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Anna Francesca Leccia : << Democratia dépoussière un peu l'histoire >>

Le magazine mensuel Democratia propose un regard sur le monde méditerranéen à travers le prisme de l'Histoire.

Anna Francesca Leccia : « Democratia dépoussière un peu l’Histoire »



Diffusé depuis trois ans sur France 3 Corse ViaStella, le magazine mensuel Democratia propose un regard sur le monde méditerranéen à travers le prisme de l’Histoire. Présentatrice de l’émission, la journaliste Anna Francesca Leccia dévoile les coulisses de ce programme qui donne un certain coup de jeune à la manière de traiter un fait historique.


Depuis février 2019, vous présentez Democratia sur France 3 Corse ViaStella. Comment a débuté l’aventure de ce magazine-documentaire qui offre un regard historique sur la Méditerranée ?

L’idée vient de Paul Rognoni qui produit l’émission avec l’équipe de Mareterraniu. À l’époque, Paul, ViaStella et son directeur des programmes Philippe Martinetti voulaient proposer une émission historique. Ils ont donc pensé à Democratia et ont commencé à la concevoir. À ma grande surprise, Paul m’a contactée pour me demander de la présenter. Nous avions déjà travaillé ensemble sur un documentaire consacré à Tino Rossi (Vieni, vieni Tino). Il avait vu comment j’écrivais, comment j’interagissais avec les gens que j’interviewais. Jusqu’alors, je n’avais jamais envisagé faire de la présentation. Du coup, j’ai dit oui, un peu aussi pour me mettre en danger et essayer quelque chose de nouveau. Et surtout, le thème était magnifique : l’histoire des pays de la méditerranée.


Vous êtes diplômée de l’école de journalisme de Sciences Po Paris. Vous vivez entre l’Italie et la Corse. Ce programme sur la géopolitique du bassin méditerranéen semblait taillé pour vous, non ?

Lorsque j’ai commencé à présenter Democratia, cela faisait un an que j’étais diplômée. Auparavant, j’avais notamment fait une enquête en Italie sur la pédophilie dans l’église catholique. Comme j’avais fait ce travail d’investigation, Paul Rognoni savait que j’avais cette écriture à la fois journalistique et un peu plus documentariste. Je pense que c’est un peu ça qui a fait qu’on a pensé à moi. Puis, avec Sciences Po, il y avait un tropisme et il le savait. Dans nos discussions, il savait que ça me plaisait.


À seulement 28 ans, vous êtes la figure d’une émission qui dissèque des faits historiques précis. Faut-il y voir une volonté d’allier Histoire et jeunesse ?

L’idée de l’émission était un peu de dépoussiérer l’Histoire, c’est-à-dire de sortir de cette image de l’historien vu comme un homme âgé. Je pense aussi qu’on m’a choisie pour ma jeunesse. On essaie donc d’apporter une touche un peu plus moderne et interactive. On a notamment créé des rubriques comme Twhistoria (une citation historique sous forme de tweet). Des personnes nous envoient également des vidéos en mode selfie afin de participer au débat. On essaie donc de sortir un peu de ce côté « bibliothèque ». D’ailleurs, dans le nouveau plateau d’Ajaccio, on a recréé l’univers de Democratia. Il y a notamment une grande carte du monde ainsi que des grandes affiches interactives. De plus, dans le choix des invités, j’essaie de recevoir des historiens, mais aussi des historiennes, des journalistes ou des experts qui représentent la jeune génération. Je pense que c’est quelque chose qui est propre à l’émission.


Comment trouvez-vous les intervenants ? Est-ce difficile ?

Ça dépend des thèmes. De manière générale, je cherche des personnes habituées à l’exercice de la télé ou de la radio, car c’est particulier. Je me suis rendue compte qu’il y avait beaucoup plus d’hommes visibles dans les médias, ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas de femmes historiennes ; c’est juste qu’on les voit un tout petit moins. Il faut donc chercher. En quatre saisons, j’ai réussi à créer un réseau de contacts, notamment dans différentes universités. On n’invite pas seulement des personnes qui sont dans les grandes écoles parisiennes, on va aller dans toutes les universités. L’idée est d’avoir un panel varié qui soit le plus représentatif possible car l’Histoire n’est pas unique. Il y a différents points de vue et on les expose.


