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Joséphine Baker au Panthéon ou le patriotisme cosmopolite immortalisé

Alors qu'Eric Zemmour déclarait sa candidature au moyen d'un document présenté sur YouTube, prônant la réconciliation de Pétain et de De Gaulle.
Joséphine Baker au Panthéon ou le patriotisme cosmopolite immortalisé

Alors qu’Éric Zemmour déclarait sa candidature au moyen d’un document présenté sur YouTube, prônant la réconciliation de Pétain et de De Gaulle, la détestation des étrangers, le président Macron choisissait la personnalité de Joséphine Baker, artiste américaine de couleur, résistante gaulliste et mère adoptive d’une « famille arc-en-ciel » . À l’occasion de cette entrée au Panthéon, le président Macron a prononcé le mardi 30 novembre un discours émouvant et juste.


Elle se sentait libre à Paris


Pour le Président Macron, il s’agissait de prôner une sorte de communion unitaire à l’occasion de cette cérémonie hautement symbolique. Freda Josephine McDonald dite Joséphine Baker était originaire de l’un des états les plus racistes des États-Unis, le Mississipi où elle voit le jour en 1906. Ses origines sont afro-américaines, amérindiennes et espagnoles. Après une petite enfance passée à travailler comme domestique, elle est mariée à 13 ans qu’elle quitte bientôt. Elle décide alors de tenter sa chance dans le music-hall. À seize ans, elle gagne la France et en 1925 passe en première partie de la Revue nègre. Elle écrira son bonheur de vivre dans une France qui n’est pourtant pas débarrassée des préjugés racistes, mais qui ne pratique pas l’apartheid : « Un jour, j’ai réalisé que j’habitais dans un pays où j’avais peur d’être noire.
C’était un pays réservé aux Blancs. Il n’y avait pas de place pour les Noirs. J’étouffais aux États-Unis. Beaucoup d’entre nous sont partis, pas parce que nous le voulions, mais parce que nous ne pouvions plus supporter ça… Je me suis sentie libérée à Paris ». Dans ses spectacles, elle joue d’une façon drolatique ce qui est pour elle une façon de se moquer des racistes. Dotée d’une personnalité explosive, elle devient l’égérie des cubistes et favorise l’ascension du jazz en France. Mais elle se bat aussi aux États-Unis pour l’émancipation du peuple noir. Elle participe ainsi au mouvement de Renaissance de Harlem dont les lieux emblématiques sont le Cotton Club ou l’Apollo Theater. Amie en France du peintre Fernand Léger, de l’écrivain Georges Simenon, elle devient une des personnalités les plus connues du music-hall français.
En 1937, elle acquiert la nationalité française. Elle adhère à la Ligue internationale contre l’Antisémitisme, antisémitisme dont est victime son propre mari. Deux ans plus tard, elle devient un agent du contre-espionnage français puis après la défaite de 1940, elle entre dans les services secrets de la France libre remplissant des missions extrêmement dangereuses. Elle sera à ce titre décorée de la médaille de la Résistance et recevra les insignes de la Légion d’honneur et la Croix de guerre.

Une famille arc-en-ciel


Victime de la ségrégation raciale aux États-Unis où elle retourne en 1947, elle participe à une campagne internationale contre l’acquittement de deux assassins du Ku Klux Klan d’un jeune Noir dans le Mississippi. Le 6 mars 1960, elle est initiée au sein de la loge maçonnique La nouvelle Jérusalem de la Grande loge féminine de France. Soutien de Fidel Castro, elle est chargée d’une mission par le Général de Gaulle qui lui dit publiquement son amitié et son admiration. Dans l’impossibilité d’avoir des enfants, elle en adopte douze nés dans tous les continents de la planète qu’elle appelle sa tribu arc-en-ciel. « Cette famille permit à Joséphine Baker de prouver aux yeux du monde que les couleurs de peau, les origines, les religions pouvaient non seulement cohabiter, mais vivre en harmonie », a fort justement remarqué le Président Macron.
Elle décède à 68 ans et est enterrée à Monaco. C’est donc une sorte de cosmopolitisme heureux qu’incarne cette « grande femme » qui parlait de la France comme de sa patrie. Mais Joséphine Baker est aussi une formidable démonstration de résilience humaine. Enfant battue, violée, victime du sexisme et du racisme, elle a su imposer sa magnifique personnalité dans une France qui n’a plus vu en elle qu’une femme exceptionnelle. Combattante pour les droits civiques aux côtés de Martin Luther King, pour la liberté aux côtés du général de Gaulle. D’une certaine façon, Joséphine Baker fut la démonstration qu’il existait une communauté française de destin capable d’imaginer un patriotisme cosmopolite. Elle fut une « noire défendant les Noirs, mais d’abord femme défendant le genre humain », a insisté le président Macron mettant l’accent sur « l’universalisme » et « l’égalité de tous avant l’identité de chacun », que prônait Joséphine Baker.

Une leçon pour nous tous.

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