Prisonniers politiques, respect du Droit et vengeance d'Etat ?
Un objectif : La levée du statut de DPS
Prisonniers politiques, respect du Droit et vengeance d’Etat ?
« Des échanges très positifs » : voilà ce que l’on peut lire dans les médias locaux depuis le 9 décembre, date des rencontres à Paris entre la délégation corse et les représentants des groupes de l’Assemblée Nationale. Un objectif : la levée du statut de DPS – Détenu particulièrement surveillé – pour Alessandri, Ferrandi et Colonna, afin de permettre leur rapprochement en Corse. Alors que la délégation s’est assurée de la sympathie et du soutien de bon nombre de députés, quelle va être la réponse de l’Etat ? Décryptage.
Quelques rappels nécessaires
Après des années de mobilisations, de manifestations, de votes à l’Assemblée de Corse ou dans les communes de l’île, la position de l’Etat n’a jamais réellement bougé d’un iota quant aux derniers détenus de ce que l’on nomme « le commando Erignac ». En décembre 2014, répondant à une question orale concernant les prisonniers politiques formulée par Jean-Marie Poli – ancien élu Corsica Libera et porte-parole de l’Association Sulidarità, décédé en 2017 – Paul Giacobbi, alors Président du Conseil Exécutif de Corse, soulignait « le blocage permanent du gouvernement à toute avancée significative en la matière, et ce malgré les efforts entrepris par la Garde des Sceaux » (à l’époque Christiane Taubira, ndlr). Depuis la défaite de François Hollande en 2017, si le gouvernement Macron a permis la libération et le rapprochement de nombreux détenus nationalistes, il reste fermé quant à la situation des derniers condamnés de l’affaire Erignac qui sont toujours incarcérés.
Jean-Charles Orsucci, ancien soutien des détenus politiques
Celui que l’on présentait comme « le 1er Macronien de l’île », Jean-Charles Orsucci a pourtant été, il fut un temps, un ardent défenseur des prisonniers politiques. En 2011, il interpellait l’Assemblée de Corse, par le biais d’une question orale, affirmant que l’Etat ne reconnaissait pas le statut de prisonnier politique. Sans tergiverser, il déclarait à l’époque : « une discrimination existe dans le traitement des dossiers liés au transfert des détenus sur l’île. Cette disparité est inadmissible, au regard de la législation française et des engagements pris par l’Etat. » Une position que le maire de Bonifacio a tenu activement jusqu’à sa candidature aux élections territoriales de 2017. Estampillé alors LREM, son engagement avec Macron l’a forcé à faire un rétropédalage en la matière, déclarant lors d’un meeting qu’il n’y aurait « pas de prisonniers politiques en France » … Une situation pas facile à gérer pour Orsucci, qui confiera plus tard, lors des élections territoriales de 2021, avoir préféré refuser l’investiture LREM, tout en acceptant le soutien du gouvernement, afin d’être dorénavant plus libre concernant certains sujets propres à l’île.
Occupation de la préfecture, éjection à coups de matraques
En février dernier, l’occupation pacifique de la préfecture par une vingtaine de militants « hors structures », demandant la levée du DPS, s’était conclue par l’intervention violente des forces de l’ordre. Dénoncée quasi unanimement par la classe politique insulaire, l’Etat avait en réponse annoncé qu’il engagerait des poursuites à l’encontre de ces jeunes Nationalistes, pour « entrée par effraction dans un bâtiment administratif, violences en réunion et destruction de matériel ». Est-ce réellement une coïncidence si ces poursuites, passées sous silence depuis, ressurgissent huit mois plus tard ? Elles interviennent après une session extraordinaire de l’Assemblée de Corse se prononçant en faveur de la levée du statut de DPS, et juste avant qu’une délégation ne se rende à Paris pour faire du lobbying auprès des députés quant à cette question. Un timing d’autant plus étonnant, qu’il coïncide avec le bras de fer que se livrent Etat et Région, quant à l’amende de 94 millions dus à la Corsica Ferries.
