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Littérature jeunesse

Indispensable bilinguisme

Indispensable bilinguisme


« A Zampugnotta » et « A birba di i mesi », deux livres parus cette année aux éditions, « Eolienne ». Deux publications qui s’adressent aux petits à partir de trois ans… Aux parents de prêter leurs voix pour emmener leurs enfants sur la mélodie des mots corse ou / et français.


« A birba di i mesi » de Ghjacumina Geronimi et Antea Perquis-Ferrandi c’est la ronde amusante des mois de l’année scandée sur des airs de comptines. A la barre pour dire les douze temps de l’an de bien curieux personnages tantôt rigolos tantôt ronchonnants tantôt perplexes. Leurs impressions, leurs sentiments, ils les peignent de couleurs vives qui reflètent l’humeur de la météo. Ils chantent les saisons en ce qu’elles peuvent avoir de bon… souvent de bon à manger : châtaignes ou crêpes autant d’occasion de faire la fête. L’Adecec et les éditions, « Eolienne », se sont associées pour cette farandole de mois.

« A Zampugotta » est l’œuvre de Michèle Corrotti au texte français et au dessin, de Ghjermana de Zerbi à la traduction en corse. L’intérêt de celle-ci est de ne pas plaquer à l’écriture française. Elle réussit une double gageure : être fidèle au récit de Michèle Corrotti sans se priver d’instants de liberté pour le plus grand régal de la langue corse et de ses résonances originelles.

L’histoire intitulée, « La Galipotte » en français raconte de façon rieuse les espiègleries de Livia, une vraie diablesse, qui n’arrête pas de faire marcher sa maman. Livia, coquine et charmeuse. Livia, casse-cou et intrépide. Livia, finalement pleine de sagesse même quand elle endosse son costume de diablotin et surtout quand elle se met à éduquer sa gentille maman qui a la mauvaise idée de s’inquiéter trop facilement.

L’album se présente avec élégance en déclinant les teintes corail et beige. La calligraphie en français joue et rebondit sur le texte corse qui opte pour les caractères d’imprimerie. Le trait de Michèle Corrotti est simple, fluide, il ne s’encombre d’aucun détail superflu. Il est rapide, efficace, impertinent.

Xavier Dandoy de Casabianca, responsable d’« Eolienne » s’est saisi du flambeau du bilinguisme il y a quelques années. Sa démarche est intéressante car elle s’inscrit dans la durée. Bref, ce n’est pas juste un coup d’épée dans l’eau. En effet, la transmission de la langue corse auprès des très jeunes enfants ne peut se dispenser de continuité dans l’effort. C’est là que toutes les bonnes volontés doivent s’unir afin que chacun apporte sa pierre à l’édifice commun. En finir avec les egos… Si seulement ! Prendre en compte le travail de création de ceux qui ont œuvré depuis longtemps… Si seulement ! Eveiller les dons de jeunes illustrateurs et écrivains… Si seulement !

Voilà des souhaits nécessaires pour une année nouvelle



ENTRETIEN avec Xavier Dandoy de Casabianca

Quelle est votre définition de la littérature jeunesse ?

Elle est porteuse d’une question qui doit faire cheminer l’enfant, l’ado… comme le fait un film… comme le fait une pièce. L’histoire doit être mise en situation, susciter des surprises, ménager des rebondissements, refléter un univers. La littérature jeunesse est en compétition avec la télévision qui diffuse à flux continu tout en entrecoupant ses récits de séquences plus courtes, plus enlevées, plus agressives parfois. Face aux propositions télévisuelles la littérature jeunesse doit amener de la poésie, de la qualité. Elle est aussi un moment privilégié réservée aux parents de tout petits. A ce titre elle fait partie de la transmission. Elle apporte un plus lorsque les parents lisent en mettant le ton et en empruntant au jeu théâtral. Elle est alors un temps de vrai partage.


