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Il y a 50 ans, le massacre du "Bloody Sunday" en Irlande du Nord

Il y a un demi-siècle, treize catholiques, dont sept adolescents, qui participaient à une manifestation non violente, étaient tués par des parachutistes de l'armée britanique à Derry/Londonderry.

Il y a 50 ans, le massacre du « Bloody Sunday » en Irlande du Nord

Il y a un demi-siècle., treize catholiques, dont sept adolescents, qui participaient à une manifestation non violente, étaient tués par des parachutistes de l’armée britannique à Derry/Londonderry. Un quatorzième, blessé par balle, succombait à ses blessures quelques semaines plus tard. Cette tragédie, ourdie par l’armée britannique et les services secrets, est entrée dans l’histoire sous le nom de « Bloody Sunday » (Dimanche sanglant) et marque le début de la guerre civile appelée les « Troubles » qui fera 3 500 morts et 45 000 blessés jusqu’en 1998 en Irlande du Nord.

Manifestation pacifique


Le dimanche 30 janvier 1972, l’association nord-irlandaise pour les droits civiques, la NICRA, dirigée par Bernadette Devlin, organisa une marche non violente sur le modèle des grandes manifestations de Martin Luther King aux USA. Il s’agissait protester contre la loi sur l’internement, décrétée peu avant et qui permettait d’emprisonner quelqu’un sans jugement préalable. Cette loi visait les catholiques républicains et l’IRA plus particulièrement. Depuis l’indépendance du 3 mai 1921, dans la partie nord de l’Irlande, restée aux mains de la couronne britannique, les catholiques, qui composaient essentiellement le petit peuple, subissaient une discrimination sociale et politique au profit des protestants descendants des premiers colons écossais et protestants arrivés après la conquête par les troupes de Cromwell arbitraires en Irlande du Nord.

Quatre ans plus tôt, une manifestation pacifique de la NICRA avait été durement réprimée par l’armée et depuis toutes les marches avaient été interdites. Celle de janvier 1972 avait cependant été autorisée à la condition qu’elle évite les quartiers protestants. Des heurts éclatèrent quand des adolescents tentèrent de franchir les barrages érigés par la police et l’armée. La brigade de parachutistes reçut alors l’ordre d’ouvrir le feu à balles réelles provoquant la panique parmi les 20 000 manifestants. Quatorze d’entre eux y perdirent la vie.

Un saut qualitatif de la lutte contre la présence britannique


En représailles au « Bloody Sunday », l’ambassade du Royaume-Uni à Dublin fut incendiée. Puis, l’IRA fit exploser vingt-deux bombes dans Belfast, tuant ainsi neuf personnes : ce fut le « Bloody Friday ». Fin 1972, plus de 500 personnes avaient perdu la vie. Ceux des catholiques qui croyaient encore en la non-violence perdirent leurs dernières illusions et l’armée britannique fut considérée par cette population comme une armée d’occupation. L’IRA qui, jusque là, ne regroupait que quelques centaines de militants souvent assez âgés, recrutèrent des milliers de jeunes gens. Mais le Bloody Sunday fut également un choc pour les progressistes britanniques. Deux jours après les faits, Paul McCartney et les Wings sortirent un morceau intitulé « Give Ireland Back to the Irish » (Rendez l’Irlande aux Irlandais), aussitôt interdite par le pouvoir britannique.
Puis, John Lennon, descendant d’Irlandais, membre fondateur des Beatles créa en juin 1972 son double album Some Time in New York City où l’on retrouvait, sur la face B, le titre Sunday Bloody Sunday, coécrit avec sa compagne Yoko Ono. Enfin, une décennie après, le groupe irlandais U2 signait le tube planétaire « Sunday Bloody Sunday ».

Un demi-siècle plus tard


Cinquante ans après la mort de 14 manifestants abattus par des soldats britanniques, la mémoire des victimes du « Bloody Sunday » a été honorée fin janvier dans une Irlande du Nord qui se souvient toujours de ce drame alors même que justice n’a toujours pas été rendue. Malgré tous les témoignages qui accusaient les autorités britanniques, il a fallu attendre 2010 pour que soit officiellement reconnue l’innocence des victimes, atteintes pour certaines dans le dos ou même à terre.
À l’issue d’une enquête qui a duré douze ans et qui a coûté l’équivalent de 240 millions d’euros, le Premier ministre de l’époque, David Cameron, s’est contenté de présenter des excuses officielles pour ces actes « injustifiés et injustifiables ». Aucun soldat n’a été jugé. Les poursuites pour meurtres engagées contre l’un d’eux ont été abandonnées pour des questions juridiques et le gouvernement britannique a présenté un projet de loi pour mettre un terme à toutes les poursuites liées au « Troubles », une amnistie déguisée. Alors même que le Brexit met en danger la fragile paix obtenue en 1998, force est de constater que, vraisemblablement, justice ne sera jamais rendue aux victimes du Bloody Sunday. Une honte pour l’empire britannique.

GXC

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