Ces faits témoignent à eux-seuls, des années après l’abandon de la lutte armée, de toute la complexité du positionnement de l’Etat, soufflant successivement le chaud et le froid quant aux prisonniers politiques, et allant souvent jusqu’à nier leur existence.
« Une avancée considérable » ?
Ce sont en tout cas ces mots que Gilles Simeoni a choisis dans une interview donnée à Corsenetinfos, pour décrire cette journée de lobbying. La délégation, composée d’élus et de membres d’Unità Strategica, coordination des quatre associations de défense des prisonniers, a rencontré des représentants de tous les groupes siégeant à l’Assemblée nationale. Tous se sont prononcés – à titre personnel – en faveur de la levée du DPS avant 2022. Ils ont aussi assuré que leurs groupes respectifs se positionneraient très vite sur cette question.
L’Absence de Castaner
Christophe Castaner, président du groupe LREM, était l’un des grands absents de cette rencontre. Il était remplacé par Bruno Questel, député de l’Eure d’origine Corse, certainement bien plus enclin à débattre de ce sujet. La Commission statuant sur la levée du DPS devrait se réunir dans quelques jours. La décision reviendra au Premier ministre, Jean Castex.
Vous avez dit vengeance d’Etat ?
Alessandri et Ferrandi ont juridiquement droit à une libération conditionnelle depuis 2017. Les avis favorables et répétés à la levée du statut de DPS par différentes Commissions, toujours suivis par la Chancellerie, n’ont jamais été pris en compte. Le Garde-des-sceaux, Éric Dupont-Moretti, ancien avocat d’Yvan Colonna, s’est vu retirer le droit de statuer sur ce dossier le 18 décembre 2020. Fait inédit dans la 5ème
République, un décret gouvernemental avait à l’époque transféré le pouvoir de décision à Jean Castex. Le Premier ministre avait quelques jours plus tard rejeté la demande de levée du statut de DPS pour Alessandri et Ferrandi.
Une lecture politique plus géo-centrée
Aujourd’hui, alors que certains groupes issus du FLNC menacent de reprendre les armes, le manque d’avancées significatives force la majorité territoriale à replacer la question des prisonniers au centre de ses échanges avec le gouvernement. Cette question n’en demeure pas moins une épine dans le pied de Simeoni, qui se heurte régulièrement à un blocage catégorique de l’Etat. Le lobbying à l’Assemblée Nationale pourrait néanmoins faire bouger les lignes. Si Gilles Simeoni en semble convaincu, il faut espérer qu’il ne s’agisse pas là encore d’un énième effet d’annonce, et que cette journée d’échanges sera suivie de réelles avancées en faveur des prisonniers.
Par ailleurs, cette situation témoigne aussi, indirectement, de l’éloignement grandissant entre l’édile et la base militante nationaliste. Sinon, comment expliquer ce communiqué de Femu a Corsica, s’indignant du passage devant les tribunaux de ces jeunes militants ayant occupé la préfecture de région, quand il ne s’agissait alors que de convocations au commissariat ? Comment concevoir sinon que, dans la société corse, une telle information, touchant directement une dizaine de familles nationalistes, n’ait pu faire son chemin jusqu’aux oreilles des responsables politiques du parti majoritaire ? C’est en tout cas l’opinion de plusieurs observateurs. La faible mobilisation pour le premier congrès national de Femu a Corsica – 300 personnes – qui s’est tenu le 12 décembre, après cette dite « victoire pour les prisonniers », telle qu’elle a été annoncée dans la presse, ne peut qu’interroger.
De quels groupes s’agit-il exactement ?