Que représente le livre jeunesse pour les éditions, « Eolienne » ?

Nous publions huit livres par an dont deux pour la jeunesse. On aimerait faire plus, en particulier à destination des collégiens qui manquent d’ouvrage bilingues susceptibles d’intéresser leur classe d’âge.


Faites-vous très attention à l’âge de vos jeunes lecteurs ?

Ça se précise de plus en plus. Je m’attache à adapter la mise en forme du livre à la tranche d’âge des lecteurs. Le goût de la lecture, il faut le donner très tôt et ne jamais sous-estimer les facultés des enfants, y compris de moins de trois ans !

Qui sont vos auteurs jeunesse ?

Pour l’heure ce sont des écrivaines qui ont une expérience d’enseignantes. C’est ainsi pour Michèle Corrotti, Ghjermana de Zerbi, Ghjacumina Geronimi. Mais je vais aussi éditer un livre de Jacques Filippi, ancien enseignant, doté d’un bon sens du récit provenant de son activité théâtrale.

Qu’attendez-vous des auteurs jeunesse ?

Je m’adresse à des auteurs d’ici pour que leurs histoires évoquent notre environnement, nos manières d’être, notre sens de la macagna. Mais je les laisse totalement libres de leurs sujets.

Faut-il genrer les livres ?

C’est à l’auteur de se prononcer, non à l’éditeur !

Recherchez-vous des histoires drôles ou émouvantes ?

Je suis ouvert aux propositions. Mais je reconnais que le polar ou l’horreur ce n’est pas ma fibre ! Ce que je recherche c’est la qualité. Je suis pour que les enfants découvrent un univers harmonieux dans lequel les liens entre générations sonnent vrais.

Quels livres bilingues imaginez-vous pour des collégiens ?

Il faut que les sujets abordés les concernent. Par exemple : la sexualité, le harcèlement, les discriminations, la drogue… Toutes les questions de société que se posent les ados. Je n’oublie pas qu’un éditeur à un rôle social à remplir et qu’il faut toujours veiller au respect de l’autre à tous les âges de sa vie. Le monde qu’affronte les adolescents est si plein de problèmes que si on peut leur amener un peu d’humour et d’harmonie c’est plutôt mieux.

Comment concevez-vous une bonne traduction corse ?

Je fais confiance à Ghjermana de Zerbi. Je sais qu’elle prend beaucoup de plaisir à traduire les livres que je lui soumets. Sa participation est très importante car sa traduction va servir de support à l’apprentissage et au perfectionnement de l’enfant ou de l’ado en langue corse. Avec elle je suis certain qu’il n’y aura pas de coquille dans son texte et que son vocabulaire sera riche.

Quelle place accordez-vous à l’illustration ?

Actuellement on assiste à un véritable âge d’or de l’illustration du livre jeunesse. La production au plan national et international est prolifique et rencontre un énorme succès. La créativité de jeunes illustrateurs est extraordinaire par sa diversité et son originalité. Ici, aussi il y a des talents nouveaux qui savent qu’ils doivent se tenir au courant de ce qui se fait ailleurs.


Pensez-vous rivaliser un jour dans le domaine de la littérature jeunesse avec les grandes maisons d’édition ?

Je n’ai pas la force de frappe des grands éditeurs qui sortent des « pop-up » et des livres animés. Mon but est de publier des livres les plus beaux possibles aux coûts les moins chers. Je souhaite proposer aux ados des histoires captivantes, qui sortent des sentiers battus avec un peu moins d’illustrations que pour les petits. Au fond… des livres qui me surprennent moi-même.


Que prépare votre maison d’édition pour 2022 ?

On termine un livre sur le site archéologique d’Aleria. On peaufine un ouvrage sur le retour à la terre d’Augustin Berque. On s’apprête à sortir un livre sur la gestion du Covid du sociologue, Laurent Mucchielli


Propos recueillis par M.A-P


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