A propos de la non violence
Une réponse à la fois critique et amicale à l’édito « Les adeptes inconscients du Duce » (JDC n°11482 du 25 au 31 / 07 / 2025)
A propos de la non-violence
Jean-François Bernardini, lire ci-dessous, a apporté une réponse à la fois critique et amicale à l’édito « Les adeptes inconscients du Duce » (JDC n°11482 du 25 au 31 / 07 / 2025) dans lequel je déplorais que notre peuple soit de plus en plus mis en marge sur sa terre ou poussé hors de chez lui. Réponse qui, je l’en remercie, m’offre l’occasion d’exprimer un mea culpa et d’expliquer.
Caru Pierre-Louis Alberghi, Amichi di u JDC
Merci pour votre éditorial - Les adeptes inconscients du Duce - et votre indignation face à tout ce qui bouleverse la géographie sociale et humaine de la société corse. Il est bon et juste de s’ indigner. Au passage vous désignez les facilitateurs de cet effondrement qui ne seraient autres que « les prédicateurs de la non-violence qui en Corse mélangent tout ». Aidez-nous à comprendre la nature du mélange. Loin d’ être le seul en ce monde à prôner la force, le pouvoir et l’efficacité de l’action, l’analyse, la résistance non-violente, permettez-moi avec tant d’autres, de me sentir alerté par votre interprétation de la non violence. Ne serait-elle pour vous que passivité , complicité, soumission, la résumant à un simple un refus de la violence ? La violence dont on laisse souvent entendre, qu’elle a toujours su, et qu’elle saurait bien mieux s’y prendre, pour solutionner nos problèmes. Gandhi disait « Je préfère la violence à la lâcheté…. mais je sais que la non violence est plus efficace ». Par la suite, il a démontré que par l’action et les stratégies non-violentes, on pouvait renverser le colonialisme britannique. S’adressant à un interlocuteur qui affirmait que « tous les moyens sont bons », y compris ceux de la violence, pour atteindre une fin juste, Gandhi disait : « Vous faites une grande erreur en croyant qu’il n’y a pas de rapport entre les moyens et la fin. Votre raisonnement est le même que celui qui consisterait à dire que nous pouvons obtenir une rose en plantant une mauvaise herbe. »
Les étudiants serbes ont fini par chasser Milosevic, sans une seule goutte de sang
La violence finit par offrir à l’adversaire tous les arguments dont il a besoin pour discréditer les combats les plus nobles. Je vous invite à considérer cela au sujet de la Corse. Ce qui nous enferme aujourd’hui, c‘est que nous n’avons aucune idée des mille méthodes de la non-violence active. Nous n’avons aucune idée de sa réelle efficacité face à l‘injustice. Nous n’avons aucune expérience de sa capacité à organiser, à rassembler le peuple, la force du peuple, la force du nombre, à libérer les énergies positives, à créer la confiance. Nous avons trop peu l’expérience de sa fécondité à transformer durablement les réalités et les consciences. Il est vrai que cela ne s’improvise pas. Cela s’apprend. Voilà le défi. Par ailleurs, je vous invite a considérer comment, par les stratégies strictement non violentes, organisées, structurées, les étudiants serbes avec le peuple ont fini par chasser Milosevic, le boucher des Balkans en l’an 2000, sans une seule goutte de sang. Je vous invite à observer comment aujourd’hui même, en 2025, aux yeux du monde entier, les nouveaux étudiants serbes marchent ensemble des kilomètres, organisent la lutte dans le pays avec des méthodes non violentes, pour renverser les corrompus , avec le slogan : « la corruption tue ».
La non-violence, ce n’est pas renoncer à lutter. C’est lutter cent fois mieux
Si les « prédicateurs de la non-violence » se trompaient et nous trompaient, interrogeons-nous : « Que nous reste-t-il alors, pour affronter les défis ? » Laissez-moi vous dire par ailleurs, combien il faut se méfier de cette « violence par procuration » que d’autres saluent très souvent en Corse et pour la Corse. Ils le font d’ailleurs depuis leur « résistance de canapé », préférant sans doute envoyer en mission, les enfants des autres, les enfants des Corses. Les graines de non violence commencent à germer dans notre île. Les citoyens sortiront de leur rôle de spectateur, trop souvent voués à l’impuissance et à la résignation, dans l’attente de je ne sais quel sauveur. Concernant les « prédicateurs », je vous invite pour ma petite part, à consulter les actions d’Umami, de Terre de liens Corsica et d’ I Muvrini, dont je suis le dévoué serviteur. Comme Bergson le conseille à nous tous, j’ aime me rapprocher tous les jours de ce réalisme citoyen : « N’écoutez pas seulement ce qu’ils disent , regardez ce qu’ils font ». La non-violence, ce n’est pas renoncer à lutter. C’est lutter cent fois mieux. Pour le moment la Corse, ne l’a jamais essayée, faute de savoir réellement de quoi il s’agit, comment s’y prendre, et ce que cela implique d’efforts, d’intelligence et de stratégie. Incù rispettu è amicizia, vi mandu un fraternu salutu.