Le groupe communiste, le groupe Modem, faisant partie de la majorité présidentielle, et le groupe La France Insoumise. Les députés LFI sont d’ailleurs allés bien plus loin, en disant que notre motion ne leur plaisait pas parce que c’est une motion à minima, et qu'ils étaient favorables à la libération des prisonniers ! Nous avons bien évidemment acquiescé. Si nous avons pu porter cette revendication devant le législateur français, c'est parce que l'on demandait simplement l'application à minima des lois, et ce n'est pas une décision judiciaire qui empêche leur rapprochement, mais une décision administrative.
Quelle différence au final ?
Le centre de détention de Borgo n’est pas une maison centrale donc les DPS n'ont pas le droit d'y aller. Aujourd'hui le gouvernement utilise ce statut de DPS qui a été donné à Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna pour les empêcher de rentrer. Or, c'est un statut qui se renouvelle tous les ans avant le 31 décembre, et s'il n'est pas renouvelé, il tombe. Aujourd'hui rien ne justifie que ces prisonniers ne soient pas rapprochés en Corse après 22 et 18 ans d’exil carcéral. Je vais même plus loin : ils devraient être remis en liberté. Tous les trois ont fini leur période de sûreté, qui empêche tout rapprochement et tout aménagement de peine. Nous sommes donc aujourd'hui dans une situation où l'État ne respecte pas ses propres lois. Nous espérons maintenant que la pression sur le gouvernement sera suffisante pour que le Premier ministre prenne la bonne décision, sachant qu’en ce qui concerne Pierre Alessandri, il y a même un juge d'application des peines qui a ordonné sa libération. Le Parquet a fait appel, et la Cour d'appel est, comme par hasard, allée contre le juge d'application des peines, ce que l'on ne voit jamais. On a bien compris que l’indépendance de la justice est un leurre. Là, nous sommes dans l'application d'une vengeance d'état, ce qui est inacceptable.
Au vu de toutes ces informations, pensez-vous réellement qu’un rapprochement avant 2022 est envisageable ?
Ce qu’il faut savoir également c'est qu’une commission dite locale se réunit tous les ans et émet un avis quant à la levée ou non du statut de DPS. En ce qui concerne Alessandri et Ferrandi, cette commission émet depuis trois ans des avis favorables pour la levée du statut. Le Premier ministre et le Ministre de la justice, avant la nomination de Éric Dupond-Moretti, sont systématiquement allés à l'encontre de la décision de cette commission. Cela n’arrive jamais. Les avis de cette commission locale, même s’ils ne sont que consultatifs, sont en général suivis à 100%. Nous n'avons pas réussi à trouver un seul exemple du Garde des sceaux allant contre cette commission locale. On voit bien toute l'exception de la non-application de la loi pour les prisonniers politiques corses. La mobilisation continuera à grandir et nous serons à leurs côtés pour, dans un premier temps, les rapprocher – mais là c'est une démarche transitoire et immédiate que nous exigeons – et ensuite obtenir dans de brefs délais leur libération.
Quelle va être la réponse de l’Etat selon vous ?
De toutes les manières, si ce rapprochement n'est pas mis en pratique dans les 15 jours qui viennent, nous nous donnerons les moyens de continuer notre mobilisation, forts de l'unanimité qu'il y a derrière cette revendication. Je crois qu’à un moment donné, il va falloir que les représentants de l’Etat cèdent. Nous nous battons pour cela, et tant qu'il restera un prisonnier politique dans les prisons françaises, nous serons à ses côtés pour demander et obteni
« Des échanges très positifs » : voilà ce que l’on peut lire dans les médias locaux depuis le 9 décembre, date des rencontres à Paris entre la délégation corse et les représentants des groupes de l’Assemblée Nationale. Un objectif : la levée du statut de DPS – Détenu particulièrement surveillé – pour Alessandri, Ferrandi et Colonna, afin de permettre leur rapprochement en Corse. Alors que la délégation s’est assurée de la sympathie et du soutien de bon nombre de députés, quelle va être la réponse de l’Etat ? Décryptage.
