Allaitement , toujours tabou ?
Entre culpabilisation et injonctions contradictoires, le sein des mères balance.
Allaitement, toujours tabou ?
La fête des Mères aurait pu relancer le débat sur l’allaitement. Mais cela ne coïncidait pas avec le calendrier politique. Pourtant, un nouveau fait divers survenu au Louvre relance le sujet. Entre culpabilisation et injonctions contradictoires, le sein des mères balance.
Hostilité manifeste
Décidément, le corps des femmes n’est pas sans poser de problème ; l’opinion publique a tôt fait de s’en saisir. Que cela soit pour la question du droit des femmes à disposer de leur corps pour pratiquer ou non une IVG en cas de grossesse non désirée, ou pour l’allaitement, le débat devient public et les bonnes mœurs crient au scandale. L’année dernière, la question revenait en force depuis Bordeaux, après qu’une jeune maman, qui faisait la queue à un point relais et nourrissait son bébé de six mois au sein, a été giflée par une autre femme. En juillet 2021, c’était Disneyland qui créait le débat après que deux agents de sécurité ont empêché une mère d’allaiter en public. Plus récemment, le 7 juin 2022, une femme s’est à nouveau vue interdite d’allaiter au Louvre, un agent l’en ayant empêchée parce que « cela pouvait déranger une partie des visiteurs » et l’a envoyée aux toilettes. Qu’il remplisse une fonction nourricière ou soit à connotation sexuelle, le sein ne se dévoile que dans l’intimité. Des situations humiliantes qui ne font pas la promotion de l’allaitement.
Positions variables
Qu’il s’agisse du corps médical, des féministes, du gouvernement ou de la société, l’allaitement est loin de faire l’unanimité. Si les médecins s’accordent sur les bénéfices de l’allaitement pour l’enfant, il n’en a pas toujours été ainsi. Il fut un temps où il était conseillé de faire jeûner plusieurs heures le bébé ou attendre un ou deux jours avant de débuter l’allaitement après la naissance ou faire des tétées à heures fixes. Aujourd’hui, l’OMS promeut l’allaitement maternel durant les six premiers mois du nourrisson. L’allaitement n’a pas non plus fait consensus chez les féministes depuis la fin du XIXe siècle. D’une « obligation qui découle de la nature des choses » au début du XXesiècle à une « servitude épuisante » de Simone de Beauvoir, les féministes ont successivement rejeté ou accepté l’allaitement. Et les femmes dans tout ça ? Elles ne sont pas très à l’aise pour allaiter. Au-delà de l’idéologie féministe et des recommandations médicales, le choix d’allaiter est influencé par plusieurs facteurs socio-économiques, culturels et naturels. Dans une étude de 2013, la DREES montrait que les familles les moins favorisées économiquement recourent à l’alimentation artificielle : 74 % des femmes cadres supérieures allaitent contre 51 % des femmes ouvrières qualifiées. Face aux positions médiatiques stigmatisantes ou moralisatrices, des groupes de femmes revendiquent le droit de choisir et demandent à arrêter la culpabilisation des mères. Ces nouveaux mouvements contestataires sont une façon pour les femmes de reprendre le pouvoir sur leur corps, notamment au regard des fonctions érotiques, esthétiques et procréatives autour du sein. Le corps des femmes n’est pas un bien public.
Accompagner les mères
Selon l’Unicef, la France est l’un des pays dans lequel les bébés sont le moins mis au sein (63 %, contre 82 % en Allemagne, 86 % en Italie). D’après des enquêtes auprès de mamans allaitantes, plus de la moitié disent ne pas avoir été bien accompagnées depuis la naissance de leur enfant. Si l’on se réfère à un récent sondage, « 69 % des mères interrogées ont confié qu’elles ne s’étaient pas senties suffisamment soutenues par la société dans cette démarche ». La plupart des futures mamans ignorent l’existence de professions, d’associations ou d’organismes spécialités dans l’allaitement maternel. Pourtant, il existe des professionnels « experts », comme les consultants en lactation IBCLC ou les titulaires d'un diplôme universitaire en allaitement maternel. Les auxiliaires de puériculture sont également des personnels formés sur ce sujet pour répondre aux questions et aider le cas échéant. Des associations organisent des ateliers sur le sujet, comme Latte du Mà à Ajaccio ou la Leche League. Des structures sont aussi à disposition comme le service Mère-Enfant, avant ou après la naissance. Ainsi les centres de PMI accompagnent les parents dans le bon développement de l’enfant, y compris sur l’alimentation de bébé, et le choix entre le biberon ou le lait maternel. Un choix éclairé, hors pression sociale.