Jean-François Bernardini
PS / Je vous invite à lire « Zeru vergogna » écrit en complicité avec Laurina Marchi. Je me ferai un plaisir de vous le faire adresser si vous le souhaitez.
Caru Jean-François,
Effectivement, comme vous l’avez l’a souligné et déploré, j’ai mis en cause dans ce texte « nos prédicateurs de la non-violence qui désormais mélangent tout ». Je retire très volontiers et même avec de sincères regrets, voire excuses, cette phrase et le signifiant qu’elle suggère. Oui, elle est malheureuse, il aurait été plus judicieux, plus juste, pour traduire ma pensée, que je l’exprime comme suit. Si toutes les violences sont regrettables, toutes ne peuvent être mises sur un même plan, Dans le cadre d’un conflit, il arrive que l’urgence historique et la colère légitime découlant de la violence (assumée ou masquée), de la duplicité et de la mauvaise volonté d’une des parties qui refuse toute solution équitable, puisse rendre la violence de l’autre partie, non pas morale, non pas glorieuse, non pas satisfaisante, mais malheureusement inévitable et souvent utile. Cette configuration a été et est peut-être encore une réalité chez nous.
Il a fallu la révolte quasi insurrectionnelle d’une partie de la jeunesse
En effet, depuis 2014, les clandestins ont donné sa chance au dialogue ; depuis 2015, dans les urnes, les électeurs de Corse ont exprimé une volonté de changement pacifique et sans rupture ; depuis des années, vous-même et d’autres travaillent à ce que la jeunesse s’empare et use de l’action non-violente et citoyenne. Mais, en face, l’immobilisme, le refus et le mépris ont jusqu’à il y a peu, tenu lieu de réponses. Il a fallu la révolte quasi insurrectionnelle d’une partie de la jeunesse à la suite de l’assassinat d’Ivan Colonna en mars 2022, pour qu’enfin un déblocage intervienne et une écoute se dessine. Avec des lignes rouges… Avec aujourd’hui, déjà des censeurs, alors même qu’un texte n’a pas encore atteint la porte du Sénat… Également en face, certains arrivés ou arrivants - avec l’assentiment de l’État, et aussi avec l’agrément, la complaisance ou la collaboration de quelques politiciens et compradores bien de chez nous - considèrent que désormais, ils peuvent impunément (la peur des bombes c’était hier), par le jeu de la démographie et de l’argent, créer les conditions économiques, culturelles et bientôt électorales de nature à faire des Corses, des spoliés et des soumis, et, demain, des marginalisés ou des migrants.
Je suis disposé à faire mienne et pratiquer la non-violence de Jésus et Gandhi
Alors, bien sûr, si des démarches populaires non violentes s’organisent pour contrecarrer tout cela, je serai dans les premiers à simultanément les applaudir, les faire connaître et les rejoindre. Et à considérer que le recours à la violence quelle que soit sa forme est caduc… Mais en attendant, tant que ne se cela ne se dessinera pas - sans inciter à passer à l’acte et en restant en recherche et à l’écoute d’alternatives - je comprendrai que des femmes et des hommes constatant que leur peuple se meurt et qu’on lui administre un placebo et non des molécules actives, décident d’opter pour la mise à la porte du personnel médical, le remède de cheval et l’ablation des ganglions et kystes. Cher Jean-François, vous l’avez très probablement compris, et ai pour ma part cru comprendre que ces démarches passées éclairent et confortent vos convictions, je suis prêt à entendre et pratiquer la non-violence de Jésus qui bouscule les marchands du Temple et celle de Gandhi qui par l’immobilité active et le rouet l’a emporté sur le colonialisme britannique. Caru Jean-François, salute fraternu.