Quelques rappels nécessaires
Après des années de mobilisations, de manifestations, de votes à l’Assemblée de Corse ou dans les communes de l’île, la position de l’Etat n’a jamais réellement bougé d’un iota quant aux derniers détenus de ce que l’on nomme « le commando Erignac ». En décembre 2014, répondant à une question orale concernant les prisonniers politiques formulée par Jean-Marie Poli – ancien élu Corsica Libera et porte-parole de l’Association Sulidarità, décédé en 2017 – Paul Giacobbi, alors Président du Conseil Exécutif de Corse, soulignait « le blocage permanent du gouvernement à toute avancée significative en la matière, et ce malgré les efforts entrepris par la Garde des Sceaux » (à l’époque Christiane Taubira, ndlr). Depuis la défaite de François Hollande en 2017, si le gouvernement Macron a permis la libération et le rapprochement de nombreux détenus nationalistes, il reste fermé quant à la situation des derniers condamnés de l’affaire Erignac qui sont toujours incarcérés.
Jean-Charles Orsucci, ancien soutien des détenus politiques
Celui que l’on présentait comme « le 1er Macronien de l’île », Jean-Charles Orsucci a pourtant été, il fut un temps, un ardent défenseur des prisonniers politiques. En 2011, il interpellait l’Assemblée de Corse, par le biais d’une question orale, affirmant que l’Etat ne reconnaissait pas le statut de prisonnier politique. Sans tergiverser, il déclarait à l’époque : « une discrimination existe dans le traitement des dossiers liés au transfert des détenus sur l’île. Cette disparité est inadmissible, au regard de la législation française et des engagements pris par l’Etat. » Une position que le maire de Bonifacio a tenu activement jusqu’à sa candidature aux élections territoriales de 2017. Estampillé alors LREM, son engagement avec Macron l’a forcé à faire un rétropédalage en la matière, déclarant lors d’un meeting qu’il n’y aurait « pas de prisonniers politiques en France » … Une situation pas facile à gérer pour Orsucci, qui confiera plus tard, lors des élections territoriales de 2021, avoir préféré refuser l’investiture LREM, tout en acceptant le soutien du gouvernement, afin d’être dorénavant plus libre concernant certains sujets propres à l’île.
Occupation de la préfecture, éjection à coups de matraques
En février dernier, l’occupation pacifique de la préfecture par une vingtaine de militants « hors structures », demandant la levée du DPS, s’était conclue par l’intervention violente des forces de l’ordre. Dénoncée quasi unanimement par la classe politique insulaire, l’Etat avait en réponse annoncé qu’il engagerait des poursuites à l’encontre de ces jeunes Nationalistes, pour « entrée par effraction dans un bâtiment administratif, violences en réunion et destruction de matériel ». Est-ce réellement une coïncidence si ces poursuites, passées sous silence depuis, ressurgissent huit mois plus tard ? Elles interviennent après une session extraordinaire de l’Assemblée de Corse se prononçant en faveur de la levée du statut de DPS, et juste avant qu’une délégation ne se rende à Paris pour faire du lobbying auprès des députés quant à cette question. Un timing d’autant plus étonnant, qu’il coïncide avec le bras de fer que se livrent Etat et Région, quant à l’amende de 94 millions dus à la Corsica Ferries.
Ces faits témoignent à eux-seuls, des années après l’abandon de la lutte armée, de toute la complexité du positionnement de l’Etat, soufflant successivement le chaud et le froid quant aux prisonniers politiques, et allant souvent jusqu’à nier leur existence.
« Une avancée considérable » ?
Ce sont en tout cas ces mots que Gilles Simeoni a choisis dans une interview donnée à Corsenetinfos, pour décrire cette journée de lobbying. La délégation, composée d’élus et de membres d’Unità Strategica, coordination des quatre associations de défense des prisonniers, a rencontré des représentants de tous les groupes siégeant à l’Assemblée nationale. Tous se sont prononcés – à titre personnel – en faveur de la levée du DPS avant 2022. Ils ont aussi assuré que leurs groupes respectifs se positionneraient très vite sur cette question.
