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Entre Etat et élus corses : Darmanin fait le show

Gérald Darmanin occupe le terrain pour l'etat et impose une méthode .

Entre Etat et élus corses : Darmanin fait le show


Gérald Darmanin occupe le terrain pour l’État et impose une méthode Il est aussi celui qui, depuis l’assassinat d’Yvan Colonna, tire profit de tout ce qui a suivi.


C’est à l’hôtel Noirmoutier, résidence du préfet de la région Ile de France (hommage à l’insularité ou rappel que toutes les îles sont de France ? ), et non au ministère de l’Intérieur, que s’est tenue la première réunion intitulée « Comité stratégique sur l’avenir de la Corse » entre le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, et la délégation corse conduite par le président du Conseil Exécutif, Gilles Simeoni, et la présidente de l’Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis.
Le ministre était entouré de proches collaborateurs et du préfet de Corse. Outre Gilles Simeoni et Marie-Antoinette Maupertuis, la délégation corse - forte ou faible de 21 membres, un avenir fait de cohésion ou de dissensions le dira - comprenait outre Gilles Simeoni et Marie-Antoinette Maupertuis, deux élus de chaque groupe politique de l’Assemblée de Corse, les parlementaires de l’île, les maires d’Aiacciu et de Bastia et les présidents des associations des maires de Haute-Corse et de Corse du Sud.
Après quatre heures de discussions, la délégation corse s’est félicitée que des problématiques et un agenda de réunion et de travail aient été consensuellement validés. Il a été retenu huit thématiques (modèle économique et social, lutte contre la spéculation foncière et immobilière, fiscalité, transition énergétique et environnementale, éducation et formation, santé, infrastructures, insularité, Europe, langue, culture et identité). Il a été convenu que serait tenue une réunion d’une journée toutes les six semaines, chaque journée étant consacrée à une thématique. La date de la prochaine réunion, le 16 septembre, et sa thématique, à savoir « Modèle économique et social », ont aussi été fixés.


Trois ou quatre lignes rouges ?

Une question est cependant restée en suspens et il ne s’agit pas de la moindre : tout cela pour en arriver où, l’Etat est-il disposé à aller sur le chemin de l’autonomie ? La réponse n’a pas été apportée. Gérald Darmanin s’en est tenu à indiquer que le programme de travail consistait à examiner un par un des blocs de compétence avec l’idée d’améliorer ce qui peut l’être à droit constant, et ce, en s’interrogeant pour savoir si l’efficacité ou la faisabilité des choses exigerait au cas par cas ou globalement une évolution institutionnelle.
Si on lit entre les mot, il peut être compris que le ministre a laissé une porte ouverte vers l’autonomie. Mais il s’est en montré bien moins audacieux qu’en mars dernier quand, pour apaiser la colère provoquée par l’assassinat d’Yvan Colonna, il avait indiqué que l’autonomie était un possible et non plus impossible. Cette retenue a une explication bien connue : Emmanuel Macron n’a pas encore donné ou ne donnera pas son aval. A ce jour, si trois « lignes rouges » du processus Darmanin - la Corse dans la République, le refus de deux types de citoyenneté, la coofficialité - ont été tracées par le Président de la République, rien ne dit qu’il n’en n’existe pas une quatrième dans l’esprit du locataire de l’Élysée : l’autonomie de plein droit et de plein exercice.
Et à la fin des fins, c’est lui seul qui aura le dernier mot ! Gérald Darmanin l’a d’ailleurs précisé en indiquant qu’à l’issue des discussions, il rendra compte au Président de la République qui décidera de la suite, et plus particulièrement de l’opportunité ou non d’aller vers une issue nécessitant de réformer la Constitution, ce que nécessiterait l’évolution vers un véritable statut d’autonomie.


