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Haïti ou la nuit sans fin

L'enfer sans limite que vit Haïti.

Haïti ou la nuit sans fin


Un président assassiné en 2021, des institutions en faillite, une pauvreté extrême, la violence terrifiante des gangs donne la mesure de l’enfer sans limite que vit Haïti.


Le président Jovenel Moïse a été assassiné dans sa chambre dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021. Depuis son successeur par intérim, l’ex-premier ministre Ariel Henry, est toujours en place sans que de nouvelles échéances électorales aient été fixées. L’enquête sur la mort du président n’a pas avancé et personne ne cherche à réellement savoir qui sont les coupables. Désormais à la puissance des gangs existe une forme de gangstérisme légal. Les spécialistes de la question s’accordent à en fixer le commencement avec l’accession au pouvoir de Michel Martelly, en 2011. En 2018, le président Jovenel Moïse, représentant de l’oligarchie haïtienne, écrase dans la violence un soulèvement populaire contre la pauvreté et la corruption en utilisant les gangs de quartier. Tous les massacres commis alors dans la capitale, Port-au-Prince, sont restés impunis. Depuis la criminalité est devenue générale. Entre 2016 et 2018, on enregistrait une moyenne de 50 kidnappings par an. Il y en a plus de 1 000 aujourd’hui. Le nombre d’homicides, déjà élevé, a été multiplié par cinq.

Un désastre économique incomparable


La révolution de 1986 qui avait signé la fin de la dictature des Duvalier a été ensuite confisquée par une oligarchie qui non seulement est prête à tout pour conserver le pouvoir mais qui, de surcroît, a entièrement détruit l’économie haïtienne. Dans les années 1970, l’économie de Haïti était au niveau de celle de la République dominicaine, l’état voisin. Un demi-siècle plus tard, le pays est devenu totalement dépendant des importations et la situation ne cesse de se dégrader. La classe au pouvoir est la seule gagnante, elle qui prélève un pourcentage sur l’aide internationale et l’existence de zones franches. Selon le politologue Frédéric Thomas, spécialiste de Haïti interviewé par Le Monde, « une partie de l’élite traditionnelle descend des héros de l’indépendance – il s’agit de l’élite agricole, qui a été payée en plantations et qui accapare une fraction des ressources de la terre et de l’État. Après l’occupation de Haïti par les États-Unis, de 1915 à 1934, et la dictature des Duvalier, plusieurs grandes familles d’origine syro-libanaise et de la République dominicaine ont rejoint les élites du pays. Jusqu’à aujourd’hui, les clans les plus puissants sont dans l’import-export – un marché très concentré. On estime ainsi à cinq le nombre de grandes familles contrôlant l’importation et l’exportation du riz sur l’île. »

Aux innocents les mains sales


Après le séisme de 2010, les États-Unis ont affiché une solidarité bâtie de beaux sentiments et appuyés par de nombreux acteurs d’Holywood comme Brad Pitt ou Sean Penn et d’autres personnalités comme Bill et Hillary Clinton. Plus de 224 millions de dollars ont été versés sans qu’un seul des chantiers projetés ait débuté. L’exportation de bananes, pourtant financée à hauteur de plusieurs millions de dollars, est à l’arrêt depuis des années. Et les États-Unis ont prévu de renouveler les aides. Les Américains ont bonne conscience. L’élite politique se goinfre et les gangs prospèrent sur une misère inimaginable.

La première nation noire libre au monde


L’État haïtien a été fondé en 1804 avec le soulèvement dirigé par Toussaint Louverture. La liberté n’a toutefois pas été synonyme de libération pour tous puisque l’esclavage a perduré su place ainsi que les grandes exploitations. De là va naître une oligarchie qui avec les chefs de l’armée de libération va récupérer les structures étatiques et le contrôle économique du pays. Ironie de l’histoire, les élites vont souvent émerger en fonction de la clarté de la couleur de leur peau. La monarchie française va aggraver la situation en obligeant le jeune état à « dédommager » les colons à partir de 1825. La somme exigée – 150 millions de francs, à verser en cinq tranches annuelles, excédaient largement les moyens de Haïti qui a dû emprunter pour payer cette dette imposée. Puis les Européens et les Américains vont prendre la tête de la Banque nationale de Haïti se livrant à un pillage en règle consacrant l’alliance de la puissance financière occidentale avec l’oligarchie locale. La corruption locale a permis à ce système de perdurer. C’est cela que les historiens ont appelé « le malheur haïtien » qui ne semble pas près de s’achever. Un malheur où Haïtiens et puissances extérieures se donnent la main pour mieux détourner les aides.

GXC
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