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<< L'épidémie du COVID n'est pas terminée ! >> Docteur Laurent Carlini fait le point sur la situation

Laurent Carlini fait le point sur la situation
Docteur Laurent Carlini : “L’épidémie n’est pas terminée”


Depuis trois semaines et la levée des mesures sanitaires, l’épidémie de Covid-19 regagne considérablement du terrain en Corse. Médecin généraliste et urgentiste à Ajaccio, Laurent Carlini fait le point sur la situation.


Selon les chiffres publiés par Santé Publique France le 31 mars, le taux d’incidence dans l’île est en augmentation de 41% par rapport à la semaine précédente, avec 1747 cas pour 100.000 habitants. Vous qui êtes sur le front du Covid depuis le début, comment expliquez-vous ce fort rebond de l’épidémie ?

Il est, selon moi, lié à deux principaux marqueurs : il y a d’abord l'apparition du variant BA.2 qui est 30 à 40% plus contagieux que la première version du variant Omicron (BA.1). Cela entraîne donc une multiplication des cas. Deuxièmement, ce rebond coïncide avec la levée, mi-mars, de la part du Gouvernement, de certaines mesures de protection. Je pense notamment au port du masque en intérieur. Ce sont des lieux qui ne sont pas encore forcément bien ventilés, bien aérés, où l’on passe encore pas mal de temps. En effet, cette levée des mesures, un peu à contretemps des indicateurs sanitaires, a de facto envoyé le mauvais signal à la population, à savoir que l’épidémie était finie. Cela a malheureusement contribué à la banaliser. Or, elle n’est pas terminée.


Le sous-variant BA.2 est plus contagieux que son prédécesseur, le BA.1. Mais est-il plus dangereux ?

Les données scientifiques suggèrent en effet qu’il est plus contagieux mais pas plus virulent. Il n’entraîne pas davantage de formes graves que sa première version (le BA.1). Néanmoins, moins virulent ne veut pas dire qu’il ne l’est pas. On a encore en hospitalisation des formes graves, notamment chez les patients qui ne sont pas vaccinés. Il y en a encore un certain nombre qui sont à risque et qui n’ont pas de schéma vaccinal complet (67,3 % de la population insulaire a reçu un schéma complet, ndlr). Pour l’instant, le nombre d’hospitalisation est stable mais la circulation virale de dix derniers jours reste préoccupante.


Du côté de vos patients, quels sont les retours ? Sont-ils plus inquiets de cette recrudescence du virus ?

Pas mal d'entre eux ont été interpellés par cette levée du port du masque. Beaucoup sont vigilants, continuent de se protéger et gardent le masque en intérieur. Ce qui paraît être une mesure de bon sens. Parallèlement, il y a aussi une circulation active du virus de la grippe. Depuis une dizaine de jours, en corrélation avec les chiffres, on constate qu’on a de plus en plus de consultations pour des syndromes grippaux ou pseudo-grippaux. On a donc des patients qui sont forcément un peu plus inquiets, qui viennent consulter et qui se testent.


Les différents variants et sous-variants semblent entraver une éventuelle immunité collective. Qu’en pensez-vous ?

Il faut rester prudent car on a vu que ce Covid-19 pouvait nous jouer des tours. Parfois, il a démontré qu’il n’allait pas forcément dans le sens des projections, des prévisions et des prédictions. Ce qui est certain, c’est qu’il s’agit d’une pandémie. Par conséquent, personne ne sera véritablement à l’abri tant qu’on ne le sera pas de partout sur la planète : plus le virus circule, et il y a des endroits du globe où il circule davantage, plus on s’expose aux risques de l’apparition de nouveaux variants ; certains sont plus contagieux et transmissibles - comme c’est le cas avec Omicron -, d'autres peuvent être plus résistants à la vaccination et peut-être aussi plus virulents. Il faut donc, je pense, maintenir un niveau de surveillance élevé concernant la circulation du virus et les séquençages afin de pouvoir détecter plus précocement l’émergence de ces nouveaux variants.


Depuis son apparition, le Covid-19 ne semble pas faire de différence entre les saisons. Cela peut-il évoluer selon vous ?

Le Covid fonctionne par vague. On a des périodes de montée en puissance et de forte circulation du virus, puis des périodes d’accalmie, avec des taux d’incidence relativement bas. Selon les épidémiologistes, il n’est pas impossible qu’il s’implante comme le virus de la grippe et devienne saisonnier. Pour l’instant, sur les deux dernières années, on n’en a pas véritablement l’impression. Il y a une certaine influence des températures, et de notre mode de vie en fonction du fait que l‘on passe plus de temps en extérieur qu’en intérieur. Il n’a donc pas encore la saisonnalité de la grippe.


Malgré les températures actuelles - pas très printanières -, les beaux jours puis l’été vont se profiler. Cela peut-il constituer un frein à la propagation du virus ?

Il est évident que l’été, on est davantage dehors et dans des endroits plus ventilés et aérés. On sait que ce virus se transmet de manière aéroportée, par aérosol. Les épidémiologistes disent que 90% des contaminations se font en intérieur. Aux beaux jours, le fait d’être davantage en extérieur contribue donc à diminuer la transmission du virus. Néanmoins, l’été ne sera pas un frein absolu à la propagation du Covid. On l’a vu l’an passé en Corse et sur le Continent. Actuellement, on le voit également en Nouvelle-Zélande où c’est l’été ; malgré tout, là-bas, le virus circule activement. Il faut donc rester vigilant, notamment en respectant les gestes barrières.
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