L’État, maître du destin

L’État que l’on ressentait débordé en mars dernier par la pression de la rue et tétanisé par la perspective des scrutins présidentiel et législatif, a donc repris pris la main et d’entrée rappelé être maître du destin. La satisfaction mesurée affichée par la majorité siméoniste n’a pas suffi à cacher cette réalité. Gilles Simeoni a usé d’un langage diplomatique. Il a mis en avant « une entrée en matière aussi réussie que possible » et plus discrètement rappelé qu’il conviendrait d’être « au bon niveau tout de suite » en recherchant une solution politique globale et en en se projetant évidemment vers l’autonomie de plein droit et de plein exercice, au besoin en passant par une révision constitutionnelle. Marie-Antoinette Maupertuis s’est employée à être positive.
Elle s’est félicitée que les sujets posant problème seraient discutés « sans tabou » et que l’on partirait du concret pour aller vers l’institutionnel. Jean-Félix Acquaviva a énuméré ce qui lui semblait aller dans le bons sens (échanges serein, dialogue respectueux, bon état d’esprit, annonce que serait prochainement rendu public le Rapport de l’Inspection Générale de la Justice visant à faire la lumière sur les circonstances de l’assassinat d’Yvan Colonna et d’éventuelles responsabilités, mise sur la table de la libération des prisonniers politiques…).
Cependant, le député de Haute-Corse a aussi exprimé de la circonspection : « C’est à l’aune de ses mesures et de ses actes qu’on verra si, oui ou non, le processus est historique ». Paul Quastana (Core in Fronte), lui, n’a pas pris de gants. Il a dit crûment qu’il avait conscience que l’Etat restait à ce jour et serait peut-être toujours le maître du destin : « Au final, la décision appartiendra au Président, à l'Assemblée Nationale et au Sénat. On peut très bien travailler trois ou quatre ans pour pas grand-chose ! » Si les élus nationalistes, bien que ne le reconnaissant pas ouvertement, sont quelque peu restés sur leur faim, la droite qui entend jouer le pragmatisme et s’accommoderait très bien qu’Emmanuel Macron ne cède pas grand-chose, a affirmé sans réserve et avec un soupçon de langue de bois, de cynisme et de double discours, sa satisfaction. Jean-Martin Mondoloni a salué « une tonalité très positive aussi bien sur le fond que sur la forme »puis, tout en disant que lui et amis étaient disposés à discuter de tout, a approuvé la volonté de fixer des lignes rouges. Le président du groupe U Soffiu Novu a aussi indiqué que s’ils ne préconisaient pas un recours à l’autonomie, lui et ses amis n’étaient pas hostiles par principe à une évolution constitutionnelle.


L’image de la responsabilité et du courage


Il est aussi ressorti de ce premier contact que Gérald Darmanin fait bien le job et même, sinon surtout, mieux le show. Il occupe le terrain pour l’État sans que ce dernier ait à ce jour pris le moindre engagement et n’ait, à titre de geste de bonne volonté, que fait procéder au transfèrement d’Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, au centre pénitentiaire de Borgo. Il impose une méthode de discussion qui fragmente l’enjeu autonomiste en discussions sur des thèmes faisan que l’on repasse de l’abord du Problème corse à l’abord des problèmes corses. Il est aussi celui qui, depuis l’assassinat d’Yvan Colonna, tire profit de tout ce qui a suivi. Hier, en acceptant de prendre en main le très sensible dossier corse dans des circonstances particulièrement dramatiques et dans un climat de violence, en parvenant à créer les conditions d’un apaisement et d’un dialogue, en osant ouvrir une perspective, il s’est façonné une image de ministre prenant ses responsabilités et faisant preuve de courage politique, tout en se rendant indispensable et donc inamovible lors des récents remaniements ministériels.
Et ce malgré l’épisode peu glorieux du Stade de France ! Aujourd’hui, il renforce cette image en remettant l’Etat au centre du jeu politique corse et en réaffirmant la présence de celui-ci dans l’île. Sa récente venue dans l’île est particulièrement signifiante. En visitant la gendarmerie de Zicavu, il affirmé un soutien aux forces de l’ordre de terrain et de proximité. En se rendant à Cuzzà, il a marché dans les pas d’un certain Emmanuel Macron qui, dans cette commune, avait rappelé, en insistant sur l’importance des relations de ses représentants avec les communes et les intercommunalité, que l’Etat était partout chez lui et avait tout pouvoir de choisir ses interlocuteurs, même si cela pouvait froisser les élus de la Collectivité de Corse.
A Bastia, Gérald Darmanin a réaffirmé l’importance du régalien en rendant visite aux services de police ; en rencontrant le préfet de Haute-Corse, des hauts magistrats, les responsables des services de police, de gendarmerie et de renseignement ; en saluant des succès contre la grande criminalité ; en soulignant la coopération entre les enquêteurs insulaires et ceux de la Juridiction interrégionale spécialisée ayant permis d’importantes saisies de stupéfiants ; en annonçant que des enquêteurs supplémentaires seraient mis à la dispositions des magistrats. Difficile, en évoquant la démarche de Gérald Darmanin, de pas se remémorer celle d’un autre ministre de l’Intérieur : Nicolas Sarkozy. Ce dernier lui aussi faisait le show avec la Corse. Il avait même fait de sa gestion dynamique des dossiers corses, une des marches du marchepieds lui ayant permis d’accéder à l’Élysée. Gérald Darmanin userait--il d’un même ustensile à de même fins ?



Pierre Corsi







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