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La JIRS, la mafia et nos contradictions

Le rapport de la JIRS concernant la grande délinquance corse, dont l'existance a été dévoilé par jacques Follorou dans le Monde, a pris tout le monde de court.

La JIRS, la mafia et nos contradictions


Le rapport de la JIRS concernant la grande délinquance corse, dont l’existence a été dévoilée par Jacques Follorou dans Le Monde, a pris tout le monde de court. Mais aucune voix ne s’est élevée contre les préconisations d’une justice d’exception spécialisée dans les affaires corses. Il y a simplement dix ans, pareille proposition aurait provoqué une levée de boucliers dans l’île, Ligue des droits de l’homme en tête. Aujourd’hui, elle reçoit un assentiment quasi unanime alors que le ministère de la Justice — quelle ironie — — traîne des pieds.

Un rapport qui sent la désespérance policière et judiciaire

Ne nous faisons pas d’illusions : lorsque de pareils documents fuitent dans la presse, c’est la traduction d’une frustration de ses auteurs face au silence de leur hiérarchie. Les préconisations de la JIRS sont extraordinaires à plusieurs titres. En premier lieu, les enquêteurs et les magistrats spécialisés dans le crime organisé tirent la sonnette d’alarme en mettant en exergue la grande criminalité corse qui, selon eux, occupe une place à part dans le paysage français. Alors même que deux gros trafiquants de drogue, tous deux d’origine maghrébine, ont été arrêtés à l’étranger, que les assassinats se multiplient à Marseille, c’est la Corse qui attire l’attention.
Le deuxième aspect important est que les auteurs du rapport parlent de structures criminelles tendant à devenir une mafia au sens traditionnel du terme. Entendons par là, la rencontre détonante du politique, de l’économique et du gangstérisme de façon pérenne. J’avais jusque là affirmé qu’un tel processus était pour l’instant inexistant et se limitait à un milieu traditionnel. Me voilà soudain ébranlé dans mes certitudes, car si des policiers et des magistrats, qui sont quotidiennement confrontés à ce mal, l’analysent ainsi, c’est qu’ils ont de bonnes raisons.
D’autant que la JIRS de Marseille couvre tout le sud-est et est donc en capacité de comparer la puissance du milieu corse à celle du reste de la voyoucratie.

Des faits avérés


Je ne suis pas de ceux qui estiment que l’utilisation des moyens de répression doit être fixée une fois pour toutes et de manière intangible. Il est évident par exemple que l’irruption du terrorisme en France a obligé les autorités à déplacer le curseur des droits et devoirs vers une limitation des libertés. Et aujourd’hui, il est vital pour la société corse de se défendre contre ce cancer qu’est la grande délinquance. Or, au vu et au su de ce qui apparaît de la gestion de notre région, on peut affirmer que des secteurs entiers de notre économie sont gangrénés par la corruption et que les corrupteurs sont certes les voyous, mais aussi des politiques et parmi eux certains nationalistes. Dans une écoute pratiquée dans sa cellule, Jean-Luc Germani, un des gros voyous du moment, confiait à Guy Orsoni que la construction du nouvel hôpital d’Ajaccio avait donné lieu à des réunions rassemblant des voyous, des représentants de la société chargée de la construction et des nationalistes.
Curieusement, cette écoute n’a donné lieu à aucune enquête. Et que dire de la situation des chambres de commerce et d’industrie qui va vraisemblablement donner lieu à des règlements de compte ou à des arrangements. Dans les deux cas, la Corse sera perdante. Car enfin la CCI de Corse du sud a été maintes fois plastiquée, deux de ses présidents ont connu la prison, un autre abattu tandis qu’une autre démissionnait. Et nous devrions feindre de croire que tout cela est normal.

Une démarche à l’italienne

Deux collectifs antimafia ont vu le jour et ça n’est pas rien. Mais pour l’heure, ils n’ont rien dénoncé de précis, ne se sont pas attaqués aux véritables problèmes dévoilés dans l’agriculture (la prime à l’hectare), dans les transports ou dans le commerce. Le rapport de la JIRS se plaint de l’omertà qui règne en Corse. Pardi, les rares plaignants ont assisté à une débandade judiciaire quand eux étaient menacés. Il reste les méthodes à l’italienne proposées par les collectifs et désormais la JIRS : délit d’associations mafieuses, détention à l’isolement total, confiscation systématique des biens douteux avant même que ne soit administrée la preuve de leur acquisition malhonnête.
Peut-être faudra-t-il en arriver là pour border cette délinquance insulaire. Mais rappelons l’équation de Hobbes sur le Léviathan : l’état nous protège, mais en échange nous lui abandonnons une partie de nos libertés. Je n’y vois pas d’inconvénients à la condition que le marché soit clair et qu’on ne vienne pas ensuite brailler contre la répression au prétexte qu’elle ait frappé un cousin, un ami ou un militant.

GXC
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