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L'abattoir de Bastelica

Un Gérant débordant d'énergie : Toussaint Gistucci
TOUSSAINT UN GÉRANT DÉBORDANT D’ÉNERGIE

Une chose est certaine il n’aurait pu être un rond de cuir avec des horaires de bureau. A l’école « mouif… » il s’y embêtait, regardant la fenêtre de sa classe et rêvant de grands espaces, de courses dans la montagne au contact des animaux comme son papa. L’univers porcin Toussaint est tombé dedans tout jeune, à l’âge de10 ans il en savait déjà beaucoup plus que certains adultes sur ce beau métier d’agriculteur. Voici l’histoire d’un passionné contagieux.

Une structure au service des éleveurs

L’abattoir de Bastelica 200 m² appartient à la commune et il est mis à la disposition de la CTC comme tous les abattoirs de Corse. Cette bâtisse est sortie de terre en novembre 1997 « sans savoir de quoi on parlait » dixit Toussaint, c’était le premier abattoir de Corse reconnu en bonne et due forme. Un premier gérant est désigné ensuite en 2003 Toussaint prend la main. Les gérants sont délégués par la CTC pour 5 années. Première année 800 cochons (250 tonnes) en saison, aujourd’hui 5000 (entre 400 et 500 tonnes). Il faut savoir que l’abattage public appartient à la CTC à travers le SMAC (Syndicat mixte de l’abattage en Corse) lequel soit garde la gestion d’un abattoir ou le met en gérance comme c’est le cas pour Bastelica, Cuttoli Corticchiato et Cozzano. Les murs appartiennent aux mairies, le matériel au SMAC. Il y a 5 abattoirs en Corse, Porto-Vecchio (ovins, bovins) et Ponte Leccia (multi espèces) sont gérés par le SMAC, Bastelica (porcins), Cuttoli Corticchiato (multi espèces) et Cozzano (porcins) sont privés mais toujours mis à la disposition de la CTC par les communes. Toussaint Gistucci est le gérant délégué par la CTC pour les abattoirs de Bastelica et Cuttoli Corticchiato.

A Tumbera Bastelica

L’abattoir porcin de Bastelica est ouvert de novembre à mars avec près de 5000 bêtes abattues à la fermeture. Aujourd’hui c’est devenu un outil performant et incontournable au service des éleveurs qui viennent de tous les coins de Corse, depuis le Cap en passant par le Nebbiu, le Niolo, la Plaine Orientale, le centre Corse, l’Ouest… Les producteurs porcins viennent à Bastelica ou s’adressent à Toussaint parce qu’ils connaissent sa conscience professionnelle, son savoir faire, et savent que leurs porcs seront en de bonnes mains. En un mot c’est la structure préférée des éleveurs. L’abattoir privé de Bastelica est mis aux normes en permanence, tout est fait pour améliorer la protection animale et les conditions de travail des opérateurs (10 personnes). Tenue du personnel coiffe, tablier, bottes. Le bureau, une salle de repos, sanitaires-douches, lave-bottes pour accéder à l’intérieur de l’abattoir…. A l’intérieur 20 box pouvant accueillir 200 cochons. La chaîne d’abattage, le piège, le poste de saignée, l’épileuse, le poste de lavage, l’éviscération qui intervient rapidement, la fente en deux : la colonne vertébrale et le sternum sont fendus longitudinalement à la scie électrique afin de séparer les deux demi carcasses, la balance. Dans le même temps inspection des services vétérinaires (estomacs, intestins, cœurs et poumons pendus), sur chaque porc est analysée la recherche de trichine à l’issue de l’inspection stockage en chambre froide. Après les résultats des analyses, les carcasses sont rendues aux éleveurs qui ont un camion-frigo sinon l’abattoir possède un service de livraison pour les aider à récupérer leur viande.

Optimisation du travail

La veille de l’abattage Toussaint et son équipe récupèrent les cochons et les rendent le lendemain au producteur coupés en deux. Parfois, si un client ne peut se déplacer il se rend lui-même sur le site que ce soit à Luri, Lumio, Albertacce, Aléria, Bonifacio, Cristinacce ou ailleurs. Il récupère les animaux destinés à l’abattage et les ramènent prêts à être transformées chez l’éleveur ; le coût de l’opération est le plus bas de France et les clients sont bien contents de ce service rendu. Les vétérinaires rassurent par leur présence qui fait que le cochon est parfaitement suivi. L’abattoir est ouvert les lundis, mardis, mercredis et jeudis. L’équipe fait « finie partie » comme dit le gérant à partir de 4 h jusqu’à plus de bêtes à tuer, des fois 12 h, 13 h…. Ça fait de belles journées. Quant à Toussaint ses horaires de travail oscillent entre abattage 2 h et fin de journée 19 h et toujours la gnac en fin de parcours.