L’émission dure 52 minutes et se divise en deux parties égales : un documentaire suivi d’un entretien avec deux invités en plateau que vous interviewez. Le concept a légèrement évolué par rapport aux débuts…

Oui, mais l’idée directrice reste toujours la même : comment l’histoire peut nous permettre de comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Néanmoins, cela ne nous empêche pas d’être en constante réflexion sur ce que l’on propose. Paul Rognoni est très attentif à ce que l’émission soit de qualité. C’est la priorité absolue. Il ne nous laisse pas tomber dans la facilité. Depuis la deuxième saison, les deux invités sont en effet sur le même plateau, alors qu’avant je les interviewais séparément. Désormais, on est davantage sur une discussion, avec un vrai échange sur des sujets plus larges. C’est d’ailleurs magnifique d’avoir autant de temps à la télévision pour s’entretenir avec deux personnes.


Qui réalise le documentaire de 26 minutes en première partie ?

Ils font partie de la collection « les échos de l’Histoire ». On est une équipe de trois réalisateurs : Eduardo Malvenuti, Julien Meynet et moi. Il y a aussi les monteurs Gildas Houdebine et Thomas Patras. Là aussi, l’équipe est plutôt jeune. On choisit ensemble les thèmes des documentaires, on propose, on discute avec Paul et, ensuite, chacun se les répartit.


Vous réalisez également ?

Lors des deux premières saisons, je ne réalisais pas. J’écrivais un peu mais là je me suis mise à la réalisation. J’ai fait un premier documentaire sur les femmes pendant la guerre civile espagnole. Pour cette quatrième saison, je vais en faire trois. Le prochain sera sur la loi Veil. Ce qui m’intéresse, c’est aussi de rendre de la visibilIté aux femmes qui ont participé à l’Histoire car elles sont parfois oubliées.


La Révolution des Œillets au Portugal, les miliciennes de la guerre d’Espagne, la Palestine, la ligue arabe et dernièrement la Coupe du Monde de football organisée en Italie en 1934 sous Mussolini. Autant de sujets aussi complexes que passionnants. Comment choisissez-vous le fait historique précis que vous allez traiter ?

Il y a constamment un fil conducteur entre ces différents événements : ce sont toujours des moments de bascule où la démocratie est mise en jeu. C’est un peu la force de ces documentaires. En 26 minutes, on va aller zoomer sur un moment très précis. Grâce au tremplin de l’histoire, on va pouvoir partir d’un thème en particulier, d’une ambiance, d’un pays ou d‘un personnage. On va dérouler tout le fil de l’histoire pour tenter de comprendre ce qui se passe aujourd’hui.


La Corse a-t-elle déjà été abordée dans Democratia ?

Oui. D’ailleurs, c’est Julien Meynet et Thomas Patras qui ont fait un documentaire sur l’arrivée des pieds noirs et la création du FLNC. Moi, il se trouve que je suis toujours happée par l’Italie. Là, je viens d’ailleurs de terminer un documentaire sur les services secrets italiens dans les années 70.


Quel sera le sujet du prochain numéro diffusé le 14 décembre sur ViaStella ?

Ce sera encore en Italie. Il sera consacré à Gabriele D’Annunzio, un poète italien qui a fait de la ville de Fiume un État indépendant, à la fois artistique, poétique et anarchiste. C’est Eduardo Malvenuti qui a réalisé le documentaire. Il a trouvé des archives magnifiques de jeunes italiens qui ont participé à cette expérience en 1919. La seconde partie de l’émission sera elle consacrée au rôle des artistes dans l’histoire et des liens qu’ils entretenaient avec les politiques. Sont-ils des serviteurs du pouvoir ou, au contraire, des objecteurs et des résistants ?


En quatre saisons de Democratia, quelle est la plus belle remarque entendue au sujet de l’émission ?

Une historienne m’a dit qu’elle montrait des extraits de Democratia à ses étudiants. À l’époque où j’étais à Sciences Po, j’adorais apprendre et comprendre le monde à partir de documentaires télé ou radio. Alors, si on peut être un support comme celui-là, et que j’arrive à être intelligible et à avoir un impact sur les étudiants, c’est déjà pas mal…

Interview réalisée par A.S
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