L’Absence de Castaner
Christophe Castaner, président du groupe LREM, était l’un des grands absents de cette rencontre. Il était remplacé par Bruno Questel, député de l’Eure d’origine Corse, certainement bien plus enclin à débattre de ce sujet. La Commission statuant sur la levée du DPS devrait se réunir dans quelques jours. La décision reviendra au Premier ministre, Jean Castex.
Vous avez dit vengeance d’Etat ?
Alessandri et Ferrandi ont juridiquement droit à une libération conditionnelle depuis 2017. Les avis favorables et répétés à la levée du statut de DPS par différentes Commissions, toujours suivis par la Chancellerie, n’ont jamais été pris en compte. Le Garde-des-sceaux, Éric Dupont-Moretti, ancien avocat d’Yvan Colonna, s’est vu retirer le droit de statuer sur ce dossier le 18 décembre 2020. Fait inédit dans la 5ème
République, un décret gouvernemental avait à l’époque transféré le pouvoir de décision à Jean Castex. Le Premier ministre avait quelques jours plus tard rejeté la demande de levée du statut de DPS pour Alessandri et Ferrandi.
Une lecture politique plus géo-centrée
Aujourd’hui, alors que certains groupes issus du FLNC menacent de reprendre les armes, le manque d’avancées significatives force la majorité territoriale à replacer la question des prisonniers au centre de ses échanges avec le gouvernement. Cette question n’en demeure pas moins une épine dans le pied de Simeoni, qui se heurte régulièrement à un blocage catégorique de l’Etat. Le lobbying à l’Assemblée Nationale pourrait néanmoins faire bouger les lignes. Si Gilles Simeoni en semble convaincu, il faut espérer qu’il ne s’agisse pas là encore d’un énième effet d’annonce, et que cette journée d’échanges sera suivie de réelles avancées en faveur des prisonniers.
Par ailleurs, cette situation témoigne aussi, indirectement, de l’éloignement grandissant entre l’édile et la base militante nationaliste. Sinon, comment expliquer ce communiqué de Femu a Corsica, s’indignant du passage devant les tribunaux de ces jeunes militants ayant occupé la préfecture de région, quand il ne s’agissait alors que de convocations au commissariat ? Comment concevoir sinon que, dans la société corse, une telle information, touchant directement une dizaine de familles nationalistes, n’ait pu faire son chemin jusqu’aux oreilles des responsables politiques du parti majoritaire ? C’est en tout cas l’opinion de plusieurs observateurs. La faible mobilisation pour le premier congrès national de Femu a Corsica – 300 personnes – qui s’est tenu le 12 décembre, après cette dite « victoire pour les prisonniers », telle qu’elle a été annoncée dans la presse, ne peut qu’interroger.
Interview
Jean-Philippe Antolini, ancien détenu nationaliste (1998 - 2004 ) présent à Paris en tant que représentant du collectif Unità stategica, coalition des quatre associations de défense des prisonniers politiques.
On parle dans la presse d’échanges très positifs, êtes-vous du même avis ?
Effectivement, Gilles Simeoni a réalisé quelque chose d’extraordinaire, puisqu’il a réussi l’exploit de réunir toute la classe politique derrière lui. Notre délégation est montée à Paris forte du soutien de pratiquement tous les maires de l’île, de toutes les intercommunalités, des parlementaires, de tous les chefs de groupe élus à l'Assemblée de Corse et même ceux qui ne le sont pas, comme le courant macroniste qui soutient également la démarche. Je crois qu’il ne manque pas une seule voix, et c'est fort de cette union historique que nous nous sommes rendus au cœur de l'Assemblée nationale pour porter notre revendication. Nous avons été très agréablement surpris de l'accueil que nous avons reçu. Nous avons pu échanger avec les représentants des neuf groupes siégeant au Palais Bourbon, et tous les députés rencontrés se sont dit favorables à notre demande de rapprochement, certains engageant même leur groupe dans l’adhésion à cette revendication.De quels groupes s’agit-il exactement ?