Enjeu territorial et économique

Pourquoi pas un 6ème
abattoir côté ouest-corse dans le Spelunca-Liamone par exemple, ça éviterait de longs trajets pour les producteurs, des pertes de temps, moins de stress pour les animaux et créerait sûrement des emplois dans des zones rurales fragilisées, éloignées des grands centres d’exploitation. L’idée est dans l’air reste à la mettre en application il y a de la place et des terres.


Charcuterie San Martinu

Une ancienne coopérative de 400 m² créée il y a 40 ans par un visionnaire, Ghjaseppu le père de Toussaint qui l’avait construite avec ses amis du village et donné ce nom. Accaparé par ses fonctions et son travail Toussaint n’a pu rouvrir qu’en 2020 après tous les travaux et mises aux normes de l’établissement, 2022 étant la seconde saison. Durant 25 ans il a tourné, viré, réfléchi pour mûrir ce projet qui lui tenait à cœur parce qu’il le voulait parfait. Au final il a réussi à sortir « Le » produit de qualité Corse qu’il désirait. Ses porcs vivent sur un terrain fermé, ses truies sont de race typiquement corse et les verrats sélectionnés. A 18 mois les porcelets sont charcutés, l’évangile de Toussaint c’est AOP ou rien.

Il élève, il tue, il charcute et il vend

Au rez-de-chaussée le bureau, les sanitaires, salle de découpe, salle de transformation, saloir, salle de repos mécanique ARCOS (jambon ARCOS). 1er étage fumoir du haut, pièce d’affinage plus séchoir mécanique ARCOS. Tout le matériel lui appartient, il a investi mais a également été aidé par l’ODARC à travers sa démarche AOP et par le Crédit Agricole. 160 cochons « nustrale » appartenant à Toussaint ont été abattus en 2022 à l’abattoir pour être ensuite transformés et préparés pour la vente. La charcuterie San Martinu ne vend que sa propre charcuterie. Au niveau de sa clientèle San Martinu s’est entourée de quelques rares clients particulièrement pointilleux recherchant la qualité d’un produit charcutier. Ces personnes n’essaient même pas de faire baisser les tarifs Toussaint serait du reste intransigeant de par l’excellence de sa production. D’autre part il lutte sans relâche contre les contre façons qui causent beaucoup de tort aux producteurs corses. Un prisuttu 24 mois, une coppa, un lonzu 5 mois. On retrouve tout le plaisir de la charcuterie nustrale dans ce temple de la gastronomie figatellu, saucisson, saucisse à cuisiner, l’excellent fitone à croquer spécialité de Bastelica, les joues, panzetta….. Il se bat, c’est vrai parce que c’est un idéaliste, un pur, il a l’amour de son métier, du travail bien fait. Gagner correctement sa vie oui, pas faire du « fric » à tout prix n’importe comment. Il a le respect du client, de la personne qui va mettre en bouche et qui pensera à celui qui lui a vendu quelques minutes de bon goût, à la mémoire de son père qui désirait cette perfection à travers les âges. Ça devient une denrée très rare, c’est l’amour du métier, ça n’est pas de l’esclavage puisque c’est un plaisir. Tout ce qu’il fait et construit aujourd’hui Toussaint c’est pour ses deux amours, ses héritiers Ghjaseppu-Saveriu et Petru Santu c’est pour eux qu’il prépare le terrain, c’est pour eux qu’il se lève et qu’à 4 h du matin il est sur place malgré le froid intense de Bastelica et la neige au sommet des montagnes. Il veut qu’il y ait une suite d’ici une dizaine d’années quand lui commencera à prendre de l’âge, il y croit dur comme fer. Quand viendra le temps ils n’auront qu’à prendre « le bâton », investir encore et encore, apporter sans doute des idées neuves en n’omettant jamais le passé qui contient tout le présent. Il sillonne souvent la Corse de nuit comme Saint-Ex dans son P-38 Lightning et n’a pas l’impression de travailler pour lui c’est un plaisir, il remercie simplement le ciel de continuer à lui donner la santé, cette santé qui est si importante. Mais des personnes avec une force de caractère comme celle de Toussaint ne vieillissent jamais, il restera campé dans ses bottes blanches jusqu’à la fin des temps. On ne peut que le remercier d’avoir ressuscité le plaisir d’antan de déguster de la « vraie » charcuterie corse. Il n’a peut-être pas eu beaucoup d’affinité avec l’école c’est vrai, mais qu’est-ce qu’il est bon manuel et gestionnaire.

Propos recueillis par D. Campinchi

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