias. Laurent Marcangeli a fait le déplacement. Sa présence représentait le soutien apporté à un ami et à une démarche politique. En effet, une estime réciproque et des convictions communes créent des liens et de la confiance entre le maire d’Aiacciu et le leader d’Horizons. En juin dernier, venu à Aiacciu dédicacer son livre « Impression et lignes claires », Édouard Philippe a exprimé sur France Bleu RCFM, combien il tenait en haute estime Laurent Marcangeli qui menait alors campagne dans le cadre des élections territoriale : « Je ne suis pas corse, je ne suis pas né en Corse et je ne suis pas le mieux placé pour dire ce qu’attendent ou non les Corses. La seule chose que je peux vous dire avec certitude, c’est que je connais Laurent, et je sais ce qu’il vaut. Je sais qu’il a tout ce qu’il faut pour être un excellent président de l’Exécutif. » De son côté, Laurent Marcangeli avait alors assumé sa proximité amicale et politique avec une personnalité ayant incarné une politique Macron peu populaire en Corse et étant le maire d’une ville dont les dirigeants et les joueurs de l’équipe de football avaient eu, deux ans auparavant, un comportement des plus inamicaux à l’encontre de l’ACA : « Aujourd’hui nous mettons la campagne entre parenthèses. Je reçois un ami et je suis heureux qu’il vienne ici pour dédicacer son livre. D’ailleurs, il m’a demandé si le calendrier ne me gênait pas, et je lui ai dit qu’il était le bienvenu. »


Pacte néo-jacobin ?

Les deux hommes ont probablement tissé des liens forts à l’occasion des primaires ayant désigné le candidat Les Républicains aux élections présidentielles de 2017. S’opposant de ce fait à Nicolas Sarkozy et une partie de la droite insulaire, Laurent Marcangeli avait alors choisi de s’engager aux côtés d’Alain Juppé ayant été le mentor politique d’Édouard Philippe. Les deux hommes ont plusieurs points communs. Ils ont un positionnement similaire dans les rapports avec Emmanuel Macron : soutien loyal. Ils jugent peu crédible la démarche paradoxale de leur ancien parti, Les Républicains, qui s’oppose à la personne d’Emmanuel Macron et soutient en grande partie l’action de ce dernier. Ils s’identifient à une droite non pas clivante mais de rassemblement. Ils ont fondé leur propre parti (Laurent Marcangeli a créé « Ajaccio, le mouvement » en septembre 2018). Aussi la proximité amicale et politique entre les deux hommes influera probablement beaucoup sur la vie politique corse si Emmanuel Maceron est réélu et si Édouard Philippe devient dominant et incontournable au sein de la future majorité présidentielle. Laurent Marcangeli sera peut-être ministrable. Il confortera sa position de leader de la droite et du centre droit car il sera davantage en mesure de peser sur des élus de la vieille droite qui ne l’ont guère aidé à l’occasion des dernières élections territoriale et de juguler l’indiscipline d’une partie de Les républicains incarnée par François-Xavier Ceccoli. Il disposera d’un soutien plus ferme dans son opposition à la majorité siméoniste alors que cette dernière saura davantage à quoi s’en tenir dans les relations avec Paris. En effet, alors qu’Emmanuel Macron a soufflé le chaud et le froid en matière de décentralisation car dessinant la perspective floue mais alléchante pour certains nationalistes d’un « pacte girondin » (campagne présidentielle 2017) et évoquant « le droit à la différenciation qui permettra à la Collectivité de Corse d’être habilitée à adapter les lois et règlements régissant l’exercice de ses compétences et à obtenir le transfert de nouvelles compétences » (7 février 2019, Bastia), tout en incitant les préfets de Corse à toujours plus d’interprétation restrictive des compétences de la Collectivité de Corse et d’interventionnisme dans l’exercice de leurs missions, Edouard Philippe fait dans une retenue qui, si elle a le mérite de la franchise, ne peut que donner peu d’espoir aux différentes composantes nationalistes. La lecture du Manifeste d’Horizons révèle en effet un point 8 qui à priori ne peut leur apparaître que peu engageant « L’organisation décentralisée de la République » préconisant en tout et pour tout « une répartition plus efficace des compétences entre des collectivités au rôle clarifié et un État renforcé sur ses prérogatives régaliennes. » Presque un indice de « pacte néo-jacobin »...



Pierre Corsi
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