Pierre-Louis Alberghi
PS / J’accepte avec plaisir votre offre de m’adresser « Zeru vergogna »/
Jean-François Bernardini, lire ci-dessous, a apporté une réponse à la fois critique et amicale à l’édito « Les adeptes inconscients du Duce » (JDC n°11482 du 25 au 31 / 07 / 2025) dans lequel je déplorais que notre peuple soit de plus en plus mis en marge sur sa terre ou poussé hors de chez lui. Réponse qui, je l’en remercie, m’offre l’occasion d’exprimer un mea culpa et d’expliquer.
Caru Pierre-Louis Alberghi, Amichi di u JDC
Merci pour votre éditorial - Les adeptes inconscients du Duce - et votre indignation face à tout ce qui bouleverse la géographie sociale et humaine de la société corse. Il est bon et juste de s’ indigner. Au passage vous désignez les facilitateurs de cet effondrement qui ne seraient autres que « les prédicateurs de la non-violence qui en Corse mélangent tout ». Aidez-nous à comprendre la nature du mélange. Loin d’ être le seul en ce monde à prôner la force, le pouvoir et l’efficacité de l’action, l’analyse, la résistance non-violente, permettez-moi avec tant d’autres, de me sentir alerté par votre interprétation de la non violence. Ne serait-elle pour vous que passivité , complicité, soumission, la résumant à un simple un refus de la violence ? La violence dont on laisse souvent entendre, qu’elle a toujours su, et qu’elle saurait bien mieux s’y prendre, pour solutionner nos problèmes. Gandhi disait « Je préfère la violence à la lâcheté…. mais je sais que la non violence est plus efficace ». Par la suite, il a démontré que par l’action et les stratégies non-violentes, on pouvait renverser le colonialisme britannique. S’adressant à un interlocuteur qui affirmait que « tous les moyens sont bons », y compris ceux de la violence, pour atteindre une fin juste, Gandhi disait : « Vous faites une grande erreur en croyant qu’il n’y a pas de rapport entre les moyens et la fin. Votre raisonnement est le même que celui qui consisterait à dire que nous pouvons obtenir une rose en plantant une mauvaise herbe. »
Les étudiants serbes ont fini par chasser Milosevic, sans une seule goutte de sang
La violence finit par offrir à l’adversaire tous les arguments dont il a besoin pour discréditer les combats les plus nobles. Je vous invite à considérer cela au sujet de la Corse. Ce qui nous enferme aujourd’hui, c‘est que nous n’avons aucune idée des mille méthodes de la non-violence active. Nous n’avons aucune idée de sa réelle efficacité face à l‘injustice. Nous n’avons aucune expérience de sa capacité à organiser, à rassembler le peuple, la force du peuple, la force du nombre, à libérer les énergies positives, à créer la confiance. Nous avons trop peu l’expérience de sa fécondité à transformer durablement les réalités et les consciences. Il est vrai que cela ne s’improvise pas. Cela s’apprend. Voilà le défi. Par ailleurs, je vous invite a considérer comment, par les stratégies strictement non violentes, organisées, structurées, les étudiants serbes avec le peuple ont fini par chasser Milosevic, le boucher des Balkans en l’an 2000, sans une seule goutte de sang. Je vous invite à observer comment aujourd’hui même, en 2025, aux yeux du monde entier, les nouveaux étudiants serbes marchent ensemble des kilomètres, organisent la lutte dans le pays avec des méthodes non violentes, pour renverser les corrompus , avec le slogan : « la corruption tue ».
La non-violence, ce n’est pas renoncer à lutter. C’est lutter cent fois mieux
Si les « prédicateurs de la non-violence » se trompaient et nous trompaient, interrogeons-nous : « Que nous reste-t-il alors, pour affronter les défis ? » Laissez-moi vous dire par ailleurs, combien il faut se méfier de cette « violence par procuration » que d’autres saluent très souvent en Corse et pour la Corse. Ils le font d’ailleurs depuis leur « résistance de canapé », préférant sans doute envoyer en mission, les enfants des autres, les enfants des Corses. Les graines de non violence commencent à germer dans notre île. Les citoyens sortiront de leur rôle de spectateur, trop souvent voués à l’impuissance et à la résignation, dans l’attente de je ne sais quel sauveur. Concernant les « prédicateurs », je vous invite pour ma petite part, à consulter les actions d’Umami, de Terre de liens Corsica et d’ I Muvrini, dont je suis le dévoué serviteur. Comme Bergson le conseille à nous tous, j’ aime me rapprocher tous les jours de ce réalisme citoyen : « N’écoutez pas seulement ce qu’ils disent , regardez ce qu’ils font ». La non-violence, ce n’est pas renoncer à lutter. C’est lutter cent fois mieux. Pour le moment la Corse, ne l’a jamais essayée, faute de savoir réellement de quoi il s’agit, comment s’y prendre, et ce que cela implique d’efforts, d’intelligence et de stratégie. Incù rispettu è amicizia, vi mandu un fraternu salutu.