Le groupe communiste, le groupe Modem, faisant partie de la majorité présidentielle, et le groupe La France Insoumise. Les députés LFI sont d’ailleurs allés bien plus loin, en disant que notre motion ne leur plaisait pas parce que c’est une motion à minima, et qu'ils étaient favorables à la libération des prisonniers ! Nous avons bien évidemment acquiescé. Si nous avons pu porter cette revendication devant le législateur français, c'est parce que l'on demandait simplement l'application à minima des lois, et ce n'est pas une décision judiciaire qui empêche leur rapprochement, mais une décision administrative.
Quelle différence au final ?
Le centre de détention de Borgo n’est pas une maison centrale donc les DPS n'ont pas le droit d'y aller. Aujourd'hui le gouvernement utilise ce statut de DPS qui a été donné à Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna pour les empêcher de rentrer. Or, c'est un statut qui se renouvelle tous les ans avant le 31 décembre, et s'il n'est pas renouvelé, il tombe. Aujourd'hui rien ne justifie que ces prisonniers ne soient pas rapprochés en Corse après 22 et 18 ans d’exil carcéral. Je vais même plus loin : ils devraient être remis en liberté. Tous les trois ont fini leur période de sûreté, qui empêche tout rapprochement et tout aménagement de peine. Nous sommes donc aujourd'hui dans une situation où l'État ne respecte pas ses propres lois. Nous espérons maintenant que la pression sur le gouvernement sera suffisante pour que le Premier ministre prenne la bonne décision, sachant qu’en ce qui concerne Pierre Alessandri, il y a même un juge d'application des peines qui a ordonné sa libération. Le Parquet a fait appel, et la Cour d'appel est, comme par hasard, allée contre le juge d'application des peines, ce que l'on ne voit jamais. On a bien compris que l’indépendance de la justice est un leurre. Là, nous sommes dans l'application d'une vengeance d'état, ce qui est inacceptable.
Au vu de toutes ces informations, pensez-vous réellement qu’un rapprochement avant 2022 est envisageable ?
Ce qu’il faut savoir également c'est qu’une commission dite locale se réunit tous les ans et émet un avis quant à la levée ou non du statut de DPS. En ce qui concerne Alessandri et Ferrandi, cette commission émet depuis trois ans des avis favorables pour la levée du statut. Le Premier ministre et le Ministre de la justice, avant la nomination de Éric Dupond-Moretti, sont systématiquement allés à l'encontre de la décision de cette commission. Cela n’arrive jamais. Les avis de cette commission locale, même s’ils ne sont que consultatifs, sont en général suivis à 100%. Nous n'avons pas réussi à trouver un seul exemple du Garde des sceaux allant contre cette commission locale. On voit bien toute l'exception de la non-application de la loi pour les prisonniers politiques corses. La mobilisation continuera à grandir et nous serons à leurs côtés pour, dans un premier temps, les rapprocher – mais là c'est une démarche transitoire et immédiate que nous exigeons – et ensuite obtenir dans de brefs délais leur libération.
Quelle va être la réponse de l’Etat selon vous ?
De toutes les manières, si ce rapprochement n'est pas mis en pratique dans les 15 jours qui viennent, nous nous donnerons les moyens de continuer notre mobilisation, forts de l'unanimité qu'il y a derrière cette revendication. Je crois qu’à un moment donné, il va falloir que les représentants de l’Etat cèdent. Nous nous battons pour cela, et tant qu'il restera un prisonnier politique dans les prisons françaises, nous serons à ses côtés pour demander et obteni