Maria Mariana
La fête des Mères aurait pu relancer le débat sur l’allaitement. Mais cela ne coïncidait pas avec le calendrier politique. Pourtant, un nouveau fait divers survenu au Louvre relance le sujet. Entre culpabilisation et injonctions contradictoires, le sein des mères balance.
Hostilité manifeste
Décidément, le corps des femmes n’est pas sans poser de problème ; l’opinion publique a tôt fait de s’en saisir. Que cela soit pour la question du droit des femmes à disposer de leur corps pour pratiquer ou non une IVG en cas de grossesse non désirée, ou pour l’allaitement, le débat devient public et les bonnes mœurs crient au scandale. L’année dernière, la question revenait en force depuis Bordeaux, après qu’une jeune maman, qui faisait la queue à un point relais et nourrissait son bébé de six mois au sein, a été giflée par une autre femme. En juillet 2021, c’était Disneyland qui créait le débat après que deux agents de sécurité ont empêché une mère d’allaiter en public. Plus récemment, le 7 juin 2022, une femme s’est à nouveau vue interdite d’allaiter au Louvre, un agent l’en ayant empêchée parce que « cela pouvait déranger une partie des visiteurs » et l’a envoyée aux toilettes. Qu’il remplisse une fonction nourricière ou soit à connotation sexuelle, le sein ne se dévoile que dans l’intimité. Des situations humiliantes qui ne font pas la promotion de l’allaitement.
Positions variables
Qu’il s’agisse du corps médical, des féministes, du gouvernement ou de la société, l’allaitement est loin de faire l’unanimité. Si les médecins s’accordent sur les bénéfices de l’allaitement pour l’enfant, il n’en a pas toujours été ainsi. Il fut un temps où il était conseillé de faire jeûner plusieurs heures le bébé ou attendre un ou deux jours avant de débuter l’allaitement après la naissance ou faire des tétées à heures fixes. Aujourd’hui, l’OMS promeut l’allaitement maternel durant les six premiers mois du nourrisson. L’allaitement n’a pas non plus fait consensus chez les féministes depuis la fin du XIXe siècle. D’une « obligation qui découle de la nature des choses » au début du XXesiècle à une « servitude épuisante » de Simone de Beauvoir, les féministes ont successivement rejeté ou accepté l’allaitement. Et les femmes dans tout ça ? Elles ne sont pas très à l’aise pour allaiter. Au-delà de l’idéologie féministe et des recommandations médicales, le choix d’allaiter est influencé par plusieurs facteurs socio-économiques, culturels et naturels. Dans une étude de 2013, la DREES montrait que les familles les moins favorisées économiquement recourent à l’alimentation artificielle : 74 % des femmes cadres supérieures allaitent contre 51 % des femmes ouvrières qualifiées. Face aux positions médiatiques stigmatisantes ou moralisatrices, des groupes de femmes revendiquent le droit de choisir et demandent à arrêter la culpabilisation des mères. Ces nouveaux mouvements contestataires sont une façon pour les femmes de reprendre le pouvoir sur leur corps, notamment au regard des fonctions érotiques, esthétiques et procréatives autour du sein. Le corps des femmes n’est pas un bien public.
Accompagner les mères
Selon l’Unicef, la France est l’un des pays dans lequel les bébés sont le moins mis au sein (63 %, contre 82 % en Allemagne, 86 % en Italie). D’après des enquêtes auprès de mamans allaitantes, plus de la moitié disent ne pas avoir été bien accompagnées depuis la naissance de leur enfant. Si l’on se réfère à un récent sondage, « 69 % des mères interrogées ont confié qu’elles ne s’étaient pas senties suffisamment soutenues par la société dans cette démarche ». La plupart des futures mamans ignorent l’existence de professions, d’associations ou d’organismes spécialités dans l’allaitement maternel. Pourtant, il existe des professionnels « experts », comme les consultants en lactation IBCLC ou les titulaires d'un diplôme universitaire en allaitement maternel. Les auxiliaires de puériculture sont également des personnels formés sur ce sujet pour répondre aux questions et aider le cas échéant. Des associations organisent des ateliers sur le sujet, comme Latte du Mà à Ajaccio ou la Leche League. Des structures sont aussi à disposition comme le service Mère-Enfant, avant ou après la naissance. Ainsi les centres de PMI accompagnent les parents dans le bon développement de l’enfant, y compris sur l’alimentation de bébé, et le choix entre le biberon ou le lait maternel. Un choix éclairé, hors pression sociale.
Maria Mariana