Jean-François Bernardini
PS / Je vous invite à lire « Zeru vergogna » écrit en complicité avec Laurina Marchi. Je me ferai un plaisir de vous le faire adresser si vous le souhaitez.
Caru Jean-François,
Effectivement, comme vous l’avez l’a souligné et déploré, j’ai mis en cause dans ce texte « nos prédicateurs de la non-violence qui désormais mélangent tout ». Je retire très volontiers et même avec de sincères regrets, voire excuses, cette phrase et le signifiant qu’elle suggère. Oui, elle est malheureuse, il aurait été plus judicieux, plus juste, pour traduire ma pensée, que je l’exprime comme suit. Si toutes les violences sont regrettables, toutes ne peuvent être mises sur un même plan, Dans le cadre d’un conflit, il arrive que l’urgence historique et la colère légitime découlant de la violence (assumée ou masquée), de la duplicité et de la mauvaise volonté d’une des parties qui refuse toute solution équitable, puisse rendre la violence de l’autre partie, non pas morale, non pas glorieuse, non pas satisfaisante, mais malheureusement inévitable et souvent utile. Cette configuration a été et est peut-être encore une réalité chez nous.
Il a fallu la révolte quasi insurrectionnelle d’une partie de la jeunesse
En effet, depuis 2014, les clandestins ont donné sa chance au dialogue ; depuis 2015, dans les urnes, les électeurs de Corse ont exprimé une volonté de changement pacifique et sans rupture ; depuis des années, vous-même et d’autres travaillent à ce que la jeunesse s’empare et use de l’action non-violente et citoyenne. Mais, en face, l’immobilisme, le refus et le mépris ont jusqu’à il y a peu, tenu lieu de réponses. Il a fallu la révolte quasi insurrectionnelle d’une partie de la jeunesse à la suite de l’assassinat d’Ivan Colonna en mars 2022, pour qu’enfin un déblocage intervienne et une écoute se dessine. Avec des lignes rouges… Avec aujourd’hui, déjà des censeurs, alors même qu’un texte n’a pas encore atteint la porte du Sénat… Également en face, certains arrivés ou arrivants - avec l’assentiment de l’État, et aussi avec l’agrément, la complaisance ou la collaboration de quelques politiciens et compradores bien de chez nous - considèrent que désormais, ils peuvent impunément (la peur des bombes c’était hier), par le jeu de la démographie et de l’argent, créer les conditions économiques, culturelles et bientôt électorales de nature à faire des Corses, des spoliés et des soumis, et, demain, des marginalisés ou des migrants.
Je suis disposé à faire mienne et pratiquer la non-violence de Jésus et Gandhi
Alors, bien sûr, si des démarches populaires non violentes s’organisent pour contrecarrer tout cela, je serai dans les premiers à simultanément les applaudir, les faire connaître et les rejoindre. Et à considérer que le recours à la violence quelle que soit sa forme est caduc… Mais en attendant, tant que ne se cela ne se dessinera pas - sans inciter à passer à l’acte et en restant en recherche et à l’écoute d’alternatives - je comprendrai que des femmes et des hommes constatant que leur peuple se meurt et qu’on lui administre un placebo et non des molécules actives, décident d’opter pour la mise à la porte du personnel médical, le remède de cheval et l’ablation des ganglions et kystes. Cher Jean-François, vous l’avez très probablement compris, et ai pour ma part cru comprendre que ces démarches passées éclairent et confortent vos convictions, je suis prêt à entendre et pratiquer la non-violence de Jésus qui bouscule les marchands du Temple et celle de Gandhi qui par l’immobilité active et le rouet l’a emporté sur le colonialisme britannique. Caru Jean-François, salute fraternu.
Pierre-Louis Alberghi
PS / J’accepte avec plaisir votre offre de m’adresser « Zeru